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Vincennes et Boulogne, deux bois qui gagnent à être connus

Le bois de Vincennes dans le 12e à Paris / © Guillaume Bontemps - Ville de Paris
Le bois de Vincennes dans le 12e à Paris / © Guillaume Bontemps – Ville de Paris

Ils représentent à eux deux l'équivalent de 5,5 fois Central Park. Pourtant, les bois de Vincennes et de Boulogne à Paris restent encore largement méconnus des Grand-Parisiens. Raison pour laquelle l'Atelier parisien d'urbanisme a mené une étude et établi un diagnostic pour les rendre plus accessibles et mieux les faire connaître. Directrice adjointe, Patricia Pelloux nous en livre les principaux enseignements.

Interview publiée le 22 juin 2020

Pourquoi cette étude sur les bois de Boulogne et de Vincennes à Paris ?

Patricia Pelloux : L’objectif est de rendre compte des évolutions récentes et des recommandations pour rendre ces bois plus accessibles. Ce sont deux grands espaces de respiration qui restent encore méconnus. A titre de comparaison, le bois de Boulogne (16e), avec ses 845 ha, est 2,5 fois plus grand que Central Park et le bois de Vincennes (12e), qui couvre 995 ha, est trois fois plus grand. Ces bois ont un potentiel très fort car ils sont vastes et situés en ville mais ils sont encore trop fragmentés. A l’heure de l’urgence climatique et du déconfinement qui a montré le besoin impérieux de nature, nous avons souhaité mieux les faire connaître.

Pourquoi n’ont-ils pas la même aura que Central Park alors que Paris est l’une des villes les plus regardées au monde ? 

Central Park est au coeur de Manhattan, bordé par la silhouette urbaine des grattes-ciels. Les bois de Boulogne et de Vincennes sont placés quant à eux aux extrémités de Paris. Certaines grandes infrastructures les éloignent encore davantage comme le bd Périphérique, l’A4 ou l’A13. De plus, les événements culturels programmés à Central Park, beaucoup plus nombreux, lui confèrent une visibilité supplémentaire tout comme la pratique quotidienne des joggeurs et adeptes de rollers. En cela, la Fondation Louis Vuitton, qui attire un vaste public, est un plus pour renforcer l’attractivité du bois de Boulogne. L’importance des bois parisiens est à considérer en tenant compte de la place centrale qu’ils occupent à l’échelle métropolitaine.

Quels sont les points communs et les différences entre les deux bois parisiens ?  

Ils ont tous les deux une richesse patrimoniale et ont fait l’objet d’un classement dans les années 1960. Ils se caractérisent par la présence de nombreux points d’eau, lacs, ruisseaux, cascades, mares et bords de Seine et Marne… Malheureusement, ceux-ci ne sont pas encore assez valorisés et leur potentiel n’est pas pleinement utilisé, alors même que les besoins de fraîcheur vont augmenter considérablement avec le réchauffement climatique. Au rang des différences, le bois de Vincennes possède davantage d’aires de jeux en accès libre tandis que le bois de Boulogne compte lui plusieurs clubs sportifs privés. 

La grande casacade du bois de Boulogne / © Apur
La grande casacade du bois de Boulogne / © Apur

Quelles sont les activités les plus fréquentes pratiquées dans ces deux espaces verts ? 

Notre enquête a révélé que les visiteurs s’y rendent avant tout pour se promener, puis pour pratiquer une activité sportive et enfin pour leurs sorties culturelles et de loisirs par exemple à la Cartoucherie, au Parc floral ou encore au Jardin d’Acclimatation. Il est également intéressant de noter que les promeneurs ne s’aventurent pas très loin dans les bois et préfèrent fréquenter les lieux les plus connus comme les abords des lacs alors que de nombreux autres points d’intérêt mériteraient d’être valorisés. 

Comment s’effectuent les trajets pour se rendre dans les bois de Vincennes et Boulogne ?

L’utilisation de la voiture pour se rendre dans les deux bois a considérablement baissé, de 63% en 2002 à 29% en 2019. En parallèle sur la même période, le vélo est passé de 5 à 15% et la marche à pied de 14 à 22%. Les transports en commun sont également de plus en plus plébiscités. Plus d’une dizaine de nouveaux arrêts de bus ont vu le jour l’an dernier à Boulogne et une vingtaine à Vincennes pour desservir les zones les moins accessibles.

Quelles sont les principales attentes des usagers et vos préconisations ?

Les attentes des usagers portent sur les mobilités, sur l’amélioration des accès et des traversées piétonnes notamment en lisière des bois. Ils souhaitent également en apprendre davantage sur les promenades possibles, la nature et les richesses écologiques de ces espaces naturels. C’est pourquoi nous proposons de mettre en place des parcours découvertes et pédagogiques pour permettre aux visiteurs de découvrir tous les recoins des bois et leur biodiversité. Ceci pourrait s’appuyer sur une application ou un renforcement de la signalétique. Nous préconisons également la mise en valeur des plans d’eau ainsi que l’apaisement des axes de circulation pour favoriser l’utilisation des modes de transports doux. Enfin, l’un des enjeux consiste à mieux intégrer les espaces des concessions privées, qui occupent 20% du bois de Boulogne et 16% du bois de Vincennes, en favorisant une plus grande ouverture au public. A titre d’exemple de ce qui peut être fait et qui a été réalisé par la Ville de Paris, l’hippodrome d’Auteuil (16e) propose 12 ha de jardins et de terrains de sport en accès libre. L’installation de nouveaux programmes dans des édifices non occupés ou sous-occupés pourrait donner une nouvelle attractivité et améliorer l’offre de services ouverte à tous dans les bois. Il s’agit de « hauts lieux » à forts potentiels, nécessitant d’être restaurés comme le pavillon du Togo, la Cipale, le Jardin d’Agronomie Tropicale, le pavillon du lac des Minimes au bois de Vincennes ou bien la Pompe à feu et la villa Windsor au bois de Boulogne.

L’étude se concentre également sur la pollution sonore et lumineuse… 

Ces pollutions fragilisent la qualité écologique des bois. Pour lutter contre la pollution sonore, les actions à mettre en place pourraient être la diminution de la circulation routière, la réduction de la vitesse ou encore la fermeture ponctuelle de voies. Concernant les impacts sur la biodiversité générés par les événements comme les concerts, on assiste à une meilleure prise en compte de la part des organisateurs sous l’impulsion de la Direction des Espaces verts. Quant à la pollution lumineuse, il est proposé que l’éclairage ne soit actif que sur les voies de circulation et largement diminué voire supprimé entre 1h et 5h du matin. Le rôle historique de promenade publique assigné aux bois est à préserver et à renforcer à l’heure du changement climatique et d’un besoin de découverte et de protection de la nature en milieu urbain.

Infos pratiques : L’étude « Les bois de Boulogne et de Vincennes – 1840 hectares de nature à revisiter » est à télécharger gratuitement sur le site de l’Atelier parisien d’urbanisme

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