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186 kg de déchets ménagers sont produits chaque seconde en Île-de-France

476 kg de déchets ménagers sont produits par habitant en Île-de-France chaque année / © Kekaparis (Creative commons - Flickr)
476 kg de déchets ménagers sont produits par habitant en Île-de-France chaque année / © Kekaparis (Creative commons – Flickr)

La grève des éboueurs, entamée le 7 mars dernier, a mis en lumière les tonnes de déchets produits quotidiennement en Île-de-France. Selon l’Observatoire régional des déchets d’Île-de-France, 186 kg de déchets par seconde seraient produits dans la région. Un chiffre vertigineux que commente Helder De Oliveira, son directeur.

Note de la journaliste : 279 000 kg de déchets ménagers ont été produits en Île-de-France durant cet entretien de 25 minutes.

Comment expliquez-vous ces 186 kg de déchets ménagers produits chaque seconde en Île-de-France ?

Helder de Oliveira : Ce chiffre parle de déchets ménagers et assimilés (DMA) prélevés par les collectivités, c’est-à-dire les déchets des particuliers et des petites entreprises, comme l’épicier du rez-de-chaussée ou le médecin qui habite l’immeuble. Ces déchets représentent 5,858 millions de tonnes en 2021 en Île-de-France, soit 186 kg de déchets par seconde pour toute l’Île-de-France et 476 kg par an et par habitant. Parmi ces déchets, il faut compter environ 126 kg de déchets occasionnels comme les déchets verts ou les encombrants, 21 kg de déchets en verre, entre 35 et 40 kg d’emballages et de papier, et environ 280 kg d’ordures ménagères résiduelles, c’est-à-dire tout le reste. Dans ces ordures ménagères résiduelles – qu’on aura l’obligation de trier avant la fin de l’année 2023 –, on trouve toujours paradoxalement une grande majorité des déchets recyclables, car tout le monde n’a pas encore pris le pli de trier. Les trois quarts des cartons ne sont pas triés, tout comme quatre bouteilles en verre sur dix qui se retrouvent dans le mauvais bac ! En tout, un million de tonnes de recyclables ne sont pas triées chaque année en Île-de-France.

Comment peut-on inciter à mieux trier ?

On ne peut pas dire que les gens ne sont pas au courant ! Aujourd’hui, le tri a été simplifié et les bacs existent en quantité. Mais, en termes de réglementation, il y a très peu de sanctions et pas d’incitation. Le sud de l’Essonne affiche de meilleurs résultats car y a été mise en place une tarification incitative pour ceux qui trient bien, mais cela reste une exception. Ce type d’incitation fonctionne bien en milieu rural. Il faudrait inventer un système incitatif qui fonctionne pour les habitats collectifs. On pourrait imaginer des systèmes numériques qui vérifieraient le tri de chacun et, en échange d’un tri efficace, le trieur pourrait recevoir des bons de réduction pour des enseignes durables, des magasins de quartier, ou même pour des services publics. 31 ans après la mise en place du tri sélectif, le problème n’est toujours pas réglé. On pourrait opter pour la répression, mais pour l’instant les collectivités n’osent pas. La communication autour du tri, le nombre de bacs à disposition, la répression et l’incitation sont pour moi les quatre leviers à actionner pour parvenir à améliorer nos performances.

Selon vos chiffres, depuis 2010, la production de déchets non recyclés par habitant a augmenté alors qu’on a l’impression que le tri s’est généralisé…

Il existe en effet un foisonnement d’initiatives citoyennes, associatives, publiques et privées autour de l’économie circulaire et de la meilleure gestion des déchets. Malgré cela, les chiffres n’évoluent que très peu. Entre l’ambiance générale antidéchets et les chiffres, il existe un véritable paradoxe. Le véritable résiduel, c’est-à-dire ce qui reste après toutes les opérations de tri, s’élevait à 4 millions de tonnes en 2010. En 2020, cela représentait 3,99 millions de tonnes ! 99 % des gens disent trier mais les chiffres parlent d’eux-mêmes… Il existe un problème de motivation.

Les collectivités prennent-elles des mesures pour inciter les habitants à mieux gérer leurs déchets ?

Oui et non. Il existe beaucoup d’initiatives comme les ressourceries, les composteurs de quartier et d’immeubles, cela va dans le bon sens. Il y a comme un nuage d’actions mais ce n’est pas à l’échelle de l’enjeu, cela ne suffit absolument pas pour aller « chercher » ce million de tonnes de déchets alimentaires ou de recyclables dans les poubelles résiduelles. Il faudrait une action massive sur ces quatre leviers que je vous ai décrite pour imaginer une vraie amélioration.

La volonté politique manque-t-elle ?

Des freins existent et il faudrait en effet une véritable volonté politique afin d’inciter la population à trier. On sent un frémissement autour du plastique et en ce moment, les grandes marques se rendent compte que ces flacons jetables leur donnent une très mauvaise image. Se pose aussi la question de l’organisation à mettre en place pour éviter les déchets : il y a une cinquantaine d’années, on a détruit tous les dispositifs qui existaient autour de la consigne, une terrible erreur. Par exemple, la majorité des vins étaient auparavant expédiés en cuves et la mise en bouteille était effectuée localement. Mais ce système a été cassé. Cela demanderait une volonté très forte, au niveau national, pour imposer de nouveau ce type de dispositif.

Vous tablez sur une réduction de 10 % des déchets par rapport à 2010 en Île-de-France. Cela paraît presque dérisoire de passer de 478 à 429 kg de déchets par habitant et par an…

Oui. Mais rien que le fait de vouloir ralentir la production de déchets reste illusoire si l’on s’en tient aux moyens actuellement mis en place ! On a beaucoup d’ambitions mais cela demande de réels moyens, des incitations fortes, des réglementations et des sanctions. La volonté semble être là mais il existe tellement de freins que ce n’est pas suffisant pour motiver les gens. Aujourd’hui on parle beaucoup d’économie circulaire, de la transformation de déchets en ressources, mais cela ne peut fonctionner que si chacun est complètement impliqué. Aujourd’hui, le citoyen lambda qui fait cet effort n’est jamais félicité, gratifié pour la boucle vertueuse qu’il crée. Si ces gestes restent citoyens, éthiques, ils se maintiennent en dehors de l’économie. C’est contradictoire avec le discours ambiant.

Comment participer à cet effort ?

N’oublions pas que nous ne parlons que de la partie émergée de l’iceberg. En réalité, il faut aussi penser à toutes les ressources qui sont nécessaires pour produire ce qu’on jette. La production de ce qui finit à la poubelle a demandé de l’énergie, de la matière, de l’eau, a produit du gaz à effet de serre. À chaque fois que l’on jette quelque chose, c’est un énorme sac à dos écologique que l’on met à la poubelle avec. Il faut donc réfléchir aussi avant d’acheter.

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