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« Un réseau cycliste francilien harmonisé serait le meilleur héritage des JO »

Le balisage du RER Vélo le 19 mai dans le Grand Paris / © Melina Gaffré - Twitter
Le balisage du RER Vélo en mai 2021 porté par les 42 associations du Collectif Vélo Île-de-France / © Melina Gaffré – Twitter

Alors que se poursuit la mise en œuvre du futur RER Vélo, Enlarge your Paris s'est entretenu avec Louis Belenfant, directeur du Collectif Vélo Île-de-France, groupement qui réunit une quarantaine d'associations cyclistes, à l'origine de ce futur réseau de pistes cyclables à travers l'Île-de-France.

Début 2022 était publié le troisième Baromètre des villes cyclables, une grande enquête nationale organisée tous les deux ans par la Fédération française des usagers de la bicyclette pour évaluer l’indice de satisfaction des cyclistes. Dès sa deuxième édition, c’est devenu la plus importante contribution citoyenne au monde sur le vélo. Comment la petite reine se porte-t-elle en Île-de-France ?

Louis Belenfant : Cette enquête confirme l’incroyable boom de ces deux dernières années en Île-de-France. Les statistiques franciliennes indiquent que, partout où il y a des pistes cyclables, leur fréquentation a quasiment doublé depuis la crise du Covid-19. Dans le baromètre publié en début d’année, c’est le nombre de communes franciliennes qualifiées au palmarès qui a doublé : on est passés de 148 à plus de 300. On a eu 55 000 réponses, contre 31 000 en 2019. Et, s’il y a un engouement massif et généralisé dans toute la région, c’est en dehors des grandes villes, dans les territoires de grande couronne, que l’on constate la plus grande progression de réponses. Notamment dans les zones dans lesquelles il y a peu ou pas de pistes cyclables. Là aussi, la pratique du vélo explose. Il y a un désir de vélo partout.

Et que disent les notes ?

Les notes ne sont souvent pas très bonnes, notamment dans les nouveaux territoires du vélo, mais ce n’est pas une fatalité. Un mandat municipal dure six ans et les élus ont deux éditions du baromètre pour mettre en œuvre une politique cyclable et faire progresser la place du vélo dans leurs communes. Le baromètre n’est pas un outil de sanction ou de punition, mais de suivi et de valorisation. Pour les plus de 160 villes franciliennes qualifiées pour la première fois, nous sommes en l’an 1 de l’évaluation de leur politique cyclable.

Au-delà du baromètre, quelle est l’actualité du vélo en Île-de-France et dans le Grand Paris ? On a vu un important développement d’infrastructures cyclistes avec la crise du Covid. La tendance s’est-elle confirmée en 2022 ?

Tout d’abord, la ville de Paris a enfin voté son plan vélo. L’exécutif parisien s’est engagé à pérenniser toutes les coronapistes d’ici aux JO 2024. L’objectif affiché est ainsi de rendre Paris 100 % cyclable en 2024. À l’échelle régionale, le plan RER Vélo avance. Nous sommes en pleines discussions techniques avec les élus pour faire « atterrir » les tracés des pistes franciliennes à l’échelle communale et il y a maintenant besoin d’accélérer les réalisations sur le terrain. À l’été 2021, la Métropole du Grand Paris a de son côté annoncé un plan pour financer huit pistes cyclables à travers la métropole. Et la Société du Grand Paris, en association avec Île-de-France Mobilités, réfléchit à un vaste plan vélo – l’objectif est de plus de 55 000 arceaux et places sécurisées autours des gares du Grand Paris Express d’ici à 2030 –, sachant qu’il y en a actuellement 13 000 autour des gares franciliennes. Enfin, un peu partout, des maires ou des présidents de départements annoncent des plans de soutien à la bicyclette. Il faut bien dire que les collectivités sont globalement très en retard, et qu’en réalité la demande sociale a largement précédé l’offre. Par ailleurs, on a constaté que la voiture était une des grandes gagnantes de la crise du Covid-19. Pour contrer cela, les élus doivent absolument développer des solutions de remplacement crédibles, pour éviter que l’embolie routière n’augmente, et la pollution atmosphérique avec elle.

