
Plus grand marché de produits frais au monde, Rungis est devenu très facile d’accès avec le prolongement de la ligne 14 du métro. Depuis le mois d’avril, il s’est doté d’un bistrot gastronomique ouvert par l'ancien chef étoilé du Ritz qui propose aux marchands, mais pas seulement, un petit-déjeuner aussi fin que copieux. Ce qu'est allé vérifier dès potron-minet John Laurenson, correspondant pour la BBC, qui partage ses expériences du Grand Paris avec Enlarge your Paris.
Depuis 2023, le journaliste et correspondant pour la BBC John Laurenson partage avec nous son regard sur la banlieue à travers la série « Le Grand Paris est une fête », en hommage au Paris est une fête d’Ernest Hemingway.
Quand j’arrive dans cette cité parallèle, où les voitures sont des camions réfrigérés et les immeubles des halles de nourriture, le soleil a tout juste pris son premier café. À la marée, la dernière caisse de langoustines a été vendue vers 3 h mais le marché aux fruits et légumes bat son plein. Je m’aventure dans l’une de ses vastes halles. Les vendeurs, debout derrière leurs pupitres, alignent des chiffres et palabrent au téléphone. Je traverse ce théâtre pour parvenir jusqu’à ce nouveau restaurant qui fait parler de lui : A la Source. « Le petit-déjeuner complet ? Bien sûr Monsieur. Avec les huîtres ou le ceviche de daurade ? » Il est 5 h, mes papilles s’éveillent.
Me reviennent à l’esprit les mots de Marc Veyrat, le cuisinier des Alpes au chapeau un peu inquiétant, à propos du petit-déjeuner : « Si on commence mou, ce n’est pas la peine ! » Devise qui trouverait parfaitement sa place ici. Alors huîtres ou ceviche ? J’hésite. Je me vois bien raconter à chaque fois que je mange des huîtres, et cela jusqu’à la fin de mes jours, que j’en ai pris une fois à Rungis pour le petit-déjeuner. Si les huîtres je sais ce que c’est, le ceviche par contre… ? « C’est un plat pimenté d’Amérique latine à base de daurade crue, m’informe la serveuse. Nous le préparons avec des fines lamelles de noix de coco et de pêche. » Vous résisteriez vous ? J’opte donc pour le ceviche !
Une adresse ouverte par un ex-chef étoilé
En attendant mon plat latino, je regarde autour de moi. La déco est soignée. Rien d’étonnant à cela ; l’établissement a été ouvert par Nicolas Sale, l’ancien chef étoilé du Ritz à Paris. Il y a du bois, du cuivre, des tissus, du béton. Le tons sont très clairs, tirant sur le rose, le gris et l’ocre. Nicolas Sale a tout plaqué pour cette aventure rungissoise. Ce bistrot, c’est le début. Bientôt, il ajoutera un foodtruck antigaspi qui proposera pour 15-25 € des plats réalisés avec les invendus des grossistes. Et, vers le mois d’octobre, un restaurant gastronomique ouvrira ses portes.
À deux tables de moi, Mourad règle quelques affaires par téléphone entre ses œufs au plat et son jus d’orange. J’engage la conversation. Il vient quasiment tous les jours. Généralement très tôt parce que ses journées commencent souvent à minuit ou 1 h du matin. Parfois seul, parfois avec des grandes tablées de collègues et de clients. C’est un distributeur de viande. « J’ai tout testé ici. Les huîtres au petit-déjeuner… Tout. C’est tellement frais… Tout vient directement du marché. »

Un petit carnaval de Rio
Je retourne à ma place parce que la serveuse est en train de dresser mon petit-déjeuner de roi. Tout à la fois. Le service à la française, comme on appelait ça autrefois. C’est assez impressionnant. Il y a les œufs brouillés. Onctueux avec une pointe de crème. À côté : l’avocado toast. De généreuses tranches d’avocat sur du pain grillé, le tout égayé de tomates cerises, d’une touche d’oignon mariné et de quelques feuilles d’herbes fraîches. L’appétit maintenant convenablement ouvert, j’aborde le ceviche. Iodé, acidulé, épicé. Un petit carnaval de Rio. Après ça, on aurait envie de monter sur un char avec des plumes et les seins à l’air. Mais, en bon Britannique, je vais plutôt manger du cake. Il y a trois tranches – citron, pistache/chocolat, noix de pécan – accompagnées d’un délicieux jus de pamplemousse pressé et d’un café vraiment exceptionnel, légèrement acidulé. « Remarquable ! », confirme Mourad. On est bien d’accord. Notre serveuse nous informe qu’il s’agit d’un breuvage de l’enseigne Coutume. Celui-ci vient d’Éthiopie où il pousse à une altitude de 2 000 mètres. Ça ne m’étonne pas de lui.
Je rebrousse chemin vers la ligne 14. La prochaine fois que je rencontre quelqu’un d’Amérique latine, je lui raconterai comment, au marché de Rungis, j’ai mangé un ceviche au petit-déjeuner.
Infos pratiques : À la Source, 4, avenue de Bourgogne, Rungis (94). Ouvert du lundi au vendredi. Service continu de 5 h à 15 h. Petit-déjeuner rungissois de 5 h à 12 h : 35 €. Menu Au cœur du marché (entrée-plat-dessert) de 10 h à 12 h : 71 € puis de 12 h à 15 h : 55 €. Tél. : 01 85 41 05 01. Accès : métro Chevilly-Larue (ligne 14) puis 10 minutes à pied. Plus d’infos sur alasource-als.com
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8 juillet 2025 - Rungis