On le surnomme « le Pompidou de banlieue » et, pour ses 20 ans, le MAC VAL en donne une démonstration éclatante. Né d’un fonds d’art contemporain constitué dès les années 80 dans le Val-de-Marne, le musée s’est imposé comme le lieu où se raconte l’art français d’après-guerre à aujourd’hui. À Vitry-sur-Seine, il célèbre cet anniversaire avec une année de programmation spéciale et un grand week-end gratuit les 15 et 16 novembre mêlant performances, ateliers, concerts et nouvelles expositions. Alors que le Grand Paris Express s’apprête à le relier en moins de 30 minutes au cœur de Paris, le MAC VAL confirme son rôle de laboratoire artistique du Grand Paris.

Le MAC VAL fête ses 20 ans cette année. Pouvez-vous nous rappeler l’origine de cette aventure muséale unique ?
Arnaud Beigel : L’histoire commence en fait bien avant l’ouverture du musée en 2005. Dès 1982, le Département du Val-de-Marne s’est saisi des lois de décentralisation pour créer un Fonds départemental d’art contemporain, l’équivalent des FRAC mais à l’échelle départementale. Cette initiative était visionnaire car elle répondait à une réalité géographique : de nombreux artistes s’installaient dans le Val-de-Marne, faute de pouvoir trouver des ateliers abordables à Paris.
Cette implantation d’artistes en banlieue n’était donc pas un hasard ?
Absolument pas. Il y avait une vraie tradition d’artistes qui venaient travailler dans le Val-de-Marne. La raison est toujours valable aujourd’hui : il est extrêmement difficile pour les artistes de trouver un atelier à Paris, alors ils s’installent en périphérie. Beaucoup étaient exilés, issus d’Europe de l’Est pendant la guerre froide ou fuyant les dictatures d’Amérique latine. Cette diversité a doté notre collection dès l’origine d’une richesse artistique extraordinaire. Quand le Département a pris conscience de l’ampleur de ce fonds constitué pendant plus de 20 ans, la nécessité d’un bâtiment pérenne s’est imposée.
C’est là que l’État est intervenu ?
Exactement. En 2002, l’État a accompagné le projet en délivrant le label « Musée de France » à ce projet ambitieux que le Département développait depuis la fin des années 90. Le bâtiment lui-même mesure 10 000 m², dont 5 000 m² réservés aux salles d’exposition. C’est considérable pour un musée de banlieue ! Nous avons aussi un auditorium de 150 places avec écran, parfait pour les projections de films d’artistes, les partenariats avec des festivals comme le fameux « Ciné Junior », mais qui nous permet aussi d’inviter des artistes à faire des performances, d’organiser des journées d’études et des tables rondes. À l’étage, nous avons un centre de documentation avec un fonds extrêmement riche sur l’art contemporain, les livres d’artistes et ceux destinés à la jeunesse.
Quelle est la particularité de votre collection aujourd’hui ?
Le MAC VAL a une spécificité unique en France : nous sommes le seul musée consacré à montrer l’histoire de l’art contemporain français des années 50 à nos jours. Il ne s’agit pas d’une approche nationaliste, mais plutôt de documenter la scène artistique française. Tous les artistes qui vivent et travaillent en France participent à cette scène à travers leurs relations, leurs formations communes, leurs collaborations.
Concrètement, que trouve-t-on dans vos collections ?
Nous documentons ce qui s’est passé en France depuis la Seconde Guerre mondiale : l’abstraction lyrique, l’abstraction géométrique, l’art optique et cinétique, la figuration narrative… Les Nouveaux Réalistes sont peut-être les plus connus, parmi lesquels Nikki de Saint-Phalle et Jean Tinguely qui font d’ailleurs l’objet d’une belle exposition au Grand Palais actuellement. À partir des années 90, l’art contemporain a évolué, les courants artistiques se sont dilués. Notre enjeu était alors d’équilibrer entre artistes déjà reconnus comme Pierre Huyghe et artistes émergents qui seront les grandes figures de demain. Ce qui témoigne de la pertinence de nos choix, c’est que de plus en plus d’institutions nous empruntent des œuvres. Cela signifie qu’on reconnaît que nos acquisitions ont été suffisamment représentatives de leur époque. Quand on cherche une œuvre spécifique, on pense au MAC VAL !
Comment célébrez-vous ces 20 ans ?
