
Le patriarcat mérite-t-il un musée ? L'association En Avant Toutes répond oui, et on va le fêter pendant une semaine. Entre drag queens, ateliers familiaux et twerk jusqu'à l'aube, c'est une façon de dire au patriarcat : « T'es fini, mais on va d'abord te rigoler au nez ». Rencontre avec Aurélie Da Silva, l’une des responsables de l'association, pour comprendre comment on transforme la rage féministe en happening.
Aurélie Da Silva a eu une idée curieuse : transformer le patriarcat en musée, comme si ce système méritait d’être préservé sous verre pour que les générations futures ne l’oublient jamais… Tout est parti d’une rencontre avec l’agence de communication Artefact 3 000. « Ils travaillaient sur une campagne autour du « futur désirable » et voulaient collaborer avec une association porteuse de valeurs féministes. » Puis vient la question qui tue : « On s’est alors demandé à quoi ressemblerait un musée consacré à ce système disparu. Comme on commémore les grandes tragédies du passé, pourquoi ne pas créer un « musée historique » pour se souvenir de ce qu’on ne veut plus reproduire ? » Sauf que ça pouvait rester une blague. Au départ, c’était une campagne numérique, avec affiches web et spots vidéo « mais tout le monde a trouvé ça trop drôle pour rester virtuel ». Résultat : un week-end de février 2025, à Ground Control (Paris 12e). « On s’est improvisées organisatrices d’événement et on a créé un vrai musée, avec des œuvres, des stands, une programmation festive et culturelle. » 700 billets partent, 1 000 visiteurs entrent. Et avec eux l’envie de continuer. D’où cette reprise, à la Rotonde du 3 au 10 novembre.
Larmes de « Ouin Ouin » et twerk jusqu’à 5 heures du matin
Le bâtiment iconique de la place Stalingrad accueillera une cinquantaine d’œuvres parmi lesquelles des installations interactives, des affiches de call to action (vendues aussi en boutique) et même le flacon « larmes de Ouin Ouin » qui avait déjà bien fait parler lors de la première édition. Et puis bien sûr, un programme festif. « Une soirée d’inauguration spéciale Halloween qui prendra la forme d’un cabaret drag show. » Puis : « Le vendredi 7, on aura une soirée en mixité choisie tenue par le collectif Meuf Paris, et le samedi une soirée drag sous le signe de la célébration des amours libres. » Avant ça, « un discours de l’autrice Chloé Thibaud autour des relations saines dans les couples en dehors de l’hétérosexualité ». Le dimanche, c’est famille : « des ateliers peintures et créations de pancartes, ainsi que des lectures de contes, des chants militants pour enfant et un goûter animé par des artistes drag ». Et le closing ? « Des talks sur des success stories de femmes et une performance du collectif de twerk « booty therapy » qui ouvrira notre format club XXL jusqu’à 5 h ».
Éviter le piège du ghetto militant
« Penser que le musée national du Patriarcat s’adresse uniquement à un public averti ou militant est une erreur. On veut surtout toucher un public large, pas forcément déjà sensibilisé. » C’est l’enjeu vrai : ne pas prêcher que des convaincus. « L’humour, la fête et la culture permettent d’ouvrir des discussions : on veut montrer que le musée est un espace de dialogue et de pédagogie, un endroit où l’on résiste dans la joie. » Pas de sermon, pas de culpabilité. Juste : venez danser, rire, créer. Et peut-être que quelque chose va bouger. Avec une stratégie assumée : « C’est notre façon de faire de la politique culturelle, et on sait que notre communication un peu provocante ne laissera personne indifférent. »
Hors les murs du Grand Paris ?
L’équipe rêve plus grand. « On rêve de faire voyager le musée, qu’il ne reste pas seulement parisien. Le patriarcat n’a pas de frontières, donc sa mise en musée non plus. » Et c’est vrai que, en province, la demande existe. Les questions que pose ce musée ne sont pas parisiennes : elles résonnent à Lille, à Lyon, à Marseille. Parfois même plus fort qu’ici, où les bulles intellectuelles peuvent étouffer les vraies conversations. Mais il faut être lucide : « Chaque édition nous permet de lever des fonds pour l’association, mais repose sur l’engagement fou d’une trentaine de personnes seulement. » Une trentaine de bénévoles, zéro machine administrative. L’espoir reste simple : « On espère que les œuvres et les podcasts diffusés là-bas toucheront un maximum de personnes et qu’ils apporteront des discussions. »
Infos pratiques : musée national du Patriarcat,Rotonde Stalingrad, place de la Bataille de Stalingrad (19e). Ouvert du 3 octobre au 10 novembre de 10 h à 20 h pour l’expo. Accès : métro Stalingrad (lignes 2, 5 et 7). Plus d’infos, notamment sur les soirées, sur enavanttoutes.fr
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30 octobre 2025 - Paris