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La baignade urbaine : le grand défi

Samedi 19 juin, les Parisiens ont pu plonger dans le canal Saint-Martin dans le cadre de l'opération "Ménage ton canal" / © Steve Stillman pour Enlarge your Paris
Samedi 16 juillet, les Parisiens pourront, comme en 2021, plonger dans le canal Saint-Martin dans le cadre de l’opération « Ménage ton canal » / © Steve Stillman pour Enlarge your Paris

Samedi 16 juillet, les Parisiens pourront plonger dans le canal Saint-Martin à l'occasion de Ménage ton canal, festival écolo-ludique organisé par Enlarge your Paris en partenariat avec la Ville de Paris. Une façon de mettre l'accent sur le lien entre protection de l'environnement et baignades urbaines, ce dont nous parle Patricia Pelloux, directrice adjointe de l'Atelier parisien d'urbanisme.

On tombe souvent sur des archives photographiques des années 20 ou 30 montrant des gens se baignant dans la Seine et la Marne. Comment expliquer que ces baignades n’aient quasiment plus cours aujourd’hui ?

Patricia Pelloux : La baignade dans la Seine a été interdite en 1923 par arrêté préfectoral, donc il y a bientôt 100 ans. Cela tient à la qualité de l’eau. En effet, auparavant s’y déroulaient même des compétitions de natation, parmi lesquelles la fameuse Traversée de Paris. Néanmoins, jusque dans les années 60, les Parisiens ont contourné l’interdiction. On a des images de gens – y compris d’enfants – se baignant près de la rampe située devant le musée du Louvre. Outre la qualité de l’eau, il faut aussi composer avec la navigation des bateaux et les courants. Du côté de la Marne, l’interdiction n’est intervenue que dans les années 70, en raison des problèmes liés à la qualité de l’eau découlant de rejets industriels et de l’urbanisation. Les choses évoluent avec notamment le travail très actif du syndicat Marne Vive pour réhabiliter la baignade en eaux vives, mais aussi ce que propose Ménage ton Canal (organisé samedi 16 juillet par Enlarge your Paris en partenariat avec la Ville de Paris, ndlr) avec la baignade dans le canal Saint-Martin.

Les J.O. de 2024 peuvent-ils jouer un rôle moteur sur le retour de la baignade urbaine ?

C’est sûr que les J.O. constituent un accélérateur pour améliorer la qualité de l’eau. Les épreuves de triathlon et de nage marathon se dérouleront dans la Seine. Les acteurs se coordonnent donc pour faire aboutir plusieurs chantiers : la mise en conformité des mauvais branchements, le problème du rejet des usines ou encore les déversements par temps de pluie. Depuis cinq ans, le COPIL Baignades, présidé par la maire de Paris et le préfet de Région et qui réunit les services de la Ville de Paris et de l’Etat, le Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne (SIAAP), HAROPA (qui regroupe les ports du Havre, de Rouen et de Paris), les établissements publics territoriaux, les conseils départementaux du 92, du 93 et du 94 ainsi que l’Agence de l’eau, travaille en ce sens. Les J.O. vont servir de démonstrateur. Ils vont aussi avoir un impact en termes de communication : des millions de téléspectateurs à travers le monde vont voir qu’il est possible de se baigner dans la Seine.

Pourquoi y a-t-il un enjeu à réhabiliter la baignade urbaine ?

On a pris l’habitude de la baignade en milieu artificiel avec les piscines. Mais, depuis quelques années, la fabrique de la ville accorde plus d’importance à la place de la nature. Le rapport des citadins à la végétation a changé, comme leur rapport à l’eau. On veut un lien plus immédiat. Regardez le succès du bassin de baignade de la Villette (19e) ! On peut aussi penser au bassin situé au cœur de Copenhague, aux plages sur le Rhin à Bâle… Et puis il y a évidemment un enjeu environnemental : dans la logique du réchauffement climatique, les lieux de baignade urbaine permettent de se rafraîchir. Sans oublier le volet social : ce sont souvent des sites gratuits et plus proches que certaines îles de loisirs franciliennes.

L’an dernier, lors de la baignade organisée dans le canal Saint-Martin pour Ménage ton canal, des passants nous ont fait part de leur dégoût. Pour eux, se baigner dans cette eau n’était pas possible. Que dire pour les rassurer ?

Je crois qu’il y a vraiment un enjeu de communication. Il faut rappeler que les baignades, comme celle qui va se dérouler au cours de Ménage ton canal, sont très surveillées. Il y a des prélèvements d’eau. Dans le bassin de la Villette, le prélèvement est quotidien. Les stations balnéaires en bord de mer communiquent sur ces relevés. Pourquoi ne pas le faire davantage en ville ? Il faudrait aussi davantage expliquer les actions menées pour améliorer la qualité de l’eau. On le perçoit nettement : aujourd’hui, les gens sont davantage sensibles aux questions environnementales. Si l’information est transmise avec pédagogie, ils sont demandeurs !

Infos pratiques : « Ménage ton canal », le 16 juillet de 13 h à 20 h le long des canaux à Paris et en Seine-Saint-Denis. Infos et inscription sur Facebook. Baignade dans le canal Saint-Martin au niveau du square Villemin (10e) de 13 h à 17 h

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