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Une ville éphémère pour penser l’architecture durable

La friche Miko à Bobigny gérée par Bellastock / © Alexis Leclercq Photographie
La friche Miko à Bobigny gérée par Bellastock / © Alexis Leclercq Photographie

Du 13 au 16 juillet, l’Île-Saint-Denis va se peupler de plus de 500 jeunes architectes, designers, artistes et urbanistes, réunis pour construire une ville éphémère entièrement en terre, et qui sera ouverte au public le temps d'une journée le 15. Une initiative du collectif Bellastock qui en est déjà à la douzième édition de son festival d'architecture expérimentale. Rencontre avec Antoine Aubinais, l'un des co-fondateurs.

 

Pourquoi avoir créé Bellastock ?

Antoine Aubinais : Bellastock est né en 2006, sur les bancs de l’école d’architecture de Belleville. Avec deux amis nous souhaitions rapidement mettre nos connaissances en pratique, et c’est ainsi qu’a émergé l’idée d’un festival de construction éphémère. Depuis, nous construisons chaque été une petite ville à l’aide d’un matériau unique sélectionné au préalable. Le principe est d’être capable de réaliser son habitat dès le jour 1 afin d’y vivre pendant les trois autres jours que dure la manifestation. Vient ensuite le temps d’édifier des espaces communs et de débattre du matériau choisi et de la fabrication contemporaine de nos villes. Nous souhaitons sensibiliser les jeunes architectes à la multiplicité des ressources qui s’offrent à eux. Le festival leur permet de tester les matériaux directement sur le terrain, d’explorer des pistes de réflexion peu enseignées à l’école. Il est précédé d’un cycle de conférences en amont. Par ailleurs, notre équipe teste au préalable les possibilités du matériau choisi. 

Cette année, le festival s’intitule “La ville des terres”. Pourquoi avoir choisi la terre comme matériau ?

Car c’est une matière pauvre dont on a tendance à oublier les grandes qualités et qui est souvent associée aux pays sous-développés. Sa place dans les projets de construction actuels est minime car on est dans la course permanente. Bien sûr que couler du béton c’est plus rapide mais en termes de durabilité et de bilan carbone, ce n’est pas comparable avec l’utilisation de la terre. Le chantier du Grand Paris va générer 43 millions de tonnes de terre par an. Afin de tirer profit de toute cette matière première, nous nous sommes rapprochés de CRAterre, le laboratoire français spécialiste de la construction en terre, affilié à l’école d’architecture de Grenoble. Avec eux, nous avons élaboré le projet de l’Usine Mobile : un dispositif permettant de transformer les déblais des chantiers en matériaux en terre crue. Notre volonté commune est de créer une économie locale. Là par exemple, pour créer les 20.000 blocs de terre comprimée nécessaires au montage de notre ville éphémère, ce sont quatre personnes en réinsertion de l’association dionysienne Halage qui ont géré l’Usine.

Un mot sur l’ActLab, votre QG sur l’Île-Saint-Denis et où se situe le festival cette année ?

L’ActLab est notre laboratoire-manifeste du réemploi de matériaux. Il est né en mai 2016, suite à la déconstruction des 60.000 m² de hangars du Printemps sur l’Île Saint-Denis. Nous voulions réemployer des éléments des hangars pour les offrir aux constructeurs de l’éco-quartier qui allait émerger à sa place, et par la même occasion s’installer un lieu où tester nos projets. C’était la première fois en France qu’un groupe d’architectes proposait des outils afin de penser la construction à partir de la déconstruction. Au final, la terre s’est avérée polluée au plomb et aux hydrocarbures et nous n’avons pas pu la réutiliser. Nous nous sommes rabattus sur des terres saines de l’entreprise YPREMA, non valorisées jusqu’alors.

L'ActLab sur l'Île-Saint-Denis / © Bellastock
L’ActLab sur l’Île-Saint-Denis / © Bellastock

 

Samedi 15 juillet, le festival sera ouvert au grand public. Que pourra-t-on voir ?

A partir de 14h, les visiteurs découvriront la ville construite en deux jours par les 500 participants du festival. A travers une série d’ateliers animés par des spécialistes du sujet, nous allons exposer la terre sous tous ses états. Le public pourra assister à une table ronde sur le processus de fabrication collective de la ville, avec Michel Bourgain (élu de Plaine Commune à l’écologie urbaine), Patrick Bouchain (agence Construire), Julie Benoit (Bellastock) et Hugo Gasnier (CRAterre-ENSAG). Nous ferons aussi des visites de l’ActLab et de l’Usine Mobile afin de présenter nos solutions concernant le réemploi. A 18h, Osons causer ! réunit sa communauté pour deux heures de débat sur l’actualité. Pour clôturer la journée en beauté, les plus fêtards sont conviés jusqu’à 5h du matin pour “La Nuit DTR”, orchestrée par les petites mains du collectif Hydropathes.

Comment entendez-vous accompagner les chantiers du Grand Paris ?

Début 2017, la Société du Grand Paris (SGP) a lancé un concours d’innovations autour de la gestion des déchets de chantiers : “Le Grand Paris des déblais”.  Nous n’avons malheureusement pas été retenus mais nous sommes quand même allés chercher des partenaire afin que le projet d’Usine mobile voit le jour. Avec CRAterre, on espère se positionner comme des acteurs majeurs du réemploi des déblais issus des chantiers. Bientôt, la SGP et Paris Habitat vont venir voir le dispositif. Grâce à l’envergure considérable du projet du Grand Paris, nous avons une belle carte à jouer !

 

Infos pratiques : “La Ville des terres”, 12ème édition du festival Bellastock. Du 13 au 16 juillet. Actlab, 9 Quai Châtelier, L’Île-Saint-Denis (93). Ouverture au public le samedi 15 juillet. Entrée libre. Plus d’infos sur la Facebook

 

Festival Bellastock en 2014 / © Bellastock
Festival Bellastock en 2014 / © Bellastock