
Le 6 novembre, le « Drag Race France Live All Stars » transformera l'Accor Arena à Paris en plus grand cabaret de France (et sans doute du monde). Pour patienter, Enlarge your Paris s'est entretenu avec Soa de Muse, Punani, Rose et Miss Racolage pour leur demander leurs bonnes adresses de part et d’autre du périph ainsi que leur conception du drag.
Pour vous, est-ce que « banlieue » et « drag » sont des mots qui vont bien ensemble ?
Soa de Muse : Le drag, c’est le multi-culturel, le multi-artistique. Et la banlieue, c’est une multiplicité de richesses. Donc oui, à mes yeux, ce sont deux notions qui cohabitent vraiment bien !
Punani : En banlieue, en ville, à la campagne ou à la mer ! Pour moi, l’art du drag peut se décliner de toutes les façons dans le monde !
Rose : Je plussoie ! Je pense d’ailleurs qu’aucune drag-queen ne s’est jamais posé la question de jouer en banlieue ou non !
Vous avez toutes grandi en banlieue. Rose et Punani à L’Haÿ-les-Roses où vous vous êtes rencontrées au collège, Soa à Villepinte. Est-ce que cet environnement a pu façonner votre conception du drag ?
Soa de Muse : Bien sûr ! La banlieue n’appartient pas qu’au rap. Il y a aussi le R’n’B, un style avec lequel j’ai une certaine connexion. Et puis il me semble que la banlieue, c’est aussi un endroit où on prend du recul et en même temps, là où on peut trouver un certain nombre d’exclus. Il suffit de voir comment aujourd’hui les quartiers populaires sont peu pris en compte par le politique. On y acquiert aussi, me semble-t-il, une certaine connaissance des autres.
Punani : Mes parents m’ont fait voir des films avec Divine ou écouté David Bowie, autant de personnalités qui interrogent cette question du genre. Sans oublier le Rocky Horror Picture Show ! Avec Rose, on a découvert le drag plus tard. Mais dès le collège, on a commencé à faire des films amateurs où on jouait tous les rôles, masculins comme féminins.
Rose : C’est vrai qu’au collège, il y a 20 ans, on parlait peu du drag. C’était plutôt présent dans la culture anglo-saxonne. Même s’il y avait le personnage de Maria-Ulrika von Glott créé par Marianne James mais qui était très théâtral. Mais à cette époque, on ne ressentait pas l’appel vers Paris. On était heureux de faire nos petits films à L’Haÿ-les-Roses !
Quand on veut voir du drag hors de Paris, c’est principalement en Seine-Saint-Denis que ça se passe. Comment l’expliquez-vous ?
Soa de Muse : Parce que c’est un département où la culture possède une dimension importante. Il y a beaucoup de festivals et il ne faut pas non plus oublier que la Pride des banlieues y est ancrée. À Saint-Denis où je vis, il y a par exemple une très forte communauté queer qui porte de nombreux projets. De toute façon, dès qu’il y a un événement culturel ou un festival, je peux vous garantir qu’en général vous trouverez toujours une queen pas loin !
Rose : Il y a peut-être là-dedans quelque chose d’assez politique. Peut-être le drag s’installe-t-il dans des villes avec une forte politique culturelle, plus ouverte aussi. Mais preuve qu’il faut se méfier des préjugés : j’ai appris qu’il existait une scène drag à Versailles [voir ci-dessous les bonnes adresses de Miss Racolage, NDLR].
D’où vient selon vous cet essor des shows de drag queens depuis quelques années ? Est-ce seulement imputable à Drag Race ou y a-t-il d’autres facteurs ?
Soa de Muse : On le voit bien dans toute l’histoire du cabaret : il explose en général quand le monde ne va pas très bien. À des moments où les gens ont besoin de partir en vacances d’eux-mêmes. On est flamboyantes, dans des costumes de dingue et, en même temps, on fait passer des messages d’espoir. Oui, je crois que c’est vraiment ça l’idée : la drag-queen te donne de l’espoir mais, en même temps, elle te dit de garder les yeux ouverts. Or il faut bien avouer qu’en ce moment, on a du mal à vivre ensemble, le climat général est assez anxiogène. Alors si j’arrive, avec mon art, à faire du bien aux autres et à me faire du bien par la même occasion, ce n’est pas si mal ! Et puis le jour où cela ira mieux, si on a moins besoin des drag-queens, je donnerai des cours !
