Société
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Le chapiteau Raj’ganawak, plus qu’un cirque

Le chapiteau Raj'ganawak à Saint-Denis / © Dominique Secher
Le chapiteau Raj’ganawak à Saint-Denis / © Dominique Secher

A Saint-Denis il existe un lieu où tous les rêves sont permis. Inauguré en 2002, le chapiteau Raj'ganawak a eu de nombreuses vies. Depuis début avril, ce cirque engagé auprès des plus démunis fête son grand retour.

A deux pas de la station RER de Saint-Denis et de sa place qui ne désemplit que tard le soir se trouve un lieu de vie haut en couleurs : le chapiteau Raj’ganawak. Ce cirque intimiste est devenu, au début des années 2000, un espace de ralliement populaire et festif pour les Dionysiens. Alors qu’il s’était interrompu depuis 2010, le voici de retour depuis un peu plus d’un an.

La métamorphose du Raj’ganawak

Tout commence en 1990. A l’époque, Cédric Simoneau, fondateur de l’atelier de décors Nawak et Ventilo à Saint-Denis, rachète un ancien garage pour le métamorphoser en théâtre : le Raj’ganawak. En 2002, il décide finalement d’en faire don à sa nièce, Camille Brisson (Camo de son nom de scène), âgée seulement de seize ans. Jeune trapéziste ambitieuse, elle prend possession des lieux avec deux amies et transforme le Raj’ganawak en chapiteau. Ateliers quotidiens, scènes ouvertes, soirées festives… l’endroit devient rapidement un poumon culturel de la ville avec pour mot d’ordre : tout le monde est le bienvenu et le prix est libre !

Un cirque au coeur d’un bidonville

Toujours en 2002, la jeune troupe fait la connaissance du clown français Miloud Oukili. Avec son association Parada, il initie les enfants des rues de Bucarest aux arts du cirque et s’apprête à en faire de même avec les mineurs roumains isolés dans les rues de Paris. La bande à Camo entend bien l’y aider. Ensemble, ils se rapprochent naturellement du plus ancien bidonville de Saint-Denis : le bidonville Hanul. “Les trois cent habitants du Hanul sont devenus notre nouvelle famille”, raconte Camo, que nous rencontrons dans un PMU en face de la gare RER de Saint-Denis.

En 2010, le bidonville de Hanul est démantelé. Camille héberge et nourrit pendant quatre jours plus de150 personnes dans les 250m² de son cirque. “Ils étaient sans arrêt coursés par la police mais ne savaient pas où aller. Je les voyais la nuit, se terrer aux alentours de ce qui fut leur village pendant près de dix ans. Je suis allée négocier avec la Mairie. La situation était intenable.” Face à l’urgence, un accord est trouvé avec la ville qui leur lègue un terrain Passage Dupont.

Sans hésiter, la troupe du Raj’ganawak suit le mouvement et installe un chapiteau en toile au coeur du nouveau bidonville. “C’était important de les accompagner dans cette réappropriation. Le cirque est devenu le lieu-ressource du village”. Au même moment, Camo prend sous son aile deux jeunes Roms, Spartacus et Cassandra. Une histoire joliment contée par un film éponyme réalisé par son compagnon Ioanis Nuguet et nominé à Cannes en 2014.

Le chapiteau Raj'ganawak, en toile, au bidonville du passage du pont , Saint-Denis, 2010 © Dominique Sécher

Retour aux sources

Depuis octobre 2015, Camo est de retour sur les lieux de son premier chapiteau, au 3 rue Ferdinand Gambon. “C’est fou comme le quartier a évolué ces dernières années ! Malheureusement, les investisseurs négligent la puissance de la culture dans la construction de l’identité d’un lieu.” Camo, elle, défend la dimension intime de son petit cirque, nécessaire pour toucher toutes les classes sociales. “Il faut arrêter les modèles XXL dont la visée sociale n’est qu’un vernis politique. On doit multiplier les lieux d’échanges. Bien que leur travail de terrain soit essentiel, les maisons de quartier sont souvent peu chaleureuses. Les zones défavorisées comme ici méritent pourtant une offre de qualité.”  

Cela fait maintenant un an et demi que la petite équipe reconstruit, lentement mais sûrement, son chapiteau. De nombreux artisans viennent régulièrement lui prêter main forte. “Les gens se souviennent de la dynamique impulsée par le Raj’ganawak il y a quelques années. Nous sommes soutenus par les acteurs culturels locaux tels que le théâtre Gérard Philippe, l’Académie Fratellini, le 6b et beaucoup d’autres !” , indique Thaïs, l’administratrice du cirque. Quant à la programmation à venir, elle se veut très large : entraînements de cirque ouvert à tous, boxe, cabarets hebdomadaires, bals, lectures de textes écrits par les habitants… La troupe souhaite valoriser les pratiques amateurs, qu’elles soient artistiques ou sportives. “C’est un lieu de rencontres plus que de représentations. On veut préserver cette ambiance qui permet à chacun de se sentir comme à la maison”, précise Thaïs. Depuis plus d’un mois, le chapiteau accueille tous les mercredis des jeunes Roms et réfugiés syriens qui n’ont pas accès à l’école. Pendant quelques heures, le cirque se transforme en salle de classe, animée par des bénévoles. Raj’ganawak est décidément bien plus qu’un cirque.

Infos pratiques : Samedi 15 avril, le chapiteau Raj’ganawak organise son premier cabaret de l’année. Spectacle de 21h à 23h30 (attention, les portes fermeront à 20h50) au 3 rue ferdinand Gambon à Saint-Denis (93). Entrée : 1€ + chapeau. Plus d’infos sur Facebook

Valia Beauvieux, artiste de cirque, préparant le spectacle d'inauguration © Albertine Guillaume