9 heures. Nous attendons devant le magasin Tang Frères, avenue d’Ivry (13e). C’est ici que Mai nous a donné rendez-vous, à moi et à quelques autres amateurs curieux de la cuisine vietnamienne. Les cours de Mai commencent toujours par une plongée dans le quartier asiatique pour faire les courses avec elle et découvrir ses bons plans.
Après avoir attendu devant chez Tang Frères, nous pénétrons à l’intérieur de cet ancien garage que deux frères chinois du Laos ont loué à la SNCF en 1981. On imagine mal, si on ne le connaît pas, à quel point un supermarché peut être dépaysant. On va au Jardin des Plantes (5e) pour voir les fleurs et les animaux des autres continents ; ici c’est un peu la même chose pour les légumes, les fruits, les champignons et les racines d’Asie.
On commence par les fruits. Mai nous montre et nous explique comment on déguste les mangoustans, les bananes-figues, les longanes, les pommes cannelles et les anones. Cinq fruits méconnus ici. Cinq, c’est aussi le nombre de fruits, nous apprend Mai, qui compose le plateau de fruits d’un anniversaire marquant la mort d’un proche. Car, en Asie, ces anniversaires sont célébrés autant si ce n’est plus que ceux qui marquent la naissance.
Comme beaucoup de Vietnamiens de sa génération, Mai est un trait d’union entre la culture de ses parents et la culture française. Sa famille a fui le Vietnam quand le Nord communiste a gagné la guerre en 1975 et pris possession du Sud. Son premier souvenir : les éclats de lumière des poissons volants qu’elle voyait depuis le bateau qui les a emmenés vers la Malaisie.
De la finance à la cuisine
De Malaisie, ils sont ensuite allés en France, en Bretagne plus précisément, où ses parents ont ouvert un restaurant. Ils avaient prévu qu’elle le reprenne mais elle s’est rebellée. Elle a fait des études, travaillé dans le marketing digital avant de décider que ce qu’elle voulait faire vraiment c’était… la cuisine. « Là, c’est moi qui l’avais choisi ! », revendique-t-elle en riant.
Il n’est même pas 10 heures et il commence déjà à y avoir du monde dans les rayons. La boucherie notamment est très populaire, nous explique Mai. Ils vendent tellement que les prix sont bas. Nous prenons des carcasses de poulet (2 € le kilo) pour faire notre bouillon et du hachis de porc pour farcir nos raviolis. Dans un grand rayon spécialisé en herbes aromatiques fraîches, on fait le plein de coriandre longue et de ciboule thaïe avec lesquelles on cuisinera tout à l’heure.
Mai nous fait ensuite visiter le centre commercial puis nous emmène sur la dalle des Olympiades, entourée par les tours qui disparaissent dans un brouillard épais comme une vapeur de phô, la fameuse soupe vietnamienne au bœuf et aux nouilles. Pas avare de bons plans, Mai nous dévoile les adresses de trois de ses meilleures cantines et celle du « meilleur banh-mi de Paris » (vous aimeriez bien savoir, hein ?). Il y a aussi son restaurant chinois coup de cœur, son meilleur rôtisseur et pourvoyeur de canard laqué ainsi qu’une pâtisserie vietnamienne dont les pâtés chauds sont, dit-elle, à goûter au moins une fois dans sa vie. Nous passons également dans une petite boutique d’ustensiles de cuisine où j’achète de très bons couteaux thaïlandais.
Mai connaît le quartier comme sa poche. Elle y habitait récemment mais a déménagé avec Monsieur Mai (son mari, d’où son nom, Mai Mai) et leurs enfants à Ivry, afin d’avoir plus d’espace pour cuisiner. En trois stations de métro, nous voici donc chez elle. En effet, le plan de travail est grand. Nous avons chacun un tablier, une planche et un couteau (thaïlandais !). Mai nous a préparé des fiches avec les ingrédients et les recettes pour cinq plats mais c’est plutôt elle qui va nous expliquer et nous montrer comment confectionner quatre plats de raviolis : en soupe, vapeur, frits et gyoza.
Origami culinaire
Mai lance le bouillon de poule ; pendant ce temps nous coupons les poireaux, le chou, la ciboule thaïe et la coriandre longue pour la farce qu’on va diviser en deux : d’un côté on ajoutera du hachis de porc, de l’autre du hachis de porc et de crevettes. C’est très agréable de préparer son déjeuner à cinq quand on a de la place, les bons ustensiles et les bonnes directives !
Vient ensuite le moment, ludique mais délicat, de préparer nos raviolis. Mai pose une longue planche au milieu du plan de travail. On va la couvrir d’une bonne cinquantaine de raviolis plus ou moins gâtés par la vie. C’est que le pliage d’un ravioli oriental n’est pas chose aisée. C’est un peu comme faire de l’origami avec une crêpe. Mai nous montre cinq pliages différents. L’atelier se déroule dans la bonne humeur, un peu comme si on préparait de petits cadeaux de Noël.
Mai – elle a décidément bien préparé les choses ! – nous a dressé une belle table avec une très jolie vaisselle pour déguster le fruit de notre travail. Les raviolis se révèlent très différents les uns des autres. C’est d’ailleurs là l’un des grands intérêts de cet atelier. Mon plat préféré : la soupe de raviolis porc-crevette.
Si nos raviolis sont de petites merveilles, cela va sans dire, le bouillon concocté par Mai est superbe : réconfortant et en même temps raffiné avec du gingembre, de la citronnelle, de la coriandre longue, du clou de girofle, de la cardamome, du nuoc nam et de l’huile de sésame. Sésame, régale-toi !
Infos pratiques : visite guidée culinaire du quartier asiatique de Paris (13e) puis cours de cuisine avec la cheffe Mai Mai à Ivry (94) : 80 € par personne. Infos et réservation sur chezmaimai.com
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13 novembre 2024 - Ivry-sur-Seine