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Au Centquatre-Paris, l’IA fait danser les momies du Louvre. Et c’est surprenant de poésie

NEMO. Le Mégamix du Louvre Lens ©Quentin Chevrier

Des antiquités égyptiennes qui dansent le mia, des plantes dont on capte les émotions, une duchesse anglaise du XVIIe siècle qui s'anime sous nos yeux… Au Centquatre-Paris, l'exposition "Les Illusions retrouvées" réconcilie les utopistes des Lumières et les algorithmes d'aujourd'hui. Le tout dans le cadre de Némo, la Biennale des arts numériques qui essaime dans 25 lieux franciliens jusqu'en janvier. Enfin une expo où traîner toute la famille sans déclencher de mutinerie

Trouver une exposition qui mette toute la famille d’accord relève en général de la galère sans nom. On vous évite de sortir les rames : pour cela, direction le Centquatre-Paris où se tient Les Illusions retrouvées, manifestation ludique et passionnante dans le cadre de Némo, la Biennale internationale des arts numériques de la Région Île-de-France. Une expo qui explore les utopies possibles à l’heure de l’IA et des algorithmes, et qui montre que les nouvelles technologies ne manquent pas de poésie.

Quand s’entrechoquent utopies passées et révolutions technologiques

On commence par la section « Renaissances » qui s’ouvre sur un tableau de Margaret Cavendish, sous l’égide de laquelle l’expo est placée. Cette duchesse anglaise du XVIIe siècle fut une des premières autrices de science-fiction, rien que ça. Sous nos yeux, le tableau s’anime grâce aux artistes Inook et Ask Mona. Toute cette section fait d’ailleurs s’entrechoquer les utopies passées et les révolutions technologiques présentes. Dans la salle suivante, Anne Bourrassé et Mounir Ayache ressuscitent le Désert de Retz, ce jardin fantasmagorique qui existe toujours à côté de Chambourcy (Yvelines) : 38 hectares de jardin peuplés de folies en forme de pyramide ou de tour inachevée, imaginé par un gentilhomme des Lumières. Thomas Garnier, lui, ressuscite la lithophanie, une pratique de gravure sur céramique translucide ; à la différence qu’à la place des décors pastoraux, il dessine centre de serveurs et fermes de cryptomonnaies pour composer des paysages dérangeants. Il ne faut pas non plus manquer l’étrange machine imaginée par Eric Vernhes, sorte de totem composé de magnétophones géants et écrans qui diffuse le discours délivré à Metz par l’écrivain Philip K. Dick dans lequel il expose sa théorie des univers parallèles.

Plantes à caresser et frisson quantique

Changement d’espace et changement radical d’univers avec « Un monde nouveau » : ici on se retrouve projeté dans un univers résolument tourné vers la nature. Les Fleurs sauvages de Tatsuru Arai et Boris Vaitovič semblent dévaler une cascade numérique. Markos Kay compose une nature inédite, réinventée avec l’aide de l’IA. Phygital Studio propose d’observer l’activité électrique d’une plante – qu’on la caresse ou qu’on lui chante une chanson – répercutée sur un écran géant à l’aide de flux colorés. Autre œuvre participative : On Air de Peter van Haaften, Michael Montanaro et Garnet Willis, qui nous invite à chanter ou parler dans un pavillon. Les sons se répercutent alors dans des lentilles optiques et composent un show lumineux et sonore sans cesse renouvelé.

Place à l’infiniment petit avec la section intitulée « Le Cantique des Quantiques », rendant hommage à la physique du même nom. Avec Sensation quantique, Caroline Delétoille, Aurore Young et Céline Boisserie-Lacroix nous invitent à éprouver l’essence de cette science à travers des toiles. On resterait bien des heures à observer le Monolithe de l’infini signé Matthieu Poli, une sculpture numérique de deux mètres de haut…

Puis cap sur l’ « Île des Utopies » : sous une sorte de grand igloo transparent, Christian Delécluse nous fait découvrir les femmes qui ont marqué la science – parmi lesquelles une actrice et une religieuse – et ont été oubliées par l’Histoire. À partir de chants d’oiseaux, Andy Thomas donne naissance à des créations oniriques générées par ordinateur. David Rokeby, lui, crée des images à partir de la voix du public qui visite son installation.

Des œuvres qui chantent

Avant de partir, ne manquez pas la salle située en face du Café Caché. Vous manqueriez l’œuvre qui va définitivement fédérer toute la smala. Le bureau de design numérique Inook a tout simplement décidé de faire chanter… les œuvres du Louvre-Lens. Face à des écrans géants, toute la famille, hilare, contemplera des antiquités égyptiennes danser le mia ou un couple de la Renaissance reprendre You’re The One That I Want de la comédie musicale Grease. À la fin de la visite, il ne serait pas étonnant que vous en demandiez encore. Bonne nouvelle : la Biennale Némo prend place au Centquatre-Paris, mais pas seulement : des Hauts-de-Seine au Val-de-Marne en par les Yvelines, le Val d’Oise, la Seine-Saint-Denis et Paris intra-muros, 24 autres lieux franciliens sont également associés à l’événement. Lequel se clôturera en beauté par un grand week-end du 8 au 11 janvier au Centquatre-Paris. De quoi, cet hiver, se réchauffer l’âme et l’esprit au feu joyeux des utopies.

Infos pratiques : Exposition « Les Illusions retrouvées, nouvelles utopies à l’ère du numérique », dans le cadre de la Biennale Némo, au Centquatre-Paris, 5, rue Curial, Paris (19e). Ouvert du mercredi au dimanche de 14 h à 19 h (dernière entrée à 18 h) et mardi pendant les vacances scolaires (23 et 30 décembre). Fermé à 18 h les 24 et 31 décembre (dernière entrée à 17 h) et fermé les jeudis 25 décembre et 1er janvier. Tarif : 10 € (plein tarif), 8 € (tarif réduit), 5 € (moins de 26 ans), gratuit pour les enfants de moins de 6 ans. Accès : gare de Rosa Parks (RER E), métro Riquet ou Crimée (ligne 7), Stalingrad (lignes 2, 5 et 7), Marx Dormoy (ligne 12). Infos et réservations sur 104.fr

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NEMO, Duck Rachel Maclean ©Quentin_Chevrier (1)

NEMO Nature Portals Markos Kay © Quentin Chevrier