Donc l’année 2022 concrétise bien les avancées 2020 et 2021. Quels sont pour vous les prochains enjeux et défis ?

Concrètement, le plan RER vélo, à l’échelle de la région Île-de-France, et le lancement du plan vélo métropolitain devraient mettre fin à l’amaigrissement des politiques vélo. On voit trop souvent des tronçons de pistes cyclables sans continuité avec les communes voisines, ou avec des revêtements, une signalétique et des largeurs qui varient d’une ville à l’autre. Aujourd’hui il est indispensable de concentrer nos efforts sur la façon de faire émerger un réseau global, avec des normes de confort et de sécurité communes. Que la Région et la Métropole, avec leurs vues surplombantes, mettent tout le monde autour de la table et apportent des financements est une très bonne chose. Penser à l’échelle de la région et de la zone dense est indispensable, que ce soit pour les transports en commun et l’automobile, comme pour le vélo.

Et l’État dans tout cela ? Quel rôle joue-t-il ?

On attend toujours un engagement significatif de la part de l’État. Notamment parce que, nous le savons maintenant, pour les Jeux olympiques, seules les extensions de la ligne 14 du métro seront prêtes. Il faudra donc déployer un réseau cyclable aussi bien pour les spectateurs et les journalistes que pour les usagers du quotidien, afin de faire face à l’explosion attendue des voyageurs dans les transports en commun. Sachant qu’en outre il y aura des voies olympiques réservées sur les autoroutes et le périphérique. Pour relever ce défi de mass transit, construire des pistes vélo, en s’appuyant sur tout ce qui est déjà engagé par les différentes collectivités, est la solution la plus rapide. Mais pour cela, il faudrait que l’État mette de toute urgence un coup d’accélérateur, débloque des fonds, appuie massivement les collectivités. Ce qui serait par ailleurs un magnifique message pour les autres métropoles de France. Avec l’aide et l’expertise de l’État, un réseau vélo peut se construire vite et bien.

Cette dynamique est-elle bien engagée ?

Si on veut fournir un réseau vélo de qualité pour 2024, tout se joue dans l’année qui vient. C’est donc presque trop tard. En tout cas, pour réussir, il faudrait que le vélo soit vraiment un objectif prioritaire pour tous les acteurs, y compris le Comité d’organisation des Jeux olympiques et Île-de-France Mobilités qui gèrent la mobilité dans le cadre des Jeux. Il faudrait vouloir créer un nouveau réseau de transport avec le vélo, au même titre que la marche, les transports en commun et la voiture. Pour y arriver, il n’y a pas une minute à perdre, et ce n’est pas une image. Si on bénéficiait d’un réseau cycliste de qualité et livré à temps pour 2024, on pourrait dire sans exagérer que peu de JO auront laissé un héritage d’une telle importance aux habitants du territoire d’accueil. Un tel réseau serait certainement le meilleur héritage des JO.

La culture cycliste, ce n’est pas que de l’infrastructure, mais aussi une éducation, un apprentissage de la conduite et un partage de l’espace public. Quel est votre sentiment sur ce sujet ?

On constate un certain malaise chez les piétons en zone dense, à cause des incivilités qu’ils subissent. Ce malaise n’est bien sûr pas seulement lié aux cyclistes, mais aussi aux nouvelles formes de mobilité, telles les trottinettes et les gyroroues. Vous parlez de culture cycliste ; en effet, cette culture ne s’acquiert pas du jour au lendemain. Ce qui se passe est un tel changement d’échelle qu’il faut l’accompagner, et accompagner les inévitables frictions. Même si le mot de révolution est galvaudé, c’est pourtant ce à quoi on assiste : à une révolution des mobilités. Qui a surpris tout le monde, à commencer par les collectivités qui suivent généralement le mouvement avec un train de retard, ce qui est aussi une des raisons des difficultés que l’on connaît. La question qui se pose maintenant, c’est comment apprendre et organiser le partage de l’espace public. On a en France sur ce point une grande marge de progression.

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