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50 heures de films non-stop dans le plus grand cinéma public Art et Essai d’Europe

Le cinéma Méliès à Montreuil / © Cinéma Méliès
Le cinéma Méliès à Montreuil organise 50 heures de projection du 8 au 10 juillet pour ses 50 ans / © Cinéma Méliès

Il fête son demi-siècle. Pour l'occasion, il a choisi de voir les choses en grand... écran. Du 8 au 10 juillet, le cinéma Le Méliès à Montreuil offre au public 50 heures de projections non-stop. L'occasion de passer une nuit blanche (voire deux) au cœur du plus grand multiplex public d'Europe. Et, pour Enlarge your Paris, de souffler les bougies avec Stéphane Goudet, le directeur artistique du Méliès.

Quelle est l’histoire du Méliès ?

Stéphane Goudet : C’est une histoire particulière, avec des changements de statuts juridiques au fil du temps, des luttes politiques et aussi un environnement particulier qui se teinte d’une dimension sociale. Nous nous situons non loin de Paris dans une ville populaire. Le cinéma a été créé en 1971 par Guy Verrecchia, l’actuel président d’UGC. Au départ, le Méliès était donc un UGC. L’ouverture s’est faite avec une projection du film La Veuve Couderc de Pierre Granier-Deferre, avec Simone Signoret et Alain Delon. Une archive de l’INA montre d’ailleurs cette inauguration avec plein de vedettes. Montreuil y est présenté comme les nouveaux Champs-Élysées ! On est alors en plein dans le mouvement de ces nouvelles salles qui éclosent en périphérie de la capitale. Mais UGC ne sait pas très bien comment exploiter la salle. En 1987, elle est revendue pour un franc symbolique à la mairie. Laquelle en délègue la gestion à l’Association montreuilloise de cinéma. C’est cette association qui décide d’orienter la salle vers l’Art et Essai avant qu’elle soit re-municipalisée en 2002, année où je suis arrivé. Entre 2015, date à laquelle le nouveau Méliès a été inauguré, et 2019, la fréquentation n’a cessé de croître, jusqu’à atteindre le taux de fréquentation par fauteuil le plus élevé de France. Avec le Covid, nous avons accusé une baisse mais moins importante qu’ailleurs en raison de la fidélité de notre public et d’une politique d’animation offensive.

Vous évoquez le Covid qui a fortement impacté le taux de fréquentation des salles. Mais il y a aussi l’émergence des plateformes qui a contribué à cette érosion. Dans ce contexte, proposer 50 heures de projection dans un cinéma, quel message cela envoie-t-il ?

Cela entre effectivement en résonance avec le phénomène de binge watching [visionnage boulimique]. Mais il s’agit aussi de travailler sur l’expérience cinéma. Dans les salles des circuits classiques, vous prenez votre billet, vous entrez dans la salle puis vous sortez en passant près des poubelles. Ici, nous avons un restaurant, une terrasse, un espace de travail pour les scolaires… On ne veut pas être dans un simple rapport de consommation avec le public. Au cours de ces 50 heures, vous allez pouvoir dire : « J’ai vu un film en odorama ! » ou « J’ai assisté à un concert ! » On va même organiser un concours du plus beau pyjama ! Le projet du Méliès, c’est aussi favoriser un creuset où toutes les générations se retrouvent. Or ce type d’espace social existe de moins en moins aujourd’hui. Pour en revenir aux plateformes, on a constaté que les séances animées fonctionnaient mieux que les séances « sèches » avec juste la projection du film. Il faut donc faire plus et mieux que ces séances sèches qui se rapprochent de l’expérience télé. Faire du cinéma un lieu de fête et de rencontres. Pendant ces 50 heures, certains vont choisir d’aller voir une avant-première, d’autres vont décider de passer deux nuits au cinéma… Dans tous les cas, il s’agit de proposer quelque chose de plus vivant, de plus intense. Et aussi de peu cher : durant ces 50 heures, les places sont à 3,50 €.

Au cours de ces 50 heures de cinéma, vous proposez une programmation très éclectique entre La La Land, La Belle Noiseuse ou Eternal Sunshine of the Spotless Mind. Est-elle l’œuvre de vos programmateurs ?

Justement non. On a demandé aux caissiers, aux ouvreurs, bref à tous les membres de l’équipe qui ne sont pas programmateurs, de choisir le film qu’ils voudraient faire découvrir au public. Cela donne une programmation un peu mezze qui témoigne du goût des gens qui travaillent ici. D’ailleurs, chacun viendra présenter son film au public avant la séance !

Il y a aussi des nuits thématiques…

On s’était donné une contrainte : choisir des films sortis entre 1971 et aujourd’hui. Mais les règles sont faites pour être brisées. Aussi, pour notre nuit « Frio Grande » consacrée au western sous la neige, on a choisi de montrer Le Grand Silence de Sergio Corbucci sorti en 1968. C’est aussi une façon de rendre hommage à Jean-Louis Trintignant qui vient de disparaître. Nous aurons également une thématique « L’empire de la censure ». La nuit « Christopher Nolan » s’est imposée quand on s’est demandé comment réunir plusieurs générations autour d’un cinéaste. Chaque « nuit » a une cohérence mais rien n’empêche le spectateur de switcher d’une thématique à l’autre au cours de la soirée.

Pourquoi ne pas avoir consacré une thématique au cinéma montreuillois ? Car, on le sait, la ville abrite de nombreux professionnels du cinéma…

L’avant-première de « La nuit du 12 » de Dominik Moll en sera l’occasion. Dominik habitant à Montreuil, nous avons donné rendez-vous à tous les acteurs montreuillois du 7e art. Parce qu’il nous semble important de promouvoir ceux qui font le cinéma en banlieue.

On fête donc les 50 ans du Méliès. À quoi ressemblera-t-il quand il aura un siècle ?

Je pense évidemment qu’il va muter. Nous allons accueillir davantage de formes hybrides qui ne sont pas que du cinéma. C’est d’ailleurs déjà le cas avec la projection de pièces de théâtre, d’opéras… J’imagine que, dans le futur, les jeux vidéo trouveront aussi leur place dans ce dispositif. Mais il faudra que le cœur du projet demeure le cinéma. Mon inquiétude tient plus à la diversité de la production future. Les plateformes proposent une diversité qui n’est que de façade, en réalité très calibrée. Or, en tant que salles de cinéma, il est de notre responsabilité de donner à voir une réelle diversité à l’écran.

Infos pratiques : « 50 ans, 50 heures » au cinéma Le Méliès, 12, place Jean-Jaurès, Montreuil (93). Du vendredi 8 au dimanche 10 juillet. Tarif : 3,50 € / séance. Accès : métro Mairie de Montreuil (ligne 9). Infos et réservations sur meliesmontreuil.fr

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