Société
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Le Riders social club défend une autre éthique de la livraison

Julien Villain et Mamadou Marciset, fondateurs de la société de livraison en vélo cargo Riders social club / © Riders social club
Créée en juin 2020, la coopérative Riders social club propose un service de livraison à vélo cargo dans le Grand Paris / © In Seine Saint Denis

Lancé en 2020 en Seine-Saint-Denis sous forme de coopérative, le Riders social club développe la livraison à vélo cargo tout en luttant contre la précarisation des livreurs. Julien Villain, l'un des deux co-fondateurs, nous en parle.

Le Riders Social Club est signataire de la tribune « Pour une livraison durable livrés, délivrés » publiée ce 28 novembre dans le JDD

A quand remonte la création du Riders social club ?

Julien Villain : Nous nous sommes lancés officiellement en juin dernier mais on travaille sur l’idée depuis 2017. Nous voulions être nos propres patrons, casser la division du travail entre ceux qui mettent les mains dans le cambouis et ceux qui tiennent le stylo. Avec mon associé Mamadou Marciset, nous avons tous les deux cette passion du vélo ainsi qu’une expérience dans la logistique, donc faire de la logistique à vélo était une évidence. Au-delà d’être un outil de travail écologique, le vélo est plus efficace qu’un petit utilitaire. Dès qu’il y a un peu de circulation, nous sommes très loin devant. Nous voulions également créer une structure qui garantisse de bonnes conditions de travail. Enfin, si notre coopérative est installée en Seine-Saint-Denis, ce n’est pas qu’une question de siège social. La Seine Saint-Denis, c’est notre patrie, notre ambition

Pourquoi avoir opté pour le statut de coopérative ?

Nous voulions bâtir une entreprise basée sur autre chose que la course au profit et c’est le statut de la coopérative qui s’est avéré le plus en accord avec nos valeurs. Nous sommes régis par la loi relative à l’économie sociale et solidaire permettant à ceux qui travaillent avec nous d’obtenir le statut d’entrepreneur-salarié, ce qui leur garantit la liberté d’organiser leur activité professionnelle selon leurs besoins mais aussi de bénéficier des mêmes protections sociales qu’un salarié et de participer à la gouvernance de la coopérative.  

Quel regard portez-vous sur le monde de la livraison ?

Le milieu de la livraison et de la logistique en ville est archaïque. La ville n’est pas adaptée pour les livraisons en camion et les livreurs galèrent à trouver des places de livraison et se garent en double file pour essayer de tenir les délais. Les livreurs en ont marre, les automobilistes en ont marre, les riverains aussi. Le vélo est clairement l’alternative. Les premiers à avoir démocratisé la livraison à vélo ce sont les plateformes de l’économie dite « collaborative ». Cela a tourné au Far West. On est passés d’une promesse de liberté avec l’économie collaborative à l’exploitation « à la cool » et invisible de pleins de travailleurs jetables. Tout le secteur de la livraison ainsi « ubérisé » à été tiré vers le bas de façon très violente. Les rémunérations ont chuté, les protections sont quasi inexistantes et les travailleurs sont blacklistés dès qu’ils revendiquent de meilleures conditions de travail et de meilleures rémunérations. Au début, il y avait vraiment de tout sur les plateformes, des jeunes étudiants, des cadres, des gens qui faisaient ça pour le fun, d’autres vraiment en galère. Désormais, l’écrasante majorité, c’est des gars précaires, la plupart sans-papiers et livrés à eux-même pour essayer de faire le chiffre hebdomadaire et rentrer dans leurs frais. Les livraisons à vélo se font en fait en majorité à scooter et les gars se battent pour les meilleurs créneaux. Certains livrent sur des vélos pour enfant avec des pneus crevés. J’ai déjà vu un livreur à vélo pour une plateforme se faire cartonner par une voiture, le vélo en miettes et refuser d’appeler une ambulance par peur de se faire contrôler. Nous, ce qu’on veut, c’est combattre ce modèle et être une alternative. On ne fait pas concurrence à Uber Eats, Deliveroo, Frichti car on ne pratique pas la livraison de grecs à l’unité. En revanche, on leur fait concurrence sur les conditions de travail.

Comment s’effectuent vos livraisons ? 

Nous utilisons des vélos cargos Made in France fabriqués par Douze Cycles. A vélo, on traverse Paris du nord au sud en à peu près 45 minutes, même quand c’est bouché. On étudie bien nos clients avant de leur faire des propositions. Traiteurs, e-commerce, brasseurs, petits commerçants, ils ont tous leurs spécificités donc nous sommes obligés de faire du sur-mesure. Pour la gestion, nous utilisons là aussi un logiciel Made In France, CoopCycle, créé par la Fédération de coopératives de livraison à vélo. Le reste, ce sont les mollets qui s’en chargent.

En parlant de mollets, comment ça se passe physiquement ?

Physiquement, c’est le top ! Nous faisons des économies sur la salle de sport. C’est une chance de travailler tout en exerçant une activité physique qui te permet de rester en bonne santé. Le vélo, c’est quand même un bon remède pour bien vieillir. On se fait entre nous un entraînement bi-hebdomadaire basé sur du renforcement et de l’endurance, histoire d’être prêt à rider. Nous avons aussi une mutuelle qui prend très bien en charge les frais de kiné et chaque livreur est incité à y aller au moins chaque trimestre, histoire de faire un check up et voir si tout va bien.

Vous qui parcourez le Grand Paris, avez-vous un endroit de prédilection ?

Le canal Saint-Denis est vraiment agréable, on l’empreinte assez souvent. Mais vivement la rénovation de ses berges car parfois c’est compliqué de rouler. Niveau couleurs, sur ce canal, on a tout ce qu’il faut. Il y a des couchers de soleil assez incroyables. On a l’impression d’être dans des tableaux d’impressionnistes en plus modernes. A quelques coups de pédale du canal, on adore finir notre journée par une petite boisson fraîche sur une terrasse, par exemple devant la basilique de Saint-Denis, même si en ce moment c’est un peu compliqué la terrasse. Nous sommes avant tout là pour livrer les produits des restaurateurs pour qu’ils ne mettent pas la clef sous la porte.

Infos pratiques : Plus d’infos sur riders-socialclub.com

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