Société
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Un oeil sur la banlieue avec le photographe Rémy Soubanère

"Alphaville", série photo réalisée par Rémy Soubanère / © Rémy Soubanère
« Alphaville », série photo réalisée par Rémy Soubanère / © Rémy Soubanère

Près de 80 millions de photos publiées avec le hashtag #Paris sur Instagram, seulement 48.000 avec le hashtag #banlieue et 19.000 avec le hashtag #GrandParis. C'est pour combler ce déficit de visibilité que nous ouvrirons désormais régulièrement les colonnes d'Enlarge your Paris à des photographes exerçant leur art outre-périphérique. On commence avec Rémy Soubanère et sa série "Alphaville", entamée en 2015.

 

Dans sa série « Alphaville » débutée en 2015 de l’autre côté du périph’, le photographe Rémy Soubanère nous plonge dans un paysage nocturne digne de Gotham City. Nous lui avons demandé quelle était sa vision du Grand Paris. 

« Quand on s’intéresse à la façon dont le mot banlieue est formé, on s’aperçoit que ban-lieue c’est le lieu du bannissement, de la relégation. Le mot porte déjà en lui-même cette connotation extrêmement négative, c’est le territoire du brigand et du renégat. Le mot banlieue désigne surtout un espace urbain qui serait négatif par rapport à un autre positif, le centre. Le projet du Grand Paris est né de la congestion du centre et de la nécessité de se développer sur sa périphérie. Le projet va déplacer les limites de la ville du boulevard périphérique vers le futur Grand Paris Express. Il serait donc plus juste de dire que l’on assiste à une extension du centre, la banlieue étant repoussée. Il s’agit plus d’une annexion que d’une réhabilitation de l’espace urbain, les populations étant elles-mêmes déplacer par l’augmentation du foncier. On ne parlera d’ailleurs plus de banlieue, mais de centres périphériques, un peu à l’image de ce qui a été fait à la Défense depuis 50 ans.« 

« Paris est une ville qui, à mon avis, souffre beaucoup de son endogamie culturelle, recroquevillée sur elle-même et sur l’égo collectif dans lequel elle baigne. Elle tire aujourd’hui beaucoup de sa créativité et de sa vitalité artistique de la périphérie. Ma crainte avec ce projet et la gentrification qu’il implique c’est que l’on tue ce qu’il lui reste de cette vitalité« .

© Rémy Soubanère
© Rémy Soubanère

« Je ne cherche pas forcément à montrer la banlieue telle qu’elle est »

« Ceci étant dit, parler du charme de la banlieue serait aussi ridicule que de parler du charme de la ligne 13 du métro comme l’a fait NKM. On est très souvent dans un urbanisme fonctionnaliste avec peu de souci esthétique, où l’espace urbain ressemble surtout à un dispositif de contrôle des populations qui y vivent. Ce qui est beau, à mes yeux, c’est précisément l’énergie que l’on déploie pour s’extraire de ce dispositif, ou du moins le rendre supportable.« 

« C’est à cet espace urbain en mutation, souvent déserté ou a priori anxiogène, que je m’intéresse dans la série « Alphaville ». Je ne cherche pas forcément à montrer la banlieue telle qu’elle est, ou d’en faire l’inventaire avant destruction, comme le ferait un documentariste. Le réel n’est ici qu’un point de départ. J’y recherche plutôt l’imaginaire qui s’y loge, la nuit, comme une stratégie personnelle d’évasion.« 

 

© Rémy Soubanère

 

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