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Mes vacances à Châtenay-Malabry, à 10 kilomètres de Paris

Le domaine de la Vallée au loups à Châtenay-Malabry / © Olivier Ravoire
Le domaine de la Vallée au loups à Châtenay-Malabry / © Olivier Ravoire

Depuis un an du fait des confinements successifs, le tourisme de proximité s'est nettement renforcé alors qu'en 2013, 51% des Franciliens interrogés par le Comité régional du tourisme Paris Île-de-France disaient méconnaître les lieux touristiques de la région. Fin mars, le journaliste Olivier Razemon est parti depuis Paris à vélo sur la coulée verte direction Châtenay-Malabry pour y passer trois jours. Il raconte.

Olivier Razemon est journaliste, auteur de « Les Parisiens », une obsession française, (éd. Rue de l’Echiquier). Cette chronique est tirée de son blog « L’interconnexion n’est plus assurée » sur lemonde.fr

C’est sur la route du retour, en traversant Paris, que nous avons compris que nous étions partis en vacances. Ce ciel bleu, cet air léger, ces passants aux bras nus, affranchis de leurs manteaux et de leurs écharpes, tout respirait l’insouciance de juillet. Un juillet anormal, sans restaurant ni terrasse ni magasins, mais un air de juillet quand même par les températures et le plaisir d’être dehors.

Paris vibrait, et nous rentrions de voyage. Quelques heures plus tôt, nous étions encore à Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine), villégiature arborée « à 10 kilomètres de la place du Châtelet », comme disent ses habitants, loin du bruit, de la foule et du bitume. Drôle de destination? Nous avions prévu quelques jours de vacances fin mars, hésitions alors entre Sisteron, Aix-les-Bains ou Cherbourg, quand le glas avait sonné: 10 kilomètres.

Réveils par le chant des oiseaux, balades dans la nature, paysages dégagés

Alors, nous avions opté pour la banlieue, cette banlieue parisienne méconnue que les profanes imaginent triste et inhabitable. Une chambre d’hôtes, au dernier étage d’une villa en meulière sise à Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine), nous tendait les bras. Ses hôtes, prévenants et accueillants, étaient ravis de nous recevoir. Châtenay-Malabry est l’une de ces communes de la région parisienne dont on connaît vaguement le nom sans savoir où elle se situe, malgré ses 35000 habitants, l’équivalent de La Ciotat ou Agen. Réveils par le chant des oiseaux, balades dans la nature, paysages dégagés, découvertes architecturales, pique-niques quotidiens, apéritifs au soleil couchant, sans ordinateur ni visioconférence, ces quelques jours ont vraiment ressemblé à des vacances.

Le voyage a commencé Porte de Vanves, là où, munis de deux sacoches et d’un petit sac à dos, nous avons franchi le périphérique sur la piste cyclable. La « coulée verte », officiellement « promenade des vallons de la Bièvre » est un axe nord-sud aménagé par le département des Hauts-de-Seine au-dessus des voies souterraines du TGV Atlantique. Il avait fallu, dans les années 1970, beaucoup d’énergie et d’abnégation à quelques militants écologistes pour que cette emprise, promise à une autoroute, soit transformée en parc.

Aujourd’hui, la promenade aurait besoin d’être rafraîchie. Ce n’est pas à proprement parler un axe cyclable, tant il faut négocier les virages, éviter les chicanes, partager les allées avec des piétons qui profitent légitimement de la nature. Il serait temps que le département des Hauts-de-Seine investisse dans plusieurs axes sécurisés, le long des grandes ex-nationales qui strient la banlieue au départ de Paris. Mais bon, ne boudons pas notre plaisir. Pour la balade, sans être pressé, la « coulée verte » convient plutôt bien. Les fleurs des forsythias, mirabelliers, cerisiers et parfois celles, rosées et blanches, d’un splendide magnolia, parsèment le voyage. A certains endroits, la voie s’élargit, se transformant en grand jardin ; des bancs apparaissent, propices à une halte.

La vue depuis La Villa de la terrasse, chambre d’hôtes à Châtenay-Malabry / © Olivier Razemon
La vue depuis La Villa de la terrasse, chambre d’hôtes à Châtenay-Malabry / © Olivier Razemon

Sceaux, « la ville qu’on ne quitte pas »

Après quelques kilomètres, sur la gauche, surgit le château du parc de Sceaux. On dirait un petit Versailles, et d’ailleurs les habitants de Sceaux (« les C1 et les CN ») aiment saluer la mémoire de Colbert, qui fit agrandir le château et y donna quelques fêtes, jusqu’à y inviter Louis XIV. Sauf que ce château-là fut détruit à la Révolution, et celui que l’on contemple aujourd’hui a été édifié en 1828. Qu’importe, la perspective est saisissante, l’étendue verte et ensoleillée invite à la promenade ou à la sieste.

Il faut prendre le temps d’arpenter, à pied ou à vélo, le parc de Sceaux, les berges du Grand Canal, les alentours de l’Octogone, élégante pièce d’eau, les allées plantées d’arbres parfaitement alignés, les bosquets secrets, et divaguer parmi les cerisiers du bosquet nord qui, fin mars, ne sont pas encore en fleurs, mais en bourgeons.

