
À deux stations de Transilien de la gare Montparnasse, une boulangerie de quartier de Clamart s’est imposée comme la référence absolue de l’Épiphanie. Couronnée meilleure galette des rois d’Île-de-France, la Maison Dumont prouve que, dans le Grand Paris, les trésors gourmands se trouvent souvent là où on ne les attend pas. Notre reporter John Laurenson s’est mis en chemin.
Deux petites stations de Transilien depuis la gare Montparnasse suffisent pour changer d’atmosphère. À Clamart, les rues sont calmes, bordées de tilleuls et de maisons en pierre meulière. Rien ne distingue a priori cette ville tranquille de bien d’autres communes de la petite couronne. En ce début de mois de janvier, une vitrine attire pourtant l’attention. Les clients entrent, sortent, patientent. Les salutations sont polies, l’attente tranquille.
À deux stations de Montparnasse
Je me présente et prends place près des éclairs. Toutes les quelques secondes, quelqu’un me demande très aimablement si je fais la queue. L’attente fait partie du rituel. C’est ça aussi, Clamart. Puis Patrick Dumont apparaît et m’invite à passer de l’autre côté du comptoir. Derrière la boutique, l’arrière-boutique s’anime. Un grand nombre de pâtissiers et de pâtissières s’affairent autour des plans de travail. Ils sont aujourd’hui vingt-cinq à travailler ici, contre cinq à l’ouverture de la boulangerie, il y a une vingtaine d’années. En ce mois de janvier, plusieurs milliers de galettes sortiront de ces fours.
Patrick Dumont en saisit une et la pose devant nous. Une galette pour huit à dix personnes. Une belle roue, régulière, bien formée. C’est une galette qui se regarde avant de se manger. La surface est décorée d’une fleur aux larges pétales, dessinée dans la pâte feuilletée à l’aide d’un scalpel. Un travail précis. « Si on n’entame pas assez, le dessin ne sort pas ; si on entame trop, c’est la crème d’amande qui va sortir », explique-t-il.
La galette des rois est une histoire ancienne. Elle remonte au Moyen Âge, quand on célèbre l’arrivée des rois mages à l’occasion de l’Épiphanie. À l’origine, il s’agit d’un pain simple. Ce n’est qu’au XVIIᵉ siècle que les boulangers le remplacent par une pâte feuilletée garnie de crème d’amande. La tradition veut que le plus jeune se glisse sous la table pour désigner, au hasard, à qui revient chaque part. Celui qui trouve la fève devient roi.
Pour Patrick Dumont, l’Épiphanie a toujours eu un goût particulier. Ses parents étaient boulangers-pâtissiers. Il a grandi dans la boutique, la famille vivant juste au-dessus. « Les souvenirs que j’en ai, c’est beaucoup de production de galettes et pas beaucoup d’heures de sommeil », sourit-il. Il coupe deux parts et attire mon attention sur ce que les professionnels observent en premier : la cuisson régulière de la crème d’amande et l’absence de poches d’air dans le feuilletage.
Vient le moment de goûter. La dégustation est immédiate. Tout est fin. Le glaçage est délicat, à peine sucré. La pâte n’est pas grasse, mais moelleuse. L’amande a un goût franc, avec un grain légèrement irrégulier qui apporte de la texture. Le feuilletage, très fin, fond en bouche.
Je l’interroge sur sa manière de faire. Il explique qu’il torréfie lui-même une grande partie des amandes utilisées pour le fourrage, avant de les broyer. Il y ajoute un peu de crème pâtissière pour obtenir une texture plus onctueuse. Puis il conclut, simplement :
« Et surtout, je fais ces galettes avec beaucoup d’amour. » La phrase pourrait sembler convenue. Elle ne l’est pas ici. L’attention portée au geste, la précision du travail et l’engagement de toute une équipe se retrouvent, sans discours superflu, dans l’assiette.
À Clamart, la galette raconte une histoire de quartier, de savoir-faire et de constance. Une histoire qui, le temps de l’Épiphanie, se laisse suivre comme une étoile des bergers.
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31 décembre 2025 - Clamart