Société
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Pour de nouvelles urbanités, du projet urbain au projet humain

La Cité fertile à Pantin, l'une des friches SNCF devenue lieu de vie dans le Grand Paris / © Adrien Roux
La Cité fertile à Pantin, une emprise SNCF devenue lieu de vie dans le Grand Paris / © Adrien Roux

Afin de faire face aux défis sociaux et écologiques, en ville comme dans les territoires ruraux, le collectif Nouvelles Urbanités, qui rassemble acteurs publics et privés, propose quatorze actions à mettre en œuvre dans les trois ans.

Le collectif Nouvelles urbanités regroupe architectes, urbanistes, bureaux d’études, acteurs institutionnels, élus locaux, propriétaires, gestionnaires de lieux, aménageurs, bailleurs, promoteurs, géographes, designers, sociologues, artistes, habitants, universitaires, journalistes et citoyens. Les initiateurs de cette démarche sont à retrouver à la fin du texte.

Face aux urgences — environnementales, sociales, sociétales — nous, acteurs des villes et des territoires, expérimentons et fabriquons de nouvelles urbanités. Notre point de départ : la conscience claire et éprouvée que nous devons revoir nos envies, nos concepts, nos méthodes, nos pratiques, nos manières de coopérer ; en bref revoir notre conception de l’urbain, de ce qui permet d’être ensemble et de fabriquer du commun. Il nous faut rapidement créer de nouveaux savoir-faire pour accueillir de nouveaux savoir-être et rendre possible des projets inattendus.

Sur le territoire national et, au-delà, dans le monde entier depuis plusieurs années, de nombreux exemples de lieux d’expérimentation nous guident pour penser autrement notre action, inspirer notre réflexion, et changer notre regard sur nos capacités de faire. Le Pavillon français « Lieux infinis », dû aux architectes Encore Heureux, et la biennale d’Architecture de Venise de 2018 intitulée « Freespace » en ont été une expression, un commencement de mise en forme et de déploiement. Au quotidien, les Grands Voisins, Shakirail, la Station – Gare des Mines, Ground Control, la Cité Fertile, Coco Velten, les Halles du Faubourg, la Padaf, la Friche Lucien, la Grenze, Des Milliers d’Ici et tant d’autres font la démonstration que l’on peut faire de la ville, de la convivialité, de la solidarité, de la mixité fonctionnelle, de l’emploi, des services, du logement, des loisirs, de la culture, de la formation, de la mobilité, du commerce et des espaces publics autrement. Il y a là des réussites éclatantes.

Ailleurs, dans les périphéries des métropoles, mais aussi dans les villes moyennes ou dans les campagnes, on découvre de nombreuses initiatives, moins médiatisées mais tout aussi probantes. Partout, des acteurs d’un nouveau genre, des « activateurs »  imaginent, créent, animent des lieux et transforment des ressources oubliées en projets humains, évolutifs et agiles, en lien direct avec leur contexte spatial et temporel en permanente évolution.

« Les enjeux relatifs à notre cadre de vie sont gigantesques, tout comme les crises présentes et à venir »

Mais notre cadre d’action est hérité d’une époque construite sur les certitudes et la permanence (règles d’urbanisme, de la construction, de la fiscalité, du financement, de la propriété…) et limite ce mouvement de transformation et de renouvellement de la ville et de nos territoires que certains revendiquent, parfois violemment… Les enjeux relatifs à notre cadre de vie sont gigantesques, tout comme les crises présentes et à venir avec lesquelles nous devons  apprendre à vivre. Pensons seulement aux volumes de mètres carrés déjà vacants en ce début de XXIe siècle ; ils sont parfois frappés d’obsolescence technique ou simplement touchés par l’oubli ou le désamour.

À l’échelle du territoire et des dix ou quinze prochaines années, nous pouvons choisir de considérer ces millions de mètres carrés comme des gisements d’histoires, de liens, de matériaux, de projets, c’est-à-dire de véritables potentiels de création de valeur, d’attachement ou au contraire s’en désintéresser au bénéfice de toujours plus de consommation foncière et de matériaux pour constater in fine l’immense perte de valeur symbolique comme matérielle de notre cadre de vie, voire son impossibilité à répondre à nos besoins de base. 