Nous avons programmé toute une année d’événements. L’exposition « Forever Young » présente 20 jeunes artistes qui exposent pour la première fois au MAC VAL ; une manière de symboliser que l’art contemporain regarde autant vers le passé que vers l’avenir. En parallèle, nous avons une exposition thématique de la collection, intitulée « Le Genre idéal », qui revisite les grands genres de la peinture – nature morte, paysage, portrait, scène de genre et peinture d’histoire – à travers le prisme de l’art contemporain.
Le grand week-end d’anniversaire aura lieu les 15 et 16 novembre. Le samedi, nous proposerons un atelier en continu avec la Martiennerie, un duo d’artistes entre design, imprimerie et livre d’artiste, une visite playlist, un concert, et un cocktail dès 18 h 30 pour célébrer à la fois nos 20 ans et le vernissage de deux nouvelles expositions : celle de Fabienne Gaston-Dreyfus, une artiste qui prolonge l’aventure de l’art abstrait, et celle d’Arnaud Labelle-Rojoux, figure de référence pour beaucoup de jeunes artistes d’aujourd’hui.
Vous inaugurez aussi un partenariat avec le Centre Pompidou ?
C’est notre fierté ! On nous surnomme « le Beaubourg de banlieue » depuis notre ouverture. Avec ce partenariat de cinq ans pour des expositions à partir du fonds du Centre Pompidou, on y est vraiment ! C’est une belle reconnaissance de notre légitimité. Pour les grands et les plus jeunes, le dimanche 16 novembre proposera une programmation différente : visites en famille, atelier jeune public avec l’un des artistes de « Forever Young », une performance autour du journal de 20 heures, et nous terminerons par une soirée en musique dans l’exposition d’Arnaud Labelle-Rojoux, « Voyez-vous ça », en partenariat avec le Centre Pompidou.
Le Grand Paris Express va-t-il changer la donne pour votre accessibilité ?
La ligne 15 du métro automatique, qui desservira Vitry-sur-Seine, va révolutionner notre accessibilité, déjà entamée avec l’arrivée du tram T9 en 2021. Aujourd’hui, venir de Paris demande un certain engagement. Demain, nous serons à moins de 30 minutes du centre de Paris. C’est un enjeu majeur pour élargir notre public et confirmer notre rôle de pont entre Paris et la banlieue artistique.
Quel est votre positionnement éditorial face aux grands musées parisiens ?
Notre force, c’est notre agilité et notre philosophie. Contrairement aux grandes institutions, nous n’avons pas de collection permanente figée. Nous renouvelons régulièrement nos accrochages tous les 18 mois, tous les 2 ans maximum, ce qui nous permet de présenter notre fonds sous différents éclairages, en lien avec les préoccupations contemporaines. Nous avons aussi fait un choix muséographique radical : il n’y a aucune barrière devant les œuvres, contrairement aux musées traditionnels où vous gardez toujours au moins un bon mètre de distance. Ici, le public peut s’approcher de très près des créations. La contrepartie, c’est que nous interdisons les sacs à dos dans les salles – c’est un risque pour les œuvres quand on se retourne ! Mais cette proximité change complètement le rapport à l’art.
Notre salle d’exposition temporaire de 1 300 m² nous offre une liberté unique pour de grandes expositions thématiques comme « Emporte-moi » sur le sentiment amoureux, « Chercher le garçon » sur les identités masculines, ou « Faits divers », qui a eu un grand succès. Vous avez peut-être vu nos affiches qui reprenaient la une du magazine Life.
Quelle est votre vision pour les 20 prochaines années ?
Nous voulons rester ce laboratoire de l’art contemporain français, un lieu d’accueil et de découverte. Avec le Grand Paris Express, comme avec le tram actuel, nous avons l’ambition de devenir encore plus incontournable dans le paysage culturel francilien. Notre mission reste la même : montrer que l’art contemporain se vit aussi, et peut-être surtout, en dehors du périphérique parisien.
Infos pratiques : MAC VAL, place de la Libération, Vitry-sur-Seine (94). Ouvert du mardi au dimanche de 11 h à 18 h. Les 15 et 16 novembre, week-end d’anniversaire gratuit et ouvert à tous. Accès : tram T9 arrêt Musée MAC VAL. Plus d’infos sur macval.fr


11 novembre 2025