
On a presque du mal à l'imaginer. Dans trois ans, un parc verra le jour à La Défense, le plus grand sur dalle en France avec 5 hectares de verdure au cœur de cette forêt de tours. À la baguette de ce vaste chantier, le paysagiste Michel Desvigne nous en brosse le portrait.
En partenariat avec la Métropole du Grand Paris à l’origine du Plan biodiversité métropolitain qui renforce la place de la nature dans le Grand Paris
La Défense est un univers vraiment à part dans le Grand Paris. Est-ce que vous l’aimez ?
Michel Desvigne : Oui, j’aime La Défense ! J’aime cette hauteur assez compacte que l’on voit de loin et qui possède une vraie beauté. Je me le suis dit ce matin en sortant du métro sur l’esplanade. Il y avait une très belle lumière. On sent aussi une forme de confiance dans le futur, caractéristique des années 1970, qui est encore palpable ici malgré toutes nos inquiétudes. On peut espérer qu’avec la transformation de ce quartier on se réconciliera avec l’optimisme qui lui a donné naissance, mais en ayant cette fois une attention environnementale complètement différente de celle que nous avions il y a 50 ans.
Quels sont les enjeux et les bienfaits attendus de la végétalisation de la dalle ?
Cela va changer complètement les conditions d’humidité et de chaleur et va avoir une influence sur la biodiversité. Nous allons introduire quelque 350 espèces de végétaux, tout en conservant les 500 arbres déjà présents ainsi que le jardin actuel. Ce premier jardin a été créé par un paysagiste remarquable, l’Américain Dan Kiley. Il s’est inspiré des jardins classiques français du XVIIe siècle et s’est inscrit dans la continuité de la Voie royale qui va du Louvre à la Grande Arche. À l’heure actuelle, sur les 5 hectares du jardin de Kiley, 30 % seulement sont végétalisés. Nous allons inverser cette proportion et faire en sorte que 70 % de la surface soit végétalisée.
Comment s’y prend-on pour transformer un espace aussi minéral que La Défense ?
Un jardin, comme une forêt, est composé de strates. Ici, nous allons en créer entre cinq ou six qui permettront de garantir une grande diversité. Il y a dans notre équipe une écologue, Marine Linglart, qui, depuis de longues années, fait des expériences sur l’esplanade en procédant à des évaluations pour savoir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Le futur jardin sera composé de nombreuses espèces qui existent dans la nature autour de Paris.

Va-t-on vivre La Défense différemment ?
Oui ! Ce n’est pas un projet décoratif. Il sera formé d’une mosaïque de petits jardins qui seront autant de salons naturels que les gens vont pouvoir s’approprier pour manger, se relaxer… Nous allons également revoir l’installation du mobilier urbain. Actuellement, les bancs sont parallèles à la perspective offerte par la Voie royale. Nous allons les réorienter perpendiculairement de sorte qu’ils permettent de regarder vers l’Arc de triomphe ou vers la Grande Arche, le tout au cœur de 700 m de végétation. Ce qui nous a inspirés, c’est la manière dont est aménagé le parc du château de Versailles. Cela va conduire à un changement complet de perception du quartier.
La Voie royale a déjà commencé à changer d’aspect avec la végétalisation de la porte Maillot et maintenant votre projet. Est-ce que l’on peut rêver d’aller encore plus loin ?
C’est vrai que cet axe connaît de nombreuses transformations. Du côté de Nanterre (Hauts-de-Seine), par exemple, le cimetière a été réaménagé et abrite désormais un ensemble de jardins. On peut imaginer qu’un jour les Champs-Élysées évolueront aussi. C’est une chance d’avoir cet axe imaginé par Le Nôtre qui, quand on le prolonge, va jusqu’à la terrasse du château de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines) coupant, je crois, sept fois les méandres de la Seine.
Existe-t-il des exemples similaires en France ou à l’étranger de ce que vous allez réaliser ici ?
J’ai eu l’occasion de mener un projet similaire au Japon à Otemachi, le quartier d’affaires de Tokyo, ainsi qu’à Monaco. Nous sommes en ce moment en compétition pour en réaliser un à Séoul. Sinon, j’observe qu’aux États-Unis, dans les centres-villes, l’urbanisme sur dalle est fréquent et que cela n’empêche pas de concevoir des jardins tout à fait pérennes.
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18 septembre 2021