 

Foresta, parc métropolitain dans les Quartiers Nord de Marseille, un projet de Yes we Camp. DR
Foresta, parc métropolitain dans les Quartiers Nord de Marseille conçu par Yes we Camp / DR

« Plus que les mètres carrés construits, faisons de l’urbanité des lieux que nous créons la mesure de notre action »

C’est donc à nous, acteurs urbains, de proposer de nouvelles règles, de nouveaux modèles économiques et sociaux, de nouvelles méthodes et outils de production, de suivi et d’évaluation, et de nouveaux métiers et formations. Il est  temps de voir et de promouvoir un nouveau savoir urbain, de nouvelles urbanités, à l’échelle du territoire. Cœurs de métropoles, banlieues, périurbain, villes « moyennes » ou campagnes, sont tous des lieux de renouvellement de la fabrique du lien, de l’habitat, du travail.

Notre chance est notre collectif ! Architectes, urbanistes, bureaux d’études, acteurs institutionnels, élus locaux, propriétaires, gestionnaires de lieux, aménageurs, bailleurs, promoteurs, géographes, designers, sociologues, artistes, habitants, universitaires, journalistes, citoyens… Nous sommes  nombreux à avoir pris la mesure de la refondation à engager pour que nos espaces de vie soient des lieux de liens et de futurs possibles.  

N’attendons pas pour agir. La vie en commun est possible et désirable.

Voici quatorze actions à mettre en œuvre dans les trois ans en faveur des nouvelles urbanités :

  1. Avant chaque construction neuve, vérifier si un bâtiment déjà existant peut accueillir les usages attendus soit par de la mutualisation d’espace soit par des aménagements ;
  2. Identifier dans son patrimoine ou sur son territoire trois bâtiments vacants à ouvrir aux projets solidaires ;
  3. Adopter dans les plans locaux d’urbanisme (PLU) une « destination mixte temporaire à impact social et culturel » ;
  4. Créer un fonds de garantie pour le financement d’amorçage des projets solidaires ;
  5. S’engager à réserver 20 % des surfaces d’activités créées à des loyers minorés ;
  6. Visiter les sites de projet ;
  7. Faire de la marche collective un outil de diagnostic partagé ;
  8. Utiliser des outils de concertation permettant d’intégrer les usagers aux décisions d’aménagement sur le temps long, de la conception à l’exploitation ;
  9. Se former au réemploi, à l’expérimentation et à l’hybridation des usages ;
  10. Participer à des programmes scientifiques ;
  11. Recenser et documenter les réalisations dans son territoire ;
  12. Mesurer et suivre les impacts de ses réalisations ;
  13. Mettre en commun et diffuser les apprentissages ;
  14. Faire connaître ces nouveaux modes de fabrication urbaine.

Le collectif des Nouvelles urbanités rassemble :

Dominique ALBA et Emilie MOREAU, Atelier parisien d’urbanisme 

Raphaële D’ARMANCOURT, Union sociale pour l’Habitat

Nicola DELON, Encore Heureux architectes

Nicolas DÉTRIE, Yes We Camp

Sihem HABCHI, AURORE hébergement d’urgence

Michel LUSSAULT et Valérie DISDIER, École Urbaine de Lyon

Benoît QUIGNON, SNCF Immobilier de 2016 à 2020 ; Ville de Marseille depuis septembre 2020

Charlotte GIRERD, SNCF Immobilier

Michèle RAUNET, Raphaël LEONETTI, Cheuvreux Notaires

Simon LAISNEY, Paul CITRON, Plateau Urbain

Marianne LOURADOUR, Camille PICARD, Banque des Territoires

Vianney DELOURME et Renaud Charles, Enlarge your Paris

Infos pratiques : Le collectif Nouvelles urbanités a publié un recueil de textes intitulé « Le Journal des Nouvelles urbanités » disponible en librairie à partir du 15 octobre, ou à commander via Twitter au prix de 8€. Pour prendre contact avec le collectif : nouvellesurbanites@gmail.com 

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