
Jusqu'au 13 juillet à Versailles, la 3e édition de la Biennale d'architecture et de paysage d'Île-de-France questionne notre manière d’habiter la ville à l'aune du changement climatique. Un parcours dans la cité royale qu'est allé reconnaître le journaliste pour Enlarge your Paris John Laurenson.
En partenariat avec la Région Île-de-France
En face du château de Versailles (Yvelines), dans les anciennes écuries du Roi, se trouve l’École nationale supérieure d’architecture. Je traverse une cour pavée où les étudiants peuvent s’adonner à leur pause café et pénètre dans l’une de ces salles longues et hautes où jadis les chevaux de Louis XIV mangeaient leur foin. Pendant deux mois et demi, elle s’est transformée pour abriter l’exposition « 4° Celsius entre toi et moi » qui nous montre comment puiser dans l’architecture traditionnelle pour trouver des solutions aux défis climatiques. À quelques mètres du château et de son jardin à la française qui incarnent la puissance d’un seul homme et la nature domptée, on rend hommage ici aux bâtisseurs anonymes des pays moins tempérés que la France qui ont su s’adapter à la nature plutôt que de royalement passer outre.
Dans un poème d’un certain Alsahl Almumtanae, une phrase résume bien l’idée de l’exposition : « Si cette architecture modeste, née de la Terre elle-même, portait les réponses ? » La terre, utilisée massivement jusqu’à récemment pour construire des maisons au Maghreb, est un matériau abondant avec une bonne inertie thermique (qui change de température lentement). Le jour elle vous rafraîchit avec le froid qu’elle a retenu de la nuit, la nuit elle vous réchauffe avec la chaleur qu’elle a retenue le jour. Surtout quand les murs sont épais.
Si les prévisions d’une hausse importante des températures dans les prochaines années se réalisent, on pourrait aussi copier les Italiens, qui utilisent les persiennes, ces stores en bois pour faire barrière au soleil et à la chaleur du jour, ou s’inspirer des Grecs qui peignent leurs toits en blanc. Avec 1 400 000 pots de peinture blanche, on pourrait repeindre 30 % de la surface de Paris et abaisser la température de 2 °C ! Ces solutions sont d’autant plus pertinentes que, tout en atténuant les effets climatiques extrêmes (chaleur, froid, sécheresse, inondation…), elles influent sur le climat lui-même. Un immeuble construit, par exemple, comme un riad marocain, imperméable à l’air chaud de l’extérieur mais ouvert au milieu sur une fontaine et des plantes vertes, n’aurait pas besoin de climatisation (qui fonctionne à l’électricité dont une partie est générée en émettant du CO2).

Versailles, une ville en mutation
Je quitte l’école d’architecture, passe devant le château et la statue équestre de Louis XIV, et prends la très belle contre-allée bordée d’énormes platanes de l’avenue de Saint-Cloud qui mène vers l’ancien hôpital royal. Il abrite maintenant l’Espace Richaud et ma prochaine exposition, « Versailles avant-après / 2010-2030 ».
Je commence par admirer la cour intérieure de ce beau bâtiment de 1699, havre de paix et de verdure. Sa transformation est l’un des remarquables projets d’architecture et d’urbanisme qui ont vu le jour ces dernières années à Versailles. Dans l’expo, on en découvre beaucoup d’autres. Il s’agit souvent de la mise en valeur d’un patrimoine oublié ou délaissé. La restitution de l’axe historique du château de Versailles, par exemple : on a retrouvé le prolongement du Grand Canal et la « Grande Perspective » imaginée par André Le Nôtre, le jardinier du Roi. On y découvre aussi de nombreux projets verts, tels que la résidence Green Park, qui abrite beaucoup de logements étudiants. Elle est le premier bâtiment à énergie positive de Versailles (qui produit plus d’électricité qu’il n’en consomme). Enfin on fait connaissance avec le Quartier Gally, en cours de construction, une cité-jardin de 550 logements où on se douchera avec les eaux de pluie chauffées par la géothermie.
Aux origines de la conscience écologique
Après ce panorama versaillais, me voici de retour dans les rues de la cité royale. Je traverse la place du marché Notre-Dame, l‘un des plus beaux de France, avant d’arriver du côté de la cathédrale Saint-Louis au pied de laquelle s’épanouit le Potager du Roi. Comme tout à Versailles, ce potager est gigantesque. Berceau de l’École nationale supérieure de paysage, il abrite notamment une forêt d’arbres fruitiers en espalier. En ce moment, ce grand carré est traversé en son milieu par une sorte de très longue table jaune sur laquelle figurent des mots et des images : c’est l’exposition « Nous… le climat », consacrée à l’évolution du regard que nous portons sur la nature et à la façon dont nous pouvons vivre avec elle.
L’expo se déploie comme la morphologie d’un arbre, de ses racines jusqu’aux feuilles. D’abord on apprend les prémices de la conscience écologique. L’apparition du mot « paysage » en Europe, par exemple : c’était en 1462 aux Pays-Bas avec le mot lantscap. On découvre aussi que la première enquête sur le changement climatique en France a été menée en 1821 ! Et on se rend compte du bouleversement provoqué par les premières photographies de la Terre (la « Blue Marble », prise par la mission Apollo 17 en 1972) quand on a pu voir notre planète bleue tout entière pour la première fois. Enfin, petite originalité, l’exposition traverse un bassin et on est invité à la suivre les pieds dans l’eau. Pour une biennale qui ose mettre les pieds dans le plat, rien d’étonnant…
Infos pratiques : Biennale d’architecture et de paysage d’Île-de-France, du 7 mai au 13 juillet à Versailles (78). Gratuit. Accès : gare de Versailles Château Rive Gauche (RER C) / gare de Versailles Chantiers (lignes N, U, V et RER C) / gare de Versailles Rive droite (ligne L). Plus d’infos sur bap-idf.com

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21 mai 2021 - Versailles