La promenade se poursuit dans les rues de Sceaux, Bourg-la-Reine ou Châtenay-Malabry, à la recherche de beaux spécimens de meulières. Cette pierre ocre et dure, qui servait dans les environs de Paris à concasser le grain, présente de telles propriétés isolatrices, aussi bien contre le froid que la chaleur ou le bruit, qu’elle fut utilisée comme matériau de construction. Garnies de frises en céramique, ponctuées de verrières ou de boiseries, ces maisons donnent son style, unique, à la banlieue parisienne. Les amateurs d’architecture admireront les murs du lycée Lakanal, construit au XIXe siècle pour que les lycéens parisiens profitent de la campagne loin des miasmes de la ville, ou la villa Hennebique en béton armé et sa tour en forme de minaret.

Le centre-ville de Sceaux rappelle ceux des villes moyennes lorsqu’elles n’étaient pas défigurées par les vitrines vides et l’acharnement de la grande distribution. Sceaux est « la ville qu’on ne quitte pas », un « cocon provincial », décrivait déjà la journaliste du Monde Pascale Kremer sur son blog en 2011.

La rue Houdan est une voie commerçante réservée exclusivement aux piétons. Il faut garer son vélo sur l’un des arceaux posés au bout de la rue. L’affamé trouvera, à profusion, des bouchers, poissonniers, traiteurs, chocolatiers, une boutique locavore, la boulangerie-qui-fait-le-meilleur-pain et celle qui-fait-les-meilleurs-gâteaux, sans oublier une petite librairie un peu fourre-tout et la permanence de Monsieur le maire, dont la devanture est ornée d’un logo en forme de moustache IIIème République, celle qu’arbore Philippe Laurent (UDI).

Sur les pas de Chateaubriand

Châtenay-Malabry propose, pour sa part, un théâtre qui fut une piscine dans un style années 1930 et la Cité-jardin de la butte rouge, que des promoteurs rêvent de détruire pour y faire pousser des immeubles. Les amateurs de nature apprécieront la Vallée aux loups, un ensemble de pars, jardins et autres propriétés. Les Chatenaisiens sont fiers de la « maison de François-René de Chateaubriand » , où l’auteur des Mémoires d’outre-tombe vécut une dizaine d’années. La «maison», en fait un petit manoir, ne se visite pas en ce moment, mais le vaste parc, où ne parviennent pas les bruits de la ville, est propice à la relaxation. Regarder un bel arbre de bas en haut, ça fait du bien.

L’arboretum, un peu plus bas, compte des dizaines d’arbres remarquables, dont les senteurs plongent le visiteur dans une ambiance campagnarde. En ces chaudes journées, qu’il est agréable de fouler l’herbe fraîche ou les sentiers serpentants au bord d’un plan d’eau. En semaine, le matin, le parc est presque vide, ce qui change des quais de la Seine ou du parc des Buttes-Chaumont, à Paris.

Lors de ces courts déplacements, j’ai pu comparer les choix opérés par les municipalités en matière de déplacements. Si Sceaux, desservie par plusieurs gares de RER, se parcourt aisément à vélo grâce à des pistes cyclables plutôt correctes et des double-sens réservés aux cyclistes, Châtenay-Malabry a omis ces aménagements, et la conduite de certains automobilistes, hostile, s’en ressent. Mon impression confirme l’appréciation donnée par les habitants avec le Baromètre des villes cyclables.

Cerisiers en fleurs au parc de Sceaux / © Claudia Ratsiman
Cerisiers en fleurs au parc de Sceaux / © Claudia Ratsiman (Creative commons – Flickr)

La banlieue, une diversité inestimable de paysages et d’ambiances

Bientôt notre séjour tend à sa fin, et le retour se fait par Bourg-la-Reine et la départementale 920, le long de laquelle une piste cyclable provisoire a été tracée au printemps 2020. L’occasion de constater que les « coronapistes » conviennent aux cyclistes expérimentés, mais, dégradées par des véhicules en stationnement que la police municipale ne verbalise jamais, elles effraient les novices. Les élus et leurs services doivent comprendre qu’il faut construire des aménagements non pas pour les cyclistes d’aujourd’hui, mais pour les gens qui ne savent pas encore qu’ils se déplaceront à vélo dans deux ans. Le Collectif vélo Ile-de-France continue à sensibiliser les élus.

Alors oui, je vous vois venir. Trois jours en banlieue bourgeoise, tranquille, au milieu des oiseaux, c’est agréable, mais un peu facile. C’est vrai. Mais la région parisienne offre certainement, à 10 kilomètres de votre domicile, une diversité inestimable de paysages et d’ambiances.

Ainsi, la veille de notre départ pour Châtenay-Malabry, nous avions parcouru les rives du canal Saint-Denis, dans un horizon de friches urbaines déstructurées, entre la Porte de La Villette et le débouché du canal dans la Seine, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Le long du fleuve, l’environnement se fait bientôt plus bucolique et voici la ville de L’Ile-Saint-Denis. Entre les deux bras de la Seine, un parc départemental est l’endroit idéal pour un déjeuner sur l’herbe. Ça vaut bien Châtenay-Malabry.

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