Société
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OSE rend la Seine plus saine

Les déchets sauvages sont l'affaire de tous. Depuis 30 ans, Edouard Fenstein, fondateur de l'association Organe de sauvetage écologique, organise inlassablement des collectes sur les bords de Seine. Nous étions allés à sa rencontre en 2017. Un reportage que nous republions à l'occasion de la collecte (d'argent) qu'OSE a lancé sur Leetchi jusqu'à fin mai afin de poursuivre son action une fois le confinement levé.

Opération de collecte de déchets sur les bords de Seine avec OSE / @ Julie Gourhant pour Enlarge your Paris
Opération de collecte de déchets sur les bords de Seine avec l’association OSE à Ivry (94) / @ Julie Gourhant pour Enlarge your Paris

Pour soutenir l’action d’OSE et permettre la reprise de ses collectes de déchets une fois le confinement levé, vous pouvez participer à la cagnotte en ligne sur Leetchi.

Une initiative soutenue par Enlarge your Paris dans le cadre de la RTE (responsabilité territoriale des entreprises)

Reportage publié le 30 mars 2017

Il y a 30 ans, Edouard Fenstein, alors jeune cantonnier au service Propreté de la mairie de Paris – tel est le nom administratif alloué aux éboueurs – s’installait à Maison-Alfort (94). Pas loin de chez lui, il fait rapidement une découverte qui va le scandaliser, celle des montagnes de déchets qui recouvrent les berges de la Seine. Avec des amis, il décide de créér une association, OSE (Organe de Sauvetage Écologique), et inaugure des opérations de ramassage sans demander l’avis ni l’autorisation de personne. Nous sommes en 1990. Aujourd’hui, il fait le bilan : « Plus de 3000 tonnes de déchets collectés. Des dizaines de voitures sorties de l’eau, des centaines de machines à laver remontées, et tant d’autres cochonneries. » Il soupire. « Rien que pour nettoyer les berges de Villeneuve-Saint-Georges (près d’Orly, NDLR), il nous a fallu vingt ans, à raison de dix week-ends par an !« 

Pour nous rendre compte de l’ampleur de la tâche, nous l’avons retrouvé un dimanche matin, sur les quais d’Ivry-sur-Seine. Le paysage est étonnant. En direction de Paris, vers l’Ouest, se détache la silhouette de la néo-pagode de Chinagora, devant laquelle la Seine et la Marne se marient. Dans notre dos, une usine de retraitement des eaux de la Ville de Paris,  merveille d’architecture industrielle du XXe siècle faite de briques, de verre et d’acier. Enfin en amont, deux gigantesques tours de l’ancienne usine EDF de Vitry complètent la skyline. L’endroit est paisible. Seul signe d’activité, un petit groupe charge des sacs poubelle sur un camion benne municipal.
 
Nicolas se détache du groupe. Il est de Savoie et vient tout juste d’arriver à Paris pour un stage de fin d’études. Ce matin, c’est la première fois qu’il met les pieds en banlieue.  Un sac « vacances propres » à la main il explique, rigolard. « Il faut bien occuper ses week-ends. » Il est là parce qu’il a vu sur le web l’annonce de la collecte. Pour Nicolas, militant écolo convaincu, il était naturel de venir. « Il faut absolument que nous changions de mode de vie, que nous jetions moins, parce que sinon ça va devenir compliqué. Ici, j’agis pour l’environnement, concrètement.»
 
OSE / @ Julie Gourhant pour Enlarge your Paris
@ Julie Gourhant pour Enlarge your Paris

La Seine, une malle aux encombrants trésors

« Attention ! Ne glisse pas ! Il n’y avait pas tout cela la semaine dernière ! Les dégueulasses ! » Ce cri du cœur s’élèvent des berges en contrebas de la route qui longe les quais. Cinq volontaires s’activent sur une espèce de plateforme herbeuse, quasiment à hauteur d’eau, à laquelle on accède par un petit escalier métallique pas très rassurant. L’odeur est prononcée. Certains portent des masques pour l’atténuer. Tous remplissent des sacs de 50 litres à tours de bras avec tout ce qui leur tombe sous la main. Les trésors du jour ? Un inventaire à la Prévert un brin trash : des colis Amazon éventrés, un sac à main visiblement volé, des tampons hygiéniques, des gravats de chantier, des planches de contreplaqué complètement pourries… « On ne sait jamais trop ce que l’on va trouver. Du coup, on se chambre entre nous quand on fait une découverte un peu dégueu », confie un participant.
 
