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« J’avais 300 arbres sur mon balcon » : en Essonne, Adeline Lefranc fait naître des forêts

Ancienne institutrice reconvertie en pépiniériste à la suite du COVID 19, Adeline Lefranc cultive des milliers d'arbres issus de semences franciliennes. Elle s'apprête à déménager sa pépinière L'Enracineuse sur un terrain de plus d'un hectare à Bruyères-le-Châtel. Rencontre avec une « naisseuse » d'arbres qui propose d'en adopter pour cinq euros.

Vous êtes une ancienne instit’ qui a tout plaqué pour devenir pépiniériste ?

C’est un peu plus compliqué. J’étais juriste au départ, j’ai fait de l’accès au droit en prison pendant quinze ans. Puis j’ai passé le concours de prof des écoles. Et il y a eu le confinement, mes enfants, des réflexions sur le monde qu’on leur laissait… Il y a quelques années, ma mère m’offrait des plantes en plastique parce que je faisais mourir tout ce que je touchais. Et là, après le covid, je me suis mise à semer, à bouturer plein de choses que je trouvais autour de moi. À un moment, j’avais 300 arbres sur mon balcon. J’ai été toquer à la porte de ma mairie pour demander un bout de terrain. C’était aussi pour montrer à mes enfants qu’on pouvait essayer — peut-être que ça n’allait pas marcher, mais au moins je n’aurais pas de regrets.

Au début, vous proposiez « d’adopter » un arbre sur les marchés…

La première année, plein de gens m’ont dit : « J’aimerais soutenir ce projet mais je n’ai pas de jardin. » On a eu l’idée de l’arbre suspendu, comme les cafés suspendus : on paye un café, un sandwiche, pour quelqu’un qui n’a pas les moyens. Sauf que sur les marchés, les gens levaient les yeux, ils cherchaient les arbres en l’air ! J’ai fini par appeler ça le parrainage. Quelqu’un achète un arbre à cinq euros, je lui remets un certificat, et quand l’arbre est planté, j’envoie un mail pour dire où il a pris racine. C’est moins cher qu’une baleine ou une étoile.

Pourquoi c’est important de planter des arbres d’ici ?

On va chercher au bout du monde des choses merveilleuses, mais on ne connaît même pas les arbres qu’on a à côté de nous. Le fusain, par exemple, c’est la plante hôte du papillon citron : si on enlève le fusain, on enlève le papillon. Déjà qu’il y en a plus beaucoup…

Et puis un arbre, c’est un écosystème. Même jeune, on emmène avec lui des champignons, des insectes… La fourmi électrique, elle vient d’une plante importée d’Amérique du Sud. La maladie de l’encre qui détruit nos châtaigniers, pareil. On pense bien faire et on importe des maladies face auxquelles nos arbres sont démunis.

Vous réinventez le métier de pépiniériste…

Aujourd’hui, je suis la seule pépiniériste « naisseuse » d’arbres locaux en Île-de-France — je pars de la graine. Dans nos forêts, on a entre soixante et soixante-dix espèces ligneuses : les chênes, les érables, le charme, le merisier, et puis les petits — aubépines, cornouillers, chèvrefeuilles, troènes… Mon objectif, c’est de recréer des corridors écologiques pour la faune. Et comme on habite une région très urbanisée, ça passe aussi par nos villes et nos jardins.

L’Essonne, c’est une terre de pépiniéristes depuis des générations. Ils disparaissent, et vous débarquez…

C’est une terre agricole, mais l’agriculture a besoin de se réinventer. Les pépiniéristes traditionnels ferment, les marchés partent à l’étranger, et pendant ce temps on a plus que jamais besoin de replanter. Un maraîcher m’a accueilli sur sa ferme à Longpont-sur-Orge le temps de me lancer. Le terrain de Bruyères-le-Châtel, personne n’en voulait, donc je n’ai pas été en concurrence. Là, j’ai encore 9 000 arbres à déménager. Un arbre, c’est un petit godet dans une cagette de 24, mais on ne peut pas les empiler. Les 17 et 18 janvier, si des gens veulent venir donner un coup de main, ce sera vraiment chouette.

C’est quoi votre rêve ?

J’aurai réussi le jour où j’aurai planté des haies dans la Beauce.

Pour parrainer un arbre ou aider au déménagement les 17 et 18 janvier, rendez-vous sur lenracineuse.fr

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