Société
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La solidarité, maître-mot des friches pendant la crise

Soirée à la Station - Gare des mines en septembre dernier dans le 18e à Paris, ancienne gare à charbon devenue friche / © Gaëlle Matata
Soirée à la Station – Gare des mines en septembre dernier dans le 18e à Paris, ancienne gare à charbon devenue friche / © Gaëlle Matata

Lieux de brassage, les friches du Grand Paris ont traversé la crise privées de l'une de leurs raisons d'être : les rencontres. Alors pour continuer d'assurer le lien social, elles ont multiplié les actions solidaires.

Flash-back. Nous sommes en mars 2020. L’annonce du confinement surprend tout le monde. Dans les bureaux de nombreuses friches du Grand Paris, c’est un coup d’arrêt brutal. « Il a fallu travailler en urgence à notre pérennité financière. Puis très vite, la lassitude s’est installée », se remémore David Georges-François, co-coordinateur de la Station – Gare des Mines, ancienne gare à charbon dans le 18e. A la ferme urbaine Zone Sensible de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), Jean-Philip Lucas, chargé du développement, évoque la perte de sens et la sensation de naviguer à vue : « Travailler ainsi est assez difficile alors que notre rôle consiste à créer du lien social, qu’il s’agisse de la programmation culturelle, des ateliers ou des formations ».

Face à cette précarité soudaine, les coudes se serrent encore un peu plus. Au PréàVie, friche installée dans une ancienne usine de salaisons au Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis), l’association Soukmachines, qui gère le lieu, décide de suspendre 80% des charges de chaque résident avant de lancer un système de redistribution interne pour aider les plus fragiles. Du côté d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), les artistes de l’atelier partagé le Houloc mettent en vente une sélection d’oeuvres au prix unique de 300 euros. Les revenus sont ensuite  équitablement répartis entre les 17 artistes.

Un esprit de solidarité qui profite au territoire

Des exemples qui montrent que la notion de collectif dans les friches n’est pas vide de sens. Membre du Houloc, l’artiste Flavie LT témoigne: « Devoir faire particulièrement attention aux autres depuis un an a renforcé nos liens tout comme l’impact de l’association dans la vie de chacun. » Cet esprit de solidarité ne bénéficie pas qu’aux occupants des friches. Pour ces collectifs, il s’agit aussi de répondre aux urgences sociales provoquées par la crise. Pendant le premier confinement, le restaurant de la friche des Grands Voisins (14e) va ainsi cuisiner des repas pour les soignants avec l’aide de la communauté Ecotable. Une opération qui s’est élargie aux étudiants l’hiver dernier avec des distributions alimentaires organisées au sein de la friche Ground Control dans le 12e. Ecotable a lancé l’op A la ferme Zone sensible à Saint-Denis, la distribution des paniers de légumes hebdomadaires aux abonnés est suspendu pour se concentrer sur l’aide alimentaire tandis qu’à la Station – Gare des Mines la salle de concert se transforme en lieu d’accueil pour  réfugiés. « On a aussi rendu service aux artistes quand c’était possible, complète Valentin Toqué, programmateur musique du lieu. Il y a ainsi eu beaucoup de tournages. »

Pour des équipes la plupart du temps le nez dans le guidon, l’année passée a également permis de s’extraire d’un quotidien chronophage. « Nous avons profité de cette période de creux pour effectuer des travaux dans le bâtiment et tisser des liens plus étroits avec les habitants et les associations du quartier », raconte Zoé Serafinowicz, coordinatrice du DOC ! dans le 19e à Paris. « Finalement, c’est en continuant notre travail que nous avons fait face à cette crise humaine et économique. Notre motivation en est même sortie renforcée », confie l’artiste Flavie LT du Houloc. 

Un nouveau chapitre

Alors qu’on est entré dans la phase de déconfinement, les friches bénéficient d’un atout incontestable en cette période : leurs vastes espaces extérieurs. A la Station – Gare des Mines, on prévoit une programmation qui fera la part belle aux artistes locaux, pour les soutenir et parer aux incertitudes qui pèsent sur l’ouverture des frontières. Ce qui n’empêche pas de nourrir quelques doutes. « Je suis très heureux qu’on puisse reprendre fêtes et concerts comme avant, souffle David Georges-François, le coordinateur du lieu. Mais est-ce que malgré tout, quelque chose n’aura pas changé ? Nos corps en ont pris un coup dans la manière dont ils ont été contrôlés. Cela va peser sur la façon d’appréhender les espaces collectifs. » Premiers éléments de réponse à partir de ce 10 juin et jusqu’au 13 juin avec le festival Sur les pointes – Eclats d’urgence à la friche du Kilowatt à Vitry (Val-de-Marne) où sont programmés une vingtaine de Live dont Acid Arab, Goran Bregovic et les Têtes raides. 

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