
À deux mètres des flux du RER A, un autre monde attend : un tunnel fantôme de 518 mètres, ses wagons figés, ses fresques sauvages, son silence épais. Depuis plusieurs décennies, cette gare cachée de Noisy-le-Grand – la Station K, jamais ouverte au public et progressivement devenue un repaire de street-art – dort sous les pas des voyageurs. Abandonné depuis 1999, le métro SK s’apprête pourtant à rouvrir une brèche dans le Grand Paris : un tiers-lieu festif, artistique, brutalement vivant. On y est entré avant tout le monde, pour explorer ces centaines de mètres de rails laissés au sous-sol.
En sortant de la gare RER de Noisy-Mont d’Est à Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis), rien ne laisse supposer que 518 mètres de rails taguées sont situés juste à côté du RER A emprunté chaque jour par des milliers de passagers. En ouvrant bien les yeux vers la sortie principale, on trouve un escalator en réparation ainsi que des barrières cadenassées, donnant sur une porte entièrement graffée, elle-même fermée à clef. Privilège de journaliste, j’ai pu m’infiltrer dans cette gare abandonnée du métro SK avec Téo Garcia, référent innovation urbaine à la Socaren, société publique locale d’aménagement, de rénovation et d’équipement de Noisy-le-Grand. Jusqu’au 8 décembre, la société lance un appel à projet pour inviter un acteur du territoire à créer un tiers-lieu festif et culturel : un projet qui, contrairement au métro, devrait ouvrir au public courant 2028.
Le métro fantôme du RER A
À l’origine, c’était l’idée folle de l’ancienne mairie de Noisy-le-Grand. Dans les années 80, la ville se situe juste à côté d’un futur quartier d’affaire, Maille Horizon, censé rivaliser avec La Defense et relié au RER A par un métro automatisé, inspiré d’un funiculaire horizontal. Jusqu’à 4 000 passagers par heure pouvaient y être transportés, donnant son nom à l’engin, SK 4000, tirés par un câble, dans des rames qui décéléraient puis accéléraient toutes seules. Problèmes : à la fin des travaux du métro, le projet du quartier d’affaire est finalement arrêté à cause de la faillite de son promoteur, dû au choc pétrolier de 1993. Jusqu’en 1999, les équipes techniques descendent une fois par mois pour éviter la grippe des pièces, puis le métro est complètement fermé, et laissé entre les mains d’occupants autonomes et de street artist.
Un projet de reconversion en tiers-lieu festif
Ce n’est qu’en 2018 qu’un projet de rénovation urbaine est entamé par la mairie de Noisy-le-Grand, accompagné par le CENTQUATRE – PARIS. Sur place, on y trouve encore une ancienne machine à tickets en francs, ainsi que de nombreux wagons tagués, sortes de mini-cabines qui révèlent leurs couleurs sous la lumière des téléphones. Tout le long du tunnel, les murs de graffs s’enchaînent avec de véritables fresques, et même, au bout, une sculpture contemporaine nommée « le monstre du métro SK ».
Dans l’espace cathédral et les mezzanines, des vestiges d’occupations sont dispersés et assemblés çà et là dans de petits tas de canettes de bière, avec même une pancarte en carton indiquant un bar, ne laissant aucun doute sur le fait que le lieu ait accueilli de nombreux oiseaux de nuit. Pourtant, son ouverture vers l’extérieur et ses espaces modulables laissent voir tout son potentiel, dont les wagons et les œuvres de street art pourraient être préservées. Parmi les pistes, sont envisagés une salle de spectacles, un espace d’expositions, mais aussi un lieu de concert et de fête, qui permettraient d’entendre moins les vibrations du passage du RER.
Le projet de promenades éco-futuristes
En surface, un autre chantier se prépare. En face de la gare, une place commerciale à ciel ouvert doit voir le jour avec des restaurants, une salle de sport et petites boutiques, le tout surmonté d’une terrasse – promenade, de parcs et de toits végétalisés. L’été dernier, le « jardin SK » s’est déjà transformé en lieu de plein air avec bar et petite scène, et les projections faites du lieu lui confèrent une vraie identité architecturale, à l’image de ce qui a déjà été fait 500 mètres plus loin, dans les espaces Abraxas, notamment connus pour avoir servis de décor au film Hunger Games.
En tout cas, la biodiversité semble suivre. En témoigne un héron, tranquillement installé sur le lac artificiel situé au-dessus de la gare. « Il revient de plus en plus souvent« , sourit mon guide. Une façon de rappeler que les oiseaux ne seront pas les seuls à revenir si la station rouvre…
Infos pratiques : plus d’informations sur socaren.fr
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19 novembre 2025 - Noisy-le-Grand