Pourquoi un livre blanc sur le Périphérique ?
Patricia Pelloux : En 2018, la Ville de Paris a mis en place une Mission d’information et d’évaluation sur « Le Périphérique, quelles perspectives de changements ? », mission qui a établi un rapport remis au Conseil de Paris. La même année a été lancée par le Forum métropolitain du Grand Paris une consultation internationale sur le devenir des routes du futur, travail qui a donné lieu à un ouvrage et une exposition au Pavillon de l’Arsenal. Dans la continuité de ces événements, la Ville de Paris a créé les Ateliers du Boulevard périphérique préparés, animés et documentés par l’Apur (Atelier parisien d’urbanisme). Le premier a eu lieu en juillet 2019 à Malakoff (Hauts-de-Seine) et le dernier s’est tenu à Gentilly (Val-de-Marne) le 13 mai dernier. Ils ont réuni la Métropole du Grand Paris, les établissements publics territoriaux, les communes limitrophes, les conseils départementaux, Airparif, Bruitparif, l’Etat ainsi que d’autres partenaires. Le livre blanc marque une étape importante dans ce processus en proposant une stratégie issue des échanges collectifs. En effet, il existe beaucoup de projets de part et d’autre du Périphérique. Or, réfléchir aux évolutions du Boulevard périphérique et de la nouvelle ceinture verte (35 km²), c’est mettre en œuvre ensemble un grand chantier pour lequel il est nécessaire d’élaborer un récit d’avenir commun. En termes de mobilités, et d’environnement, plusieurs échelles s’imbriquent. Le livre blanc s’organise en deux cahiers : cahier 1, le corpus commun et cahier 2, les contributions écrites des parties prenantes.
Trois grandes orientations se dégagent : plus de liens, plus de nature, plus de proximité. Pouvez-vous nous les détailler ?
Plus de liens, c’est notamment la transformation des portes en places. C’est le cas porte Maillot, où une place végétalisée est en train de voir le jour permettant l’articulation avec les allées de Neuilly. Mais, plus de liens, c’est aussi se questionner sur l’héritage de la « voie olympique ». Durant les J.O. de 2024, cette voie sur le Périphérique mais aussi sur l’A1 sera réservée aux athlètes et aux officiels. Une fois les Jeux terminés, elle pourrait être mise au service d’une meilleure mobilité. En effet, sur le Périphérique, on ne compte actuellement que 1,1 personne par véhicule et si on augmentait par exemple ce ration, on aurait moins de véhicules et d’embouteillages. Par la suite, elle pourrait donc être réservée au covoiturage, aux bus, aux taxis et aux véhicules de secours. Plus de liens, c’est aussi l’installation d’un réseau cyclable qui se connecte aux grandes voies radiales développé par les projets du Vélopolitain et du RER-V. Cela signifie également la programmation d’infrastructures en lien avec l’arrivée de nouveaux transports en communs. N’oublions pas que, avec le Grand Paris Express, les prolongements de métro et de tramway, 68 nouvelles stations sont créées de 2020 à 2025 et 101 gares supplémentaires ouvriront entre 2025 et 2030.
On trouve également un volet « plus de nature ». Ce n’est pas forcément le mot qu’on accolerait au Périphérique…
Pourtant, il s’agit bien de travailler sur le renforcement des plantations et de la végétation. Durant cette mandature, ce sont près de 70 000 arbres qui devraient être plantés. La Direction des Espaces verts de la Ville de Paris a d’ores et déjà planté 18 000 d’entre eux entre novembre 2020 et mars 2022. Il s’agit de renforcer les plantations sur les talus et les terre-pleins centraux, de travailler sur les zones délaissées, de renforcer les corridors boisés. Les ateliers ne concernent pas que l’infrastructure ; la réflexion porte aussi sur les quartiers qui se situent de part et d’autre du périphérique où habitent déjà 550 000 personnes. On peut citer par exemple au nord de Paris le parc Chapelle-Charbon (18e), dont une première tranche a été livrée en 2020. Si on assemble tous ces projets, on se rend compte que des corridors verts s’installent. Nous sommes aussi dans une stratégie des petits pas avec un renforcement des plantations dans les cœurs d’îlots et dans les équipements publics. L’objectif commun est de développer ces coutures vertes au sein d’une nouvelle ceinture verte métropolitaine.
