Après une rénovation qui aura duré deux ans, le musée Marcel Proust-Maison de la Tante Léonie vient de rouvrir ses portes à Illiers-Combray avec de nombreux trésors liés à la vie de l'auteur de A la recherche du temps perdu. Visite guidée avec Élodie Massouline, chef du service conservation du département d'Eure-et-Loir, et déambulation dans les rues du village sur les pas du romancier avec la guide conférencière Anne Chevée.
En partenariat avec Eure-et-Loir Tourisme
Pouvez-vous nous expliquer comment cette maison d’Illiers-Combray (Eure-et-Loir) dite « Maison de Tante Léonie » s’inscrit dans la vie de Marcel Proust ?
Élodie Massouline : Le musée Proust est en fait la demeure de Jules et Élisabeth Amiot, l’oncle et la tante du côté paternel de Marcel Proust. Élisabeth est la sœur d’Adrien Proust, le père de Marcel. Illiers-Combray est la ville natale de la famille Proust. Marcel, entre ses 6 ans et ses 9 ans, se rend chez son oncle et sa tante à Pâques et aux grandes vacances. Dans Du côté de chez Swann, le premier tome de la Recherche, le village d’Illiers est désigné sous le nom de Combray. Quant à Élisabeth, elle inspire le personnage de tante Léonie chez laquelle le narrateur vient séjourner enfant. D’ailleurs, c’est en 1971, lors du centenaire de la naissance de l’écrivain, qu’on accole Combray au nom d’Illiers, faisant ainsi se rejoindre réalité et fiction. Comme cette maison de tante Léonie, qui s’inscrit certes dans le réel, mais qui est aussi un lieu fantasmé par Proust.
Avant la réouverture en mai 2024, des travaux de rénovation ont eu lieu durant deux ans. En quoi ont-ils consisté ?
Ces travaux avaient trois objectifs. Tout d’abord réhabiliter la demeure. Nous sommes parvenus à doubler la surface de visite. La maison comporte deux salons, une salle à manger, une cuisine et à l’étage quatre chambres. Nous avons reconstitué celles de Marcel, mais aussi celles de sa mère et de sa tante. Ensuite nous avons rendu le lieu accessible aux personnes à mobilité réduite en aménageant un ascenseur. La maison était trop exiguë pour le mettre à l’intérieur, aussi nous l’avons installé dans la demeure contiguë. Enfin nous souhaitions avoir des espaces d’interprétation. En effet, habituellement, une maison d’écrivain est soit une maison d’enfance de l’auteur, soit l’endroit où il a écrit tout ou partie de son œuvre. Ici, on a certes affaire à une maison d’enfance mais aussi à un lieu reconstitué, réinventé a posteriori par l’écrivain.
À quoi le visiteur peut-il s’attendre lors de sa venue au musée ?
À pénétrer dans une demeure étonnante car Jules Amiot, l’oncle par alliance de Proust, commerçait avec l’Algérie. Il a donc souhaité donner une teinte orientalisante à sa maison, ce qui est plutôt surprenant au beau milieu de la Beauce ! On trouve ainsi un palmier dans le jardin, mais aussi un salon oriental. Le public pourra aussi découvrir les collections du musée : par exemple le salon rouge, un ensemble mobilier donné à Proust par ses grands-parents maternels. Ou encore une table à ouvrage en marqueterie Boulle qui appartenait à la mère de l’auteur, avec ses initiales. Seront présentés également des tableaux de Jacques-Émile Blanche, artiste proche de Proust puisque c’est lui qui a réalisé son portrait le plus fameux, avec une orchidée blanche à la boutonnière. Le musée d’Orsay, a, pour sa part, procédé à deux dépôts de toiles du peintre Paul-César Helleu qui fut l’une des sources d’inspiration du personnage d’Elstir dans la Recherche.
Parmi les objets de la collection, en est-il qui vous touchent particulièrement ?
Il y a la mèche de cheveu de Proust prélevée lors de son décès par sa fidèle servante Céleste Albaret, et enfermée dans un petit médaillon. Je pense aussi à un portefeuille, appartenant initialement à Adrien Proust, qu’il offrit ensuite à son fils. On y trouve aussi trois photos qu’y conservait l’écrivain : celles de son père, de sa mère et de son frère.
Quelle atmosphère se dégage des lieux ?
