Il y a des endroits qui vous prennent par surprise. Crécy-la-Chapelle fait partie de ceux-là. Surnommé la "Venise briarde", ce village médiéval à quarante minutes de Paris en train semble avoir négocié un pacte secret avec le temps. S'y cache entre autres un lieu magique, le Moulin jaune, labellisé "Patrimoine d’intérêt régional" et propriété d'un circassien mondialement connu. Sans oublier de nombreuses autres surprises à découvrir le temps d'une balade d'un peu plus de 6 km.
Créé en 2017 par la Région Île-de-France, le label « Patrimoine d’intérêt régional » est décerné aux bâtiments ou ensembles non protégés au titre des Monuments Historiques présentant un intérêt patrimonial avéré et représentatif pour la région. Le label compte aujourd’hui plus de 234 sites labellisés. Découvrez-les lors de balades organisées par Enlarge your Paris et la Région Île-de-France. A retrouver sur notre agenda
Parcours de la gare de Crécy-la-Chapelle (tram T14) à celle de Villiers-Montbarbin (tram T14). Itinéraire de 6,5 km et 2 h 30 de marche
« Venise briarde » ? D’accord, l’expression est galvaudée, voire un brin agaçante… Pourtant, dès les premiers pas hors de la gare de Crécy-la-Chapelle (Seine-et-Marne), on comprend. L’eau est partout, elle coule sous de petites passerelles privées, lèche les murs des maisons anciennes et les racines de beaux et vieux arbres. Depuis le mail des promeneurs, un passage étroit enjambe la rivière et emmène tout droit dans le bourg médiéval dont le réseau de ruelles n’a paraît-il pas bougé depuis sa fondation au XIIe siècle. Et de cette carte postale charmante émane un message très net : ici c’est flânerie et temps pour soi. Le village ancien n’est pas immense, il faut organiser son parcours pour ne pas en perdre une miette…
La rue des Minimes mène doucement au quai des Tanneries. Un nom qui évoque l’époque où l’on utilisait l’eau du Grand Morin pour transformer les peaux en beau cuir. De cette histoire il ne reste qu’un nom sur une plaque, mais quelque chose de cette époque laborieuse flotte encore dans l’air. En tout cas, on peut l’imaginer. Le petit chemin de ronde pavé serpente entre les maisons et mène devant une ancienne auberge où le peintre Camille Corot – excusez du peu ! – avait ses habitudes au XIXe : il se rendait à Crécy grâce au train de Paris, qui tout d’un coup rendait ce village bien facilement accessible. Et avec Corot, c’est toute une génération de peintres qui sont venus chercher la lumière particulière que donne l’eau aux vieilles pierres et à la campagne
Une vallée protégée
Au cœur du village, l’église Saint-Georges-et-Saint-Louis campe sur un îlot entièrement cerné par les bras du Grand Morin, un phénomène très rare en Île-de-France. Tout autour, les hôtels particuliers des siècles passés et leurs façades de calcaire composent un ensemble harmonieux et paisible, qui invite naturellement à la rêverie et à la balade sans but. À quelques dizaines de mètres se trouve la librairie-café de la place du Marché, avec sa minuscule terrasse donnant sur l’eau. Le lieu idéal pour donner du temps au temps.
La sortie du bourg marque une douce rupture. Une passerelle mène à un pré d’où l’on découvre Crécy sous un autre angle : les maisons se reflètent paisiblement sur l’eau. Un moulin ancien attire l’œil, vestige du XVIe siècle depuis longtemps adopté par les pêcheurs locaux qui viennent nombreux y lancer leur ligne. On comprend Corot ! Après avoir traversé prudemment la rue Saint-Martin, on grimpe un chemin caillouteux qui débouche dans les champs. Le dépaysement est total, car ici commence la plaine agricole de la Brie. Et cette portion transforme complètement l’expérience.
En redescendant, on retrouve le Grand Morin version campagnarde traversant champs et petits bois de cette vallée protégée et qui abrite une biodiversité remarquable. C’est étrange comme le bruit de l’eau change selon les lieux. Dans le bourg, elle se fraie un chemin plutôt bruyamment entre les pierres. Ici, elle glisse silencieusement entre les herbes hautes. Est-elle moins pressée ou plus à son aise ? Même s’il ne faut pas s’y tromper : le Morin peut sortir de son lit et envahir brutalement le bourg de Crécy, comme à l’hiver 2024.
Un moulin hors du commun
L’avenue du Général-Leclerc mène vers la gare de Villiers-Montbarbin (Seine-et-Marne) où l’on attrape le tramway T14 du retour. Mais attention, un train peut cacher un moulin classé « Patrimoine d’intérêt régional » dont la grille d’entrée se trouve devant la gare. Si, par chance, le Moulin jaune est ouvert le jour de votre passage, il faut impérativement s’y arrêter. Dans cette ancienne minoterie du XIXe siècle, Slava Polounine, maître du cirque contemporain et qui fut une star en Russie soviétique, y a aménagé son refuge créatif depuis les années 2000. Le principe est simple et généreux : des artistes du monde entier viennent séjourner en échange du gîte et du couvert mais doivent participer à l’embellissement des lieux.
Résultat : vingt ans de créativité collective ont donné naissance à un jardin extraordinaire. Parapluies colorés suspendus aux branches, sculptures cachées dans les bosquets, recoins poétiques qui invitent à la pause… Chaque bout de nature raconte l’histoire d’une rencontre artistique. Au bord de l’eau, un bar aménagé dans une coque de bateau renversée complète la magie du lieu. Ici, au fil du Morin qui glisse paisiblement, on comprend que l’eau porte les rêves aussi sûrement qu’elle a fait tourner les moulins dans le passé.
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11 septembre 2021 - Crécy-la-Chapelle
