Le coq de Notre-Dame a été doré à Puteaux : où sont les artisans grands-parisiens de la cathédrale ?

Le chevet de Notre-Dame de Paris. Le chantier doit durer jusqu’en 2029. Vianney Delourme pour Enlarge your Paris

Franchement, il y avait de l’émotion. Malgré le contexte un peu formel — une visite ministérielle dans les tours de Notre-Dame, un an après la réouverture de la cathédrale — je n’aurais manqué pour rien la montée des 450 marches en mode VIP. Et je n’ai pas été déçu. La tour sud, celle qui donne sur la Seine, ses charpentes neuves, ses gargouilles restaurées, et cette vue sur Paris à l’heure dorée, le soleil se reflétant en éclats rosés sur les toits de zinc de la Rive gauche. Époustouflant. Et puis quel plaisir, parfois, d’être touriste dans sa ville…

Plus tard, sur la base vie du chantier — des Algeco empilés avec vue imprenable sur le chevet —, pendant que le ministre parlait transmission des savoir-faire et avenir des PME du patrimoine, je me suis éclipsé deux secondes sur la terrasse. La nuit tombait sur la cathédrale. Et là, le souvenir m’a rattrapé. C’est depuis l’extrémité du pont, à 200 mètres, sur l’île Saint-Louis, que j’avais vu l’incendie. Je rentrais d’un repérage de randonnée, un panache de fumée aperçu en sortant du métro gare de l’Est, l’info qui circule, et moi qui file vers Notre-Dame. Six ans plus tard, j’étais là, à regarder le chevet intact dans la pénombre.

Le motif officiel de cette visite : la mise en ligne par Bercy d’une cartographie nationale recensant les 212 entreprises ayant participé à la renaissance de la cathédrale. Un site interactif où l’on peut géolocaliser les artisans, filtrer par métier, découvrir que 57 d’entre eux ouvrent leurs portes au public, dont une quinzaine en Île-de-France. Le coq doré au sommet de la flèche ? Doré à Puteaux, chez ARCOA. Les 394 cabochons de verre de l’auréole du reliquaire de la Couronne d’épines, pressés à la main et dorés à l’or fin ? Réalisés à Gommecourt, dans le Vexin, par la fonderie Juteau. La châsse de la Couronne d’épines elle-même ? Façonnée à Saint-Rémy-lès-Chevreuse, à la Fondation de Coubertin. Les vitraux déposés en urgence une semaine après l’incendie ? Sauvés par Anaëlle Pann, Meilleur Ouvrier de France, depuis son atelier de Meudon.

En un mot : la renaissance de Notre-Dame s’est aussi jouée autour de nous. Pour savoir qui s’y est engagé, il suffit de pousser la porte des ateliers grands parisiens (les détails pratiques sont sur le site du ministère). Une idée de tourisme artisanal qui pourra compléter la visite de l’exposition « D’un seul souffle » de Claire Tabouret au Grand Palais (jusqu’au 15 mars), qui dévoile les maquettes grandeur nature des six futurs vitraux contemporains de la cathédrale. Sept mètres de haut, le thème de la Pentecôte, une explosion de couleurs. Pour prolonger cet émerveillement, allez donc voir ceux qui, depuis des décennies, dans des ateliers du Grand Paris, perpétuent des gestes ancestraux.

C’est peut-être ça, la meilleure façon de leur dire merci, et de ne pas les oublier maintenant que la cathédrale a retrouvé vie, et ses millions de touristes. Car dans le fond, après ce chantier hors norme qui leur a donné du travail et de la lumière, que réserve-t-on à ces PME familiales, à ces artisans d’art, dans un contexte de coupes budgétaires sur le patrimoine ? J’ai posé la question au ministre, lors de la visite du chantier. Je n’ai pas eu de réponse évidente… Mais qui, dans le contexte actuel, pourrait en donner ?

Infos pratiques : Cartographie des artisans de la reconstruction de Notre-Dame de Paris sur le site du Ministère des Finances. Plus d’informations sur le site de l’Etablissement public Rebâtir Notre-Dame. Exposition de Claire Tabouret « D’un seul souffle » au Grand Palais, jusqu’au 15 mars 2026, 15 €