Culture
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Dernier né des opéras grand-parisiens, l’opéra de Massy fête ses 30 ans

Répétition à l'opéra de Massy, l'un des trois opéras d'Île-de-France avec l'opéra Bastille et l'opéra Garnier à Paris / © Opéra Massy
Inauguré en 1993, l’opéra de Massy célèbre ses 30 ans du 7 au 14 octobre / © Opéra Massy

Il est né trois ans après l'opéra Bastille à Paris et plus de 200 ans après l'opéra Royal à Versailles (seul autre opéra en banlieue). Du 7 au 14 octobre, l'opéra de Massy célèbre ses 30 ans et organise une semaine de festivités avec notamment une soirée consacrée aux comédies musicales. Très critiqué à sa création, il s'est depuis fait une place sur l'échiquier grand-parisien de la culture. Enlarge your Paris s'est entretenu avec son directeur général, Philippe Bellot.

Quel fut le contexte dans lequel l’opéra de Massy a vu le jour il y a trente ans ?

Philippe Bellot : Massy est une ville nouvelle et compte notamment un quartier baptisé La Franciade du nom du plus vieux centre commercial de France qui y est implanté. Non loin de là se situe Le Grand L, un autre quartier, situé, lui, à Antony. Entre les deux cités, les affrontements étaient récurrents. Sans compter qu’en lieu et place de l’actuel opéra se trouvait un bidonville. Claude Germon, le maire de l’époque, souhaitait transformer le quartier. Il a commencé par reloger les habitants du bidonville et fait construire à la place un grand équipement culturel comprenant non seulement l’opéra mais aussi un cinéma et une médiathèque. A l’époque, le projet d’opéra se fait démolir dans toute la presse, mais Germon y croit. Il fait venir Jack-Henri Soumère, qui travaillait alors au théâtre de Longjumeau (Essonne), pour prendre la tête de la structure. C’est un défi car, il faut bien l’avouer, à l’ouverture, les travaux ayant coûté cher, les caisses sont vides. Une saison-test débute en 1992 avec six spectacles et l’inauguration a lieu en octobre 1993. 

Comment avez-vous ancrer l’opéra dans le territoire ?

Rappelons une chose. Dès le départ, nous avons embauché des jeunes du territoire via notamment une mission locale qui était très dynamique. Nous avons aussi rapidement mis sur pied un service actions culturelles pour que les gens du quartier s’approprient le lieu. Je dirais qu’il a fallu 7-8 ans pour que la fréquentation massicoise s’installe. Au départ, les habitants représentaient 10 à 15% du public. Aujourd’hui, on est plutôt sur 30%. Nos générales sont toujours ouvertes gratuitement aux habitants qui ne seraient encore jamais venus. Et on a une offre à 10 € le billet pour les étudiants.

Si vous deviez choisir trois moments parmi ces trente ans d’opéra ?

L’inauguration, évidemment, en présence de la grande mezzo-soprano Teresa Berganza. Un moment très fort parce qu’elle a salué absolument tout le monde. Pour le reste, c’est dur parce que, des bons moments ici, j’en ai énormément. Heureusement d’ailleurs ! Disons la mise en scène complètement folle de Carmen en 2003 par Henri Lazarini. C’était sa première mise-en-scène et il avait même fait venir des chevaux sur scène ! Je pense aussi au Madame Butterfly mis en scène en 2007 par Mireille Larroche. Si on ne pleurait pas durant ce spectacle, alors ce n’était même plus la peine de retourner au théâtre ensuite ! 

Vous proposez une semaine de festivités du 7 au 14 octobre pour célébrer cet anniversaire. Quel est le programme ?

Il y aura tout d’abord un grand gala avec l’orchestre de l’opéra de Massy le 6 octobre, l’occasion d’entendre ou de réentendre des airs fameux de Rossini, Verdi ou Bizet. Nous voulions aussi montrer que l’opéra est ouvert à la jeunesse. Dimanche 8, c’est donc l’orchestre des étudiants de Paris-Saclay qui prendra les commandes. Le 11 octobre, l’Académie internationale de comédie musicale proposera une soirée très Broadway. Enfin le 14 octobre se tiendra un happening dansé sur le parvis de l’opéra. 

Cette année, plusieurs maisons d’opéra ont tiré la sonnette d’alarme quant à leurs difficultés financières. L’Opéra national du Rhin a dû annuler un spectacle. Celui de Rouen a dû fermer cinq semaines. Qu’en est-il de Massy ?

Les maisons d’opéra sont en pleine mutation. En ce qui nous concerne, nous sommes l’une de celles en France avec le plus petit budget. La première année, le budget global s’élevait à 500 000 francs. Nous faisons donc attention aux dépenses et nous cherchons des recettes annexes via la location de salles par exemple. Beaucoup de mes collègues ont aussi eu des difficultés en raison de baisses de subvention. Nous ne sommes pas meilleurs que les autres mais, par exemple, nous n’avons pas eu à souffrir de réduction budgétaire. 

Selon vous, à quoi ressemblera l’opéra dans 30 ans ? Se devra-t-il d’adopter des formes plus modestes ? Sera-t-il aussi plus soucieux d’écologie ?

Depuis quelques années, les maisons se mettent à travailler entre elles. Cela évite que, pour une production, les décors soient stockés et détruits. Par exemple, la production du Dialogue des Carmélites que nous allons proposer est montée avec l’opéra de Bordeaux. Quant à la Traviata, elle est coproduite avec l’opéra de Reykjavik et le soutien de la délégation générale du Québec à Paris. Il ne s’agit donc pas tant de produire des formes plus modestes que de coopérer. Par ailleurs, grâce à la vidéo et aux projections, il est tout à fait possible aujourd’hui de mettre en scène de très beaux spectacles sans immenses décors gourmands en bois ou en toiles peintes. Et puis n’oublions pas une chose : désormais, à la tête de ces maisons, on trouve de nouvelles générations qui déploient un intérêt certain pour les questions de développement durable. 

Infos pratiques : Festivités des 30 ans de l’opéra de Massy, du 7 au 14 octobre. 1, place de France, Massy (91). Accès : gare Les Baconnets (RER B). Plus d’infos sur opera-massy.com

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