
Entre révolution tarifaire, adieux au ticket carton et ouverture de la ligne 18 à l'automne prochain, les transports d'Île-de-France continuent leur métamorphose. Sans oublier un été de travaux... comme d'habitude ! Bref, on vous propose une plongée prospective dans une nouvelle année charnière (et on mesure l'ampleur du chantier)
On l’oublie trop souvent : les transports en commun franciliens, c’est une industrie. Une industrie complexe et coûteuse – dans laquelle la France excelle, au passage. Surtout, c’est une industrie qui impacte le quotidien de millions de Franciliens, du trajet domicile-travail aux sorties du week-end, des rendez-vous médicaux aux retrouvailles entre amis. C’est précisément parce que les transports touchent à l’intime de nos vies qu’on en parle autant, qu’on les scrute, qu’on les critique parfois. Et c’est aussi pour cela qu’il faut suivre de près ce qui se joue en 2026.
Moment historique pour le Grand Paris Express : la 18 entre en ligne
C’est LE grand événement de l’année. En octobre, le premier tronçon de la ligne 18 entrera en service entre Massy-Palaiseau et Christ de Saclay. Quatre stations pour commencer – Massy-Palaiseau, Polytechnique, Université Paris-Saclay et Christ de Saclay. Pour la première fois depuis le lancement du Grand Paris Express, une ligne entièrement nouvelle, pas un prolongement, va accueillir ses premiers voyageurs. La ligne 18 est d’ailleurs la seule du programme à n’avoir jamais connu de report de calendrier. Avec ses rames capables de rouler à 100 km/h (contre 25 km/h de moyenne pour le métro historique), la ligne 18 changera la donne pour le sud-ouest francilien. Palaiseau-Orly en 13 minutes au lieu de 45 actuellement. Les étudiants du Plateau de Saclay et les usagers des RER B et V s’en réjouissent à l’avance…
Petit coup de rétroviseur : Juin 2024 restait une date marquante pour le réseau francilien. En quelques jours, la ligne 11 a été prolongée jusqu’à Rosny-Bois-Perrier (six nouvelles stations) et la ligne 14 s’est étendue jusqu’à Orly et Saint-Denis Pleyel. Ces deux prolongements ont été livrés à temps pour les JO de Paris. Désormais, on peut relier Saint-Denis à Orly en 40 minutes. Les habitants de Montreuil, Romainville et des Lilas ont leur métro. La ligne 18, c’est la suite : après avoir étendu le réseau existant, place à la création de lignes entièrement nouvelles.
Dix ans et un an après le double chambardement tarifaire
Chaque année, en décembre, on attend de connaitre le montant de l’augmentation du Navigo… un rituel depuis que le 1er septembre 2015, le passe Navigo devenait « toutes zones » à 70 euros, mettant fin au système où plus vous habitiez loin de Paris, plus vous payiez cher. Dix ans plus tard, le Navigo mensuel passe à 90,80 euros. Une hausse de 2 euros, contenue par le « bouclier tarifaire » qui limite les augmentations à l’inflation plus 1%. Pour rappel, sans les contributions des entreprises et des collectivités, le coût réel du Navigo serait de 280 euros par mois. Et puis pour rester côté tarifs et billettique, cette hausse annuelle intervient aussi un an après l’unification complète des tarifs avec la généralisation du Navigo Liberté+ sur tout le réseau, et l’harmonisation des tarifs – on paye au voyage, et plus à la distance… Le réseau francilien évolue dans ses rails comme dans sa billetterie.
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Terminus pour le ticket carton
C’est la fin d’une histoire vieille de 125 ans. Depuis le 1er novembre 2025, il n’est plus possible d’acheter de tickets en carton. Et à partir du 1er juin 2026, ces petits rectangles emblématiques ne seront plus acceptés sur le réseau. Pour les collectionneurs (on les appelle les « ésitériophiles »), c’est le deuil d’un objet culte, poinçonné pour la première fois le 19 juillet 1900, lors de l’inauguration de la ligne 1. Pour tous les autres, c’est l’heure de migrer vers le Navigo Easy ou l’application smartphone. Si vous avez encore des tickets au fond d’un tiroir, direction les guichets RATP ou SNCF avant le 1er juin 2026 pour les faire convertir en version numérique.
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Un été en soins intensifs… comme d’habitude
L’été 2026 sera chargé côté chantiers. La station Nation ne sera pas desservie par le RER A pendant deux mois. Le RER B sera interrompu dans son tronçon central pendant trois semaines. Le RER C sera coupé entre Austerlitz et l’ouest de Paris pendant plus d’un mois. La station République ne sera pas desservie sur la ligne 8 pendant neuf mois. Ces fermetures sont le prix de la modernisation. Adapter un réseau dont certaines infrastructures datent du XIXe siècle – qu’on pense à la ligne C du RER – aux standards du XXIe siècle, tout en le maintenant en exploitation quotidienne, c’est un défi permanent. Le budget 2026 s’élève à 3,8 milliards d’euros.
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La ligne 15 Sud : comprendre le décalage
Elle aurait dû être la très grande nouveauté de 2026. Mais la ligne 15 Sud du Grand Paris Express, portée par la Société des grands projets, ouvrira finalement au printemps 2027. Ce tronçon de la fugure ligne 15 sud reliera Noisy-Champs à Pont-de-Sèvres en desservant seize gares, dont celle de Villejuif – Institut Gustave Roussy, qui assurera la correspondance avec la ligne 14. Et ce sera dès son ouverture la plus longue ligne de métro automatique d’Europe. Encore un peu de patience…
Ce décalage mérite qu’on s’y arrête, loin des raccourcis faciles. D’abord, il y a eu le Covid. Mettre à l’arrêt un chantier de cette envergure, même temporairement, laisse des traces qu’on ne rattrape pas d’un claquement de doigts. Des mois de travaux suspendus, des chaînes d’approvisionnement désorganisées, des équipes à remobiliser : on ne relance pas un tunnelier comme on redémarre une machine à café.
Ensuite, il y a eu le choix assumé de prioriser les lignes olympiques. Pour tenir la promesse des JO 2024, il a fallu concentrer les ressources sur les prolongements des lignes 14 et 11, inaugurées in extremis en juin 2024. La ligne 15 Sud a fait les frais de cet arbitrage stratégique. Ces choix, ces aléas : c’est la réalité d’une industrie complexe et coûteuse. À noter quand même : en 2025, la gare Villejuif – Institut Gustave Roussy, sur les lignes 14 et 15 sud, a été désignée plus belle gare du monde, et Saint-Denis Pleyel (ligne 14) figurait parmi les finalistes.
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En résumé, 2026, une (nouvelle) année charnière
En octobre 2026, quand la première rame de la ligne 18 s’élancera entre Massy et Saclay, ce sera bien plus qu’une simple ouverture de ligne. Ce sera la preuve que le Grand Paris Express, ce projet de 200 kilomètres de nouvelles lignes automatiques, avance. Dix ans après l’unification tarifaire, un an et demi après les prolongements olympiques des lignes 11 et 14, quelques mois après la fin du ticket carton : 2026 marque un point de bascule. Le métro francilien se transforme, porté par les milliers de femmes et d’hommes qui font tourner cette industrie au quotidien.
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14 décembre 2025 - Île-de-France