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Étoilé sans chichi : quand les grands chefs cassent les codes (et les prix)

Le chef Jacky Ribault anime Qui Plume La Lune

Nappes amidonnées, silence de cathédrale et addition à quatre chiffres : la haute gastronomie traîne une réputation qui intimide. Pourtant, une poignée de chefs prouvent qu'on peut servir l'excellence à moins de 50 €, playlist hip-hop en prime. Notre chroniqueuse food tout terrain Anaïs Lerma a poussé leur porte. Vous reprendrez bien fromage et dessert ?

Au pays du Bibendum, 42 % des Français ont déjà mangé étoilé (Ipsos 2025). Pas mal, quand les menus les plus accessibles des étoilés démarrent à 125 € – et montent sans rougir à 200 € à Paris. À contre-pied, certains chefs signent un véritable tour de force : conjuguer excellence et accessibilité. Leur ambition ? Ouvrir la haute gastronomie à un public plus large, sans la brader : garder l’excellence, bousculer les codes en jouant autant sur le cadre et l’ambiance que sur le prix. Dé-guinder la table étoilée, en somme.

Déguinder l’étoilé avec Tomy Gousset 

Tomy Gousset est l’un d’eux. Chez Tomy & Co, tout commence par le nom. Simple, direct, à mille lieues des appellations pompeuses de la gastronomie tradi. Et pourtant, Tomy Gousset avait le CV parfait pour cocher toutes les cases de l’étoilé guindé : Taillevent, Le Meurice, Daniel Boulud à New York.

C’est justement à New York qu’il comprend que la grande cuisine peut être cool. Qu’elle peut se déguster sans nappes, sans dorures, sans ce ballet de quatre fourchettes devant lesquelles Jack panique dans Titanic – et soyons honnêtes, il n’est clairement pas le seul. Exit la moquette épaisse et le dress code “dalle de La Défense”, exit le silence religieux, les salles figées et le cérémonial intimidant. Place à des lieux qui disent : venez comme vous êtes. Ici, matériaux bruts, art ultra contemporain, grande banquette partagée, ambiance chaleureuse et BO hip-hop accompagnent un menu déjeuner en trois temps à 49 €.

Ce jour-là, je commence par un tartare de saumon écossais surmonté d’une salade de fenouil et de radis rouge, avant d’enchaîner sur un lieu jaune rôti, accompagné de chou pointu et de pomelos, nappé d’un beurre blanc au curry absolument addictif. Le repas se conclut par une pomme caramélisée, glace au fromage blanc et cannelle, posée sur un feuilleté ultra-croustillant.

Midi et soir, Tomy & Co propose également un menu à la carte entrée-plat-dessert à 80 €, ou un menu dégustation en six temps à 110 € – un tarif devenu presque anachronique dans la galaxie des étoilés parisiens. L’occasion de goûter au plat signature du chef : les gnocchis. Ceux qui vous feront définitivement oublier les pâles versions à poêler. Déclinés par le chef au fil des saisons, ils sont ce jour-là frits, servis sur un mijoté de bœuf effiloché à se damner, avec chips de topinambour, purée d’ail noir et cerfeuil. Le plat parfait pour résumer la devise de Tomy Gousset : simplicité et sophistication.

Infos pratiques : Tomy & Co 22 Rue Surcouf, 75007 Paris – M°Tour Maubourg (L8)

Tomy & Co, l’étoilé de Tommy gousset

Autre rive, même devise : “Tout le monde a le droit de bien manger”

Jacky Ribault, chef à la tête de l’étoilé Qui Plume La Lune (Paris 11ᵉ), de l’Ours, seul étoilé du Val-de-Marne, et des Mérovingiens à Noisy-le-Grand, est animé par la même volonté. Dans son bistrot les Mérovingiens, il dit se sentir plus utile à œuvrer pour les habitants que pour les seuls habitués de la gastronomie étoilée. La formule entrée-plat-dessert y est proposée à 25 €. Une marge quasi inexistante, assumée, pour défendre une conviction simple et radicale : « tout le monde a le droit de bien manger ».

Même à Paris, dans son restaurant étoilé Qui Plume La Lune, le chef maintient cette vision avec un menu déjeuner à 45 €. Ici, ce qui marque d’emblée, ce sont les portions généreuses. Dans bien des restaurants étoilés, les assiettes impressionnent par leur taille… et désarment par la minceur de leur contenu. Ici, on mange vraiment. Le menu Théodore à 45 € débute par une farandole d’amuses-bouche : œuf coque, crème de champignons et petite mauricettes pour saucer (et non, ce n’est toujours pas tromper), tartelette au vieux parmesan, feuille d’huître et gel au vinaigre de cerise Sakura. On entre dans le vif du sujet avec un risotto de riz noir au mascarpone, échalotes et noix de Saint-Jacques de Normandie délicatement poêlées, relevées d’un lait de coco à la citronnelle suivi d’une volaille jaune du Sud-Ouest et de sa poêlée de girolles et pleurotes. On conclut en douceur avec des mignardises à la hauteur : cookie au chocolat, tartelette à la mangue et chocolat maison.

 Infos pratiques : Qui Plume la Lune – 50 Rue Amelot, 75011 Paris – M°Chemin Vert (L8)

Qui plume la lune, le restaurant de Jacky Ribault

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