Et qu’entendez-vous par « plus de proximités » ?
Actuellement, les polarités sont éloignées entre Paris et les villes riveraines. Il faudrait que les parcours à pied soient plus agréables. Prenons l’exemple de la porte Pouchet (17e) où le Périphérique est en viaduc : le jardin Hans et Sophie Scholl, situé en contrebas, a permis la création de nouveaux usages de proximité. Les actions portent également sur les rez-de chaussée commerciaux nouveaux et sur les projets d’urbanisme transitoire portés par Paris et les collectivités riveraines qui créent de nouveaux usages dans des endroits qui pouvaient, auparavant, apparaître comme hostiles. Bref, à chaque fois, il s’agit d’introduire davantage d’ « humain ».
Il ressort de votre étude que sur la bande de 500 mètres de part et d’autre du Périphérique, « 555 200 habitants [sont] exposés à des pollutions de proximité liées au trafic routier […] six fois supérieures aux recommandations de l’OMS », écrivez-vous. Vous relevez également que « 144 257 habitants sont exposés, en journée, à un environnement sonore supérieur à 53 décibels, soit la valeur limite recommandée par l’OMS » …
Effectivement, le Boulevard périphérique constitue un véritable enjeu de santé publique. Il pose la question de l’amélioration de la qualité de vie et de la qualité de l’air pour les 555 000 habitants qui vivent à proximité. D’autant que, dans ce périmètre, la fragilité est environnementale mais aussi sociale. 225 000 riverains habitent dans des logements sociaux. Sans oublier que, dans cette zone, on compte aussi près de 380 000 salariés. Les Ateliers du Boulevard périphérique et de la ceinture verte permettent d’ avancer sur ce projet en conciliant ces différentes échelles.
Dans ce cadre, ambitionner une « ceinture verte », n’est-ce pas un peu excessif ?
La ceinture verte est un terme historique donné par les paysagistes au début du XXe siècle. Il consistait globalement, une fois les fortifications de Thiers démolies, en la création de 200 parcs et jardins, mais aussi de jardins partagés et de terrains de sport reliant un bois de Paris à l’autre. Nous avons repris ce terme de ceinture verte en l’appliquant aux 500 mètres dans Paris qui bordent le Périphérique mais aussi aux 500 mètres hors Paris qui le longent de l’autre côté. Or n’oublions pas que, sur ce périmètre, il y a une partie des bords de Seine, des canaux, le parc des Hauteurs, les deux grands bois… L’idée est de travailler sur des continuités de promenades. D’autant que l’ambition est la reconquête de plus de 15 hectares, sans oublier la plantation progressive des 70 000 arbres.
Repenser le Périphérique, est-ce aussi faire en sorte qu’il ne soit plus une barrière entre Paris et sa banlieue ?
Le Boulevard périphérique est effectivement un ouvrage qui a créé une coupure physique et un éloignement. Il faut donc réparer mais également se poser la question de son appropriation. D’où l’idée de passer par des modifications petit à petit, de s’interroger sur la meilleure façon de passer d’un côté à l’autre. La Ville de Paris a annoncé que les ateliers se poursuivront. Les échanges qui ont eu lieu au cours des ateliers ont montré que l’envie de travailler ensemble était bien là et que la nouvelle ceinture verte et la mutation de l’ouvrage périphérique sont des sujets partagés.
Infos pratiques : le Livre blanc de la nouvelle ceinture verte et du Boulevard périphérique est à télécharger sur apur.org
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20 juin 2022