Un peu plus loin, deux jeunes femmes chaussées de bottes de pêcheurs ratissent une petite plage. Des arbres penchent leurs branches dans l’eau. L’endroit est idyllique. Si ce n’est que le sol est jonché de parpaings abimés, de lavabos à moitié enterrés et de ferraille en tous genres. Les « pêcheuses », Juliette Leroux et Adeline Gerritsen, deux piliers de l’association, sont parties à la chasse aux plastiques qui parsèment la végétation où ils se décomposent lentement, polluant en profondeur le milieu aquatique. Un peu plus loin,  un bénévole hilare, interroge : « Des fumeurs parmi vous ? » Au milieu des détritus, il est tombé sur des barrettes de shit. Qui a fait don de tous ces « petits cadeaux » ? Des joggeurs, des pique-niqueurs, des promeneurs, des Roms du camp voisin qui ont fait des berges leurs toilettes, des ouvriers du bâtiment voulant économiser le coût d’un passage à la décharge…
 
« C’est pour ça que les bords des fleuves deviennent de petites déchetteries à ciel ouvert ». Edouard Fenstein, se lance dans un cours magistral impromptu devant la benne. « La pollution des cours d’eau est généralisée mais elle se concentre près des grandes agglomérations surpeuplées. C’est une pollution diffuse causée par des micro et macro-déchets qui s’amoncellent surtout aux abords des zones reculées. » Il y a le visible et l’invisible. Les sacs plastiques déchiquetés en millions de microparticules n’ont pas disparu. Ils se diffusent.  
 
Tant de travail avec si peu de soutien public. Plusieurs fois, Edouard Fenstein a dû souscrire des crédits à la consommation afin de boucler les fins de mois d’OSE. Mais c’est « un dur » comme il dit, et il ne se voit pas arrêter de ramasser les déchets. « Jamais« . 
 
OSE / @ Julie Gourhant pour Enlarge your Paris
@ Julie Gourhant pour Enlarge your Paris

Des actions avec les Roms

Vers midi, c’est la pause. Tout le monde se retrouve pour un café – madeleines. Débarquent Mihai et Bobby, deux roms du voisinage. Un gâteau est sorti d’un sac, décoré de bougies. C’est pour Mihai , qui fête ses 25 ans. Dont dix ans à donner des coups de mains à l’association. Aujourd’hui, il fait partie de OSE Roms, une « filiale » d’OSE. C’est en 2007, lors d’une opération de nettoyage, que les animateurs de l’assoc’ ont rencontré une communauté Rom installée près des berges de Choisy-Le-Roi, en face de Chinagora. Edouard Fenstein se souvient. « Ils vivaient dans un camp de fortune très sale qui, faute de poubelles, déversait ses déchets dans la Seine. Nous avons proposé de nettoyer le camp avec eux, mis en place des poubelles, donné des gants et des sacs. Nous sommes revenus plusieurs fois, les avons sensibilisés, accompagnés… » Et puis avec les années se sont noués des liens d’amitié. « Dorénavant, il n’y a pas une action sans le soutien de quelques Roms. »
 
En 2015, le Préfet de Région lit cette histoire dans la presse et contacte OSE. Il propose à l’association une convention pour intervenir entre dix et quinze fois par an dans des camps. « Notre objectif : aider à nettoyer les camps, pour les Roms et pour leur image dans la société. Nettoyer, c’est diminuer les problèmes avec les riverains en colère contre la saleté. » Edouard Feinstein semble heureux de raconter tout cela. On remballe le matériel. Ce matin, en trois heures, la quinzaine de bénévoles a récolté une tonne de déchets. « Une petite matinée. Certains jours, on remonte jusqu’à 10 tonnes. »
 
Pour soutenir l’action d’OSE et permettre la reprise de ses collectes de déchets une fois le confinement levé, vous pouvez participer à la cagnotte en ligne sur Leetchi

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