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Elle fait du livre de recettes de sa mère un restaurant algérien

Hanane Tancrède-Abdelli a ouvert Mama Nissa à Paris pour faire découvrir la gastronomie algérienne / © Joséphine Lebard pour Enlarge your Paris
Hanane Tancrède-Abdelli a ouvert Mama Nissa à Paris pour faire découvrir la gastronomie algérienne / © Joséphine Lebard pour Enlarge your Paris

Alors que la communauté musulmane s'apprête à fêter l'Aïd, Enlarge Your Paris est allé rendre visite à Hanane Tancrède-Abdelli, fondatrice de Mama Nissa, cantine au coeur de Paris qui célèbre la gastronomie algérienne. Une cuisine moins connue que ses voisines tunisienne ou marocaine mais qui recèle pourtant de nombreuses richesses.

À l’occasion de ses 10 ans, Enlarge your Paris publie jusqu’à la fin de l’année une série « Portraits de Grand-Parisiens », qui sont une source d’inspiration et la raison d’être de notre média local.

Le livre n’a même plus de tranche. On se demande comment ses pages ne s’égayent pas aux quatre vents… En les tournant, il est facile de voir celles qui ont été le plus souvent consultées. Des petites taches mouchettent le papier, un indice évident qui évoque l’ouvrage utilisé dans la cuisine et qui écope, au passage, de quelques résidus de la préparation en cours. Quant aux photographies qui l’illustrent, elles fleurent bon les années 70 avec ses teintes sépia. Le livre en question a été donné à Hanane Tancrède-Abdelli par sa mère, Anissa. Cette dernière l’avait reçu en cadeau de mariage et l’a apporté quand toute la famille a quitté l’Algérie pour la France au milieu des années 80.

Près de 35 ans plus tard, Anissa réunit toujours son clan autour de sa cuisine le week-end. « Mes enfants ont un papa breton, raconte Hanane. Leur lien avec l’Algérie, c’est à travers les plats qu’ils aiment» Justement, un jour, Anissa glisse à Hanane : « Ce serait bien que tu apprennes à faire ces plats. Parce que je ne serai pas toujours là… » Et de remonter le fameux livre de recettes du sous-sol pour le donner à sa fille. Mais Hanane va même plus loin : au lieu de cantonner les plats à la cuisine familiale, elle décide d’ouvrir une cantine célébrant la gastronomie de son enfance. Pour ce faire, elle part se former à l’école Ferrandi (6e) et ouvre, quelque temps plus tard, Mama Nissa (clin d’œil au prénom de sa mère), dans une artère paisible adjacente à la fourmillante rue Montorgueil (2e). « Je voulais être dans un quartier accessible à tous, casser les codes », raconte-t-elle.

Une cuisine pas toujours très visible

Il est vrai qu’en région parisienne la cuisine algérienne n’est pas toujours très visible. « Les restaurants vont s’appeler L’Oasis ou Le Touareg, évoque Hanane, mais ils affichent rarement « restaurant algérien » sur leur devanture» Pourquoi ce manque de visibilité alors que, en France, la diaspora algérienne regrouperait environ 2,6 millions de personnes ? « D’abord parce qu’il n’y a pas de tourisme en Algérie, analyse Hanane. Ensuite parce qu’entre les deux pays l’histoire est complexe… » Chez Mama Nissa – où on peut souvent trouver Anissa en cuisine –, Hanane s’attache à faire découvrir la richesse du répertoire gastronomique algérien. « Le pays est composé de régions fortes, marquées par des climats et des influences culturelles différents, s’enthousiasme-t-elle. À l’ouest, on ressentira davantage l’influence espagnole. À Alger, celle de l’ancien empire ottoman. Tandis qu’en Kabylie on trouvera une cuisine plus végétale. »

C’est d’ailleurs un autre combat d’Hanane : montrer que la cuisine algérienne est saine. Elle est un peu lassée de voir la gastronomie du Maghreb assimilée au diabète et au cholestérol. « Dans les restaurants, on sert souvent aux clients des plats de fête. Mais, au quotidien, la cuisine est plus simple.  Et d’évoquer son couscous kabyle à l’orge – « donc à l’indice glycémique plus bas que le blé » – et aux cinq légumes de saison. « On a beaucoup de spécialités végétariennes et même véganes », explique-t-elle. Parmi ses plats fétiches, elle énumère d’ailleurs le tajine aux cardons à l’automne, ou, au printemps, le couscous Misfouf aux fèves et aux petits pois. Quant à ses pâtisseries, elle les élabore avec 25 % de sucre en moins par rapport aux recettes traditionnelles.

Cornes de gazelles, zlabiyas et baklavas ornent d’ailleurs le comptoir de sa cantine. « Forcément, en ce moment, on revisite le répertoire gastronomique du Ramadan» La fameuse soupe chorba est donc proposée, tout comme les cocas, « des chaussons avec la même garniture que les boreks sauf que c’est de la pâte brisée et non pas de la friture, donc plus léger ». En dessert, on retrouve cette merveille qu’est le tajine Lahlou, des pruneaux, des amandes et des abricots confits dans le miel et l’anis étoilé. Pour l’Aïd, Hanane a sondé sa clientèle : ce sera la rechta. Une spécialité algéroise faite de pâtes fraîches cuites à la vapeur avec un poulet fermier accompagné d’un bouillon blanc parfumé à la cannelle. Cette année, l’Aïd a lieu ce vendredi 21 avril au soir. Une bonne occasion de se rendre chez Mama Nissa pour découvrir toutes les saveurs – encore trop confidentielles – de l’Algérie.

Infos pratiques : Mama Nissa, 14, rue Mandar, Paris (2e). Ouvert du lundi au samedi de midi à 22 h 30. Accès : métro Sentier (ligne 3) ou Étienne Marcel (ligne 4). Plus d’infos sur mamanissa.fr

Le livre de cuisine qu'a reçu Hanane Tancrède-Abdelli de sa mère / © Joséphine Lebard pour Enlarge your Paris
Le livre de cuisine que Hanane Tancrède-Abdelli a reçu de sa mère / © Joséphine Lebard pour Enlarge your Paris

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