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Samedi à Paris, ils plongent déguisés dans une eau à 10 degrés. Vous venez ?

Les Ourcq polaires, association de promotion de la baignade hivernale dans les canaux parisiens. DR

Ils vont se jeter à l'eau, déguisés, en plein mois de décembre. Samedi, au bassin de la Villette, la Coupe de Noël fait son retour : une nage en eau froide, autour de 10 degrés, costumes encouragés, jury à la clé. Dans le sillage des JO, l'événement prolonge en version hivernale la reconquête des eaux parisiennes. Laurent Neuville, ancien capitaine de l'équipe de France de natation, milite depuis dix ans pour la baignade en eaux vives. Il nous raconte pourquoi il relance cet événement festif, et ouvert à tous

Enlarge Your Paris — La Coupe de Noël, ça vient d’où ?

Laurent Neuville — La Coupe de Noël, à l’origine, était une vraie épreuve sportive parisienne. Pendant plusieurs décennies, jusqu’en 1940, des nageurs traversaient la Seine le 25 décembre au niveau du pont Alexandre III. On retrouve des images saisissantes dans les archives : des sportifs de haut niveau, des champions de l’époque, dans une eau qu’on imagine glaciale et avec un fort courant. Cette tradition s’est arrêtée avec la Seconde Guerre mondiale et n’a jamais repris.

Aujourd’hui, l’idée n’est pas de relancer une grande épreuve sportive dans la Seine en plein hiver. Les contraintes ont changé : qualité de l’eau, trafic fluvial, cadre réglementaire. La Coupe de Noël version 2025, c’est un rendez-vous festif, ouvert, accessible, dans l’esprit des bains de Noël qui existent ailleurs en France et en Europe.

Pourquoi organiser cet événement dans le bassin de la Villette, et pas dans la Seine comme il y a un siècle ?

C’est un site plus maîtrisable. La qualité de l’eau y est suivie depuis plus de dix ans, avec des contrôles réguliers. Les évolutions sont plus rapides et plus prévisibles qu’en Seine, notamment après des épisodes pluvieux. Et c’est un lieu que les Parisiens identifient déjà comme un espace de baignade estivale. En hiver, ça lui donne une toute autre dimension.

Nager dans une eau à moins de 10 degrés, ça n’a rien d’anodin. Qui participe ?

Des nageurs en eau libre, des pratiquants de nage en eau froide, mais aussi des gens qui viennent pour essayer. Certains seuls, d’autres en équipe. Les participants sont invités à se déguiser, à proposer une mise en scène avant de se mettre à l’eau. On a déjà plusieurs équipes inscrites. Un jury distinguera les meilleures propositions. L’idée, ce n’est pas la performance, c’est l’expérience.

Mais clairement, cette baignade n’est pas anodine. Ce n’est pas une compétition chronométrée, il n’y a pas d’obligation de certificat médical, mais chacun vient en connaissance de cause. On impose quelques règles : pas de plongeon, pas de mineurs, un parcours de 100 mètres. Et un dispositif de sécurité complet : sauveteurs, médecin, vestiaires chauffés, douches chaudes. On ne transige pas là-dessus.

Concrètement, comment ça se passe samedi ? Tout le monde peut venir ?

Oui ! Les inscriptions sont ouvertes jusqu’à la veille, avec une jauge à 200 participants, il reste des places. Convocation des inscrits à 13h, premier départ à 14h, et le public est bienvenu pour encourager les téméraires ! Il faut aussi dire que la nage en eau froide connaît un vrai essor. Dans les pays nordiques, c’est une évidence culturelle, mais depuis quelques années, ça se développe partout en Europe. Compétitions internationales, championnats nationaux… Les gens cherchent un rapport plus direct à l’eau, au froid, au corps. Ça dit quelque chose de notre époque : un besoin de défis, mais aussi de sensations. Et les dernières études montrent que la nage en eau froide apporte des bénéfices pour la santé.

Vous militez depuis longtemps pour la réouverture des baignades à Paris. Les JO ont changé la donne ?

On a commencé il y a plus de dix ans, quand l’idée paraissait irréaliste. On a travaillé avec les collectivités, testé, documenté, sécurisé. La Villette, le canal Saint-Martin, Paris Plages : tout ça s’est construit pas à pas. Les JO ont accéléré les choses, mais la reconquête des rivières, c’est une décennie d’investissements et de travaux sur l’assainissement. Et le regard du public a évolué. Quand les gens voient que les contrôles sont sérieux, la peur recule. On redécouvre l’eau en ville. Ce n’est pas un effet de mode.

Au fond, ce qui se profile ici dépasse l’événement festif.

Oui, complètement. Ce bain de Noël raconte quelque chose de plus profond : notre rapport à l’eau en ville est en train de basculer. Pendant longtemps, rivières et canaux ont été tenus à distance. S’y baigner paraissait inconcevable. Aujourd’hui, on recommence à y entrer. Physiquement. Collectivement.

Et ça impose une exigence durable : améliorer la qualité de l’eau, maintenir des contrôles stricts. Ce n’est pas la baignade qui justifie l’effort — c’est l’effort qui rend la baignade possible. En plein décembre, à moins de 10 degrés, la Coupe de Noël rappelle que cette reconquête n’est pas qu’une promesse estivale ou un héritage olympique. C’est un travail patient, souvent invisible, porté par des gens qui ont persisté quand l’idée semblait absurde. Et peut-être une invitation à regarder autrement ces eaux qu’on croyait perdues.

Informations pratiques : Coupe de Noël Paris 2025 au Bassin de la Villette, à partir de 13h le samedi 20 décembre. Informations et inscriptions ici. 

 

 

Les Ourcq polaires, association de promotion de la baignade hivernale dans les canaux parisiens. DR
Les Ourcq polaires, association de promotion de la baignade hivernale dans les canaux parisiens. DR
Les Ourcq polaires, association de promotion de la baignade hivernale dans les canaux parisiens. DR

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