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A Ground Control, l’aide alimentaire aux étudiants passe par la déculpabilisation

Banque alimentaire Linkee à Ground Control / DR

Fortement impactés par la crise sanitaire, les étudiants ont rejoint les rangs ces derniers mois des bénéficiaires des distributions alimentaires que l'association Linkee a repensées pour en faire des moments de vie au sein notamment de la friche Ground Control à Paris.

Ces dernières années, elle s’est imposée dans le paysage des friches culturelles grand-parisiennes, aux côtés notamment des Grands Voisins (14e). Ouverte sur le site d’un ancien centre de tri postal à deux pas de la gare de Lyon, Ground Control (12e) pouvait accueillir avant la crise du Covid-19 jusqu’à 1800 personnes en même temps. Vidée de ses fêtards, elle accueille une fois par semaine depuis début mars une distribution alimentaire pour les étudiants en difficultés.

Samedi 20 mars, il est 13h et la file d’attente des étudiants s’étire quasiment jusqu’à la rue. Pour les accueillir, une cinquantaine de bénévoles de Linkee, association qui vient en aide aux plus démunis tout en luttant contre le gaspillage alimentaire. « 80% d’entre eux sont eux-mêmes des étudiants, ils sont là par solidarité« , nous indique Julien Meimon, le fondateur de l’association. Les jeunes en difficultés sont donc accueillis par d’autres jeunes qui leur souhaitent la bienvenue avant de leur proposer des denrées fraîches, à cuisiner à la maison, puis un plat chaud, à manger sur place ou à emporter.

Faire des distributions un moment de vie

Tout en disposant des cagettes d’éclairs au chocolat dans le coin buvette des bénévoles, Julien Meimon nous explique avoir cherché à mettre en place un système de banque alimentaire « qui ne ressemble pas aux traditionnelles distribution de nourriture. Il fallait absolument déculpabiliser les étudiants ! Du coup, avec nos partenaires [Ecotable, La Lune Rousse et SNCF Immobilier, NDLR], on a imaginé apporter aux étudiants un vrai moment de vie. Il y a de la musique, on peut déjeuner dehors, discuter. On essaye de dédramatiser. »

Une bénévole qui distribue des sacs de provisions à l’entrée indique, émue : « J’en vois beaucoup qui sont au bout du rouleau. De nombreux étudiants craquent par manque d’argent mais aussi de vie sociale. » Pour tester leur moral, des bénévoles « profileurs » passent dans la file, prennent des nouvelles, font des vannes, et observent les réactions des étudiants. A la sortie de Ground Control, des personnels de la Sécurité sociale et des psychologues bénévoles se tiennent à la disposition de ceux qui le souhaitent.

97% des bénéficiaires sous le seuil de pauvreté

« Ici, on accueille tout le monde, sur simple présentation d’une carte d’étudiant, sans avoir à faire la preuve de sa précarité. Pour nous, c’est essentiel, souligne Julien Meimon. Avec la crise, les petits boulots étudiants ont pour la plupart disparu, et de nombreux parents n’ont pas les moyens de compenser. 97 % des étudiants bénéficiaires des distributions de Linkee vivent sous le seuil de pauvreté, et ils sont 60 % à bénéficier d’une aide alimentaire pour la première fois. » 

Côté cuisine, c’est la communauté Ecotable, regroupement d’acteurs de l’alimentation durable et des circuits courts (restaurateurs, producteurs et commerçants), qui gère et permet d’offrir chaque semaine aux étudiants plus de 500 repas chauds mais aussi des centaines de paniers de produits à cuisiner distribués le samedi à Ground Control  et en semaine à ESSpace, un coworking du 13e arrondissement, ainsi qu’au Bar commun dans le 18e. Des distributions se tiennent également dans les universités parisiennes, à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, sur les campus de Saint-Denis, Villetaneuse, Bobigny, Cergy, Créteil, Evry, et dans les résidences universitaires de Cachan. 

Il y a un an, Ecotable avait déjà lancé l’opération « Restaurons les soignants, durablement », pour soutenir les personnels soignants mis à rude épreuve par l’épidémie. A l’époque, personne n’aurait imaginé qu’une telle mobilisation serait nécessaire pour les étudiants. Une situation qui met en colère Hervé Marro, vice-président de l’association. « Des étudiants qui doivent préparer leur avenir se retrouvent à faire la queue pour recevoir de la nourriture ! A nous de leur offrir des moments de bienveillance, de soutien et de lien. » Fin février, une campagne de crowdfunding a été lancée sur KissKissBankBank qui a permis depuis de financer 7.000 repas, à raison de 6€ le repas. L’objectif : parvenir à 10.000 repas pour cuisiner au moins 500 repas par semaine jusqu’à la fin de l’année universitaire.

Infos pratiques : Pour participer à la campagne de financement participatif « Restaurons les étudiant.e.s, durablement ! », rendez-vous sur KissKissBankBank

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