Une ambiance à la fois hors du temps et très intime. On le ressent fortement, qu’on connaisse l’œuvre de Proust ou non. Je crois d’ailleurs qu’elle donne envie de découvrir ou de relire des passages de son œuvre. De s’offrir une visite méditative en ces lieux puis de la poursuivre dans les rues du village d’Illiers-Combray, si préservées qu’elles ne semblent pas tellement avoir changé depuis la fin du XIXe siècle.
Infos pratiques : Musée Marcel Proust – Maison de Tante Léonie, 4, place Lemoine, Illiers-Combray (28). Ouvert en basse saison (janvier, février, mars, novembre et décembre) du mardi au dimanche de 13 h 30 à 17 h 30. En moyenne saison (avril, mai, juin, septembre et octobre) du mardi au jeudi de 13 h 30 à 17 h 30 et du vendredi au dimanche de 11 h à 17 h 30. En haute saison (juillet et août) : tous les jours de 11 h à 18 h. Tarif : 9 € (plein tarif), gratuit pour les moins de 18 ans. Accès : gare d’Illiers-Combray (TER). Plus d’infos sur amisdeproust.fr
En balade à Illiers-Combray sur les pas de Proust avec la guide-conférencière Anne Chevée :
La Madeleine d’Illiers
Les visiteurs d’Illiers aiment beaucoup ce restaurant tenu par la même famille depuis des années. On y sert une cuisine traditionnelle avec des clins d’œil à Proust comme des asperges sauce mousseline, affectionnées par le personnage de la duchesse de Guermantes, la crème au chocolat Françoise du nom de la cuisinière de tante Léonie et, bien évidemment, une madeleine gourmande, clin d’œil au fameux passage du roman. À noter des menus proposés à moins de 20 euros, un tarif bienvenu !
Infos pratiques : La Madeleine d’Illiers, 13, place de l’Église, Illiers-Combray (28). Ouvert du mardi au samedi de midi à 14 h 30 et de 19 h à 21 h 30, le dimanche de midi à 15 h. Tél. : 09 53 33 83 06. Plus d’infos sur restaurantlamadeleinedilliers.eatbu.com
Le Pré Catelan
Ce jardin paysager à l’anglaise a été conçu par Jules Amiot, l’oncle par alliance de Proust. Le nom est un hommage au fameux Pré Catelan du bois de Boulogne (16e) et Amiot l’a conçu comme des Buttes-Chaumont (19e) miniatures. Pour s’y rendre, il faut passer au-dessus du Loir, appelé la Vivonne dans La recherche. Le décor rappelle les jardins exotiques. Une kouba – le monument mortuaire oriental – évoque le goût de Jules Amiot pour l’Orient. On y trouve aussi une maison des Archers, une grotte artificielle et une jolie rivière qui serpente au milieu de la végétation.
Infos pratiques : Le Pré Catelan – Jardins de Marcel Proust, Illiers-Combray (28). Ouvert tous les jours de 9 h à 19 h. Accès libre. Plus d’infos sur tourisme-entrebeauceetperche.fr
La maison natale d’Adrien Proust
La famille paternelle de Proust est originaire d’Illiers. Sur la place de l’Église, on trouve donc la maison natale d’Adrien Proust, le père du romancier, professeur de médecine et grand médecin hygiéniste. Son portrait ainsi qu’une plaque sur la façade vous permettront de la reconnaître.
Infos pratiques : maison de naissance du père de Marcel Proust, place de l’église, Illiers-Combray (28)
L’église Saint-Jacques
Avec son clocher, elle constitue un repère quand on arrive à Illiers-Combray. Dans son roman, Proust la nomme église Saint-Hilaire et la compare à une grosse brioche ! Enfant, il a été fasciné par ses vitraux et les émotions chromatiques qui s’en dégageaient. La plupart ont été transformés mais il en demeure un que Proust a vu dans sa jeunesse : celui qui représente le Christ avec, de part et d’autre, saint Hilaire et saint Jacques. N’oublions pas que nous sommes sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle ! Côté nord, une plaque vous indique la place occupée par la famille Proust. C’est une église très longue puisque la nef près de 40 m. Elle supporte une très belle voûte peinte. Petite astuce : près de la porte d’entrée, un interrupteur – qu’on peut facilement rater –vous permet de la contempler illuminée.
Infos pratiques : église Saint-Jacques, 4, place de l’Église, Illiers-Combray (28)
Anne Chevée propose des visites guidées pour marcher sur les pas de Marcel Proust à Illiers-Combray. Prochaine escapade le 14 juin. Plus d’infos sur arthist.typepad.fr
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27 mai 2024 - Illiers-Combray