Punani : Il est vrai que, depuis la diffusion des saisons américaines de Drag Race sur les plates-formes, les gens connaissent davantage le drag. Et Drag Race France est venu renforcer le phénomène. Mais, en même temps, depuis longtemps en France, il y a la culture du cabaret et de ce genre de show. On a pu appeler ça auparavant le travestissement, le transformisme… Mais c’est vrai qu’avec Drag race France, on a touché au-delà de la communauté. Il y a eu une sorte de « mainstreamisation », à l’instar de ce qui s’est passé avec le voguing ou les ballrooms.
Rose : Il me semble qu’il y a eu un gros essor après le covid. Les gens avaient besoin de culture et se sont intéressés au drag. En parallèle, les drags ont utilisé les réseaux sociaux pour se faire davantage connaître. Et puis, vous êtes bien placée pour le savoir : quand les médias s’intéressent à un phénomène, il prend tout de suite de l’ampleur !
Quelles sont vos bonnes adresses pour voir du drag dans le Grand Paris ?
Soa de Muse : Forcément, j’ai envie de vous parler de La Bouche. C’est le cabaret autogéré que nous avons monté avec Grand Soir, Bili Bellegarde et Mascare. On essaie vraiment de créer de la proximité avec le public qui est un peu comme le cinquième personnage de cette performance. Ça se passe à La Flèche d’Or (20e) et les prochaines dates sont les 29 et 30 octobre. Alors certes, La Flèche d’Or est intra-muros, mais ceux qui connaissent savent bien que ce lieu, par son ambiance et sa vitalité, c’est déjà la banlieue. Et nous sommes actuellement à la recherche d’un endroit du côté de Saint-Denis ou Saint-Ouen pour nous installer de manière pérenne…
Rose et Punani : Et puis soutenez le MontVenus qui propose aussi des événements drag. Ce bar queer de Montreuil (Seine-Saint-Denis) connaît actuellement des difficultés et il mérite vraiment un coup de pouce !
Infos pratiques : Retrouvez Soa de Muse et Punani au « Drag Race France Live All Stars » à l’Accor Arena le 6 novembre prochain, 8, boulevard de Bercy, Paris (12e). Tarifs : à partir de 39 €. Accès : métro Bercy (lignes 6 et 14). Plus d’infos sur accorarena.com / cabaret La Bouche les 29 et 30 octobre, 26 et 27 novembre, 11 et 12 décembre à partir de 20 h à la Flèche d’Or, 120 bis, rue de Bagnolet, Paris (20e). Plus d’infos sur la-bouche-cabaret.com

Bonus : les bonnes adresses de Miss Racolage pour voir du drag outre-périphérique
Les soirées Drag As Folk
Ces soirées sont proposées et hébergées par Lady Pso qui est ma mère drag et qui voulait créer un drag show à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). Ce n’est pas un hasard si beaucoup de lieux proposant du drag ont essaimé en Seine-Saint-Denis. Il y avait déjà pas mal d’endroits dans le 18e et le nord de la capitale. Or, en Seine-Saint-Denis, il y a de plus en plus de villes attractives pour les personnes queers, que ce soit à Montreuil, Pantin ou Aubervilliers. Alors que la scène intra-muros est devenue assez policée, en Seine-Saint-Denis, les shows proposés sont moins codifiés, très politisés et aussi très familiaux. La spécificité des soirées « Drag as Folk » est qu’elles se découpent en un débat puis en un drag show en deux parties. Vous m’y verrez ! Mon personnage de Miss Racolage est né là-bas et c’est moi qui m’occupe des tips : les drag dollars qu’on donne symboliquement aux artistes pour les remercier de leur performance.
Infos pratiques : Soirées « Drag as Folk » chez Auberkitchen, 20, rue Lécuyer, Aubervilliers (93). Samedi 18 octobre à partir de 19 h 30. Tarif libre. Accès : métro Aubervilliers–Pantin–Quatre Chemin (ligne 7). Plus d’infos sur Instagram
Chez Renée
Organisé par Miss Renée, ce cabaret drag se tient une fois par mois aux Sept Lieux à Versailles (Yvelines). Miss Renée est de la même génération de drag-queens que Lady Pso. Le show a trouvé son public et marche vraiment bien !
Infos pratiques : Chez Renée, aux Sept Lieux, 3, avenue de Paris, Versailles (78). Plus d’infos sur sept-lieux.fr

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13 octobre 2025