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Une association de chiffonniers du 93 crée une banque alimentaire

Distribution de nourriture dans les locaux de l'association Amelior / DR
Distribution de nourriture dans les locaux de l’association Amelior / DR

Face aux difficultés des plus précaires pour se nourrir en raison du confinement, l'association Amelior, qui regroupe 500 biffins roms à Paris et en banlieue, a créé un réseau de récupération d'invendus alimentaires et lancé une cagnotte de soutien. Nous avons échangé avec Samuel Le Coeur, directeur de l'association.

Une initiative soutenue par Enlarge your Paris dans le cadre de la RTE (responsabilité territoriale des entreprises)

Depuis plusieurs jours avec l’association des chiffonniers Amélior, vous assurez des distributions de nourriture en faveur de vos adhérents mais aussi à destination des habitants des quartiers populaires, où la faim se fait sentir avec le confinement…

Samuel Le Coeur : En temps ordinaire, les biffins et les ferrailleurs vivent en situation de précarité, mais pas au point de manquer d’argent pour se nourrir. Depuis le début du confinement, ils ne peuvent plus travailler, et comme ils n’ont pas de droits sociaux pour certains, leur situation est vite devenue catastrophique. Avec notre association, nous avons donc rapidement monté un système de collecte d’invendus que nous avons redistribués aux familles des adhérents d’Amelior de Montreuil et Bagnolet (Seine-Saint-Denis). Assez vite, d’autres associations d’accompagnement sociales de la région parisienne nous ont demandé de l’aide pour intervenir dans d’autres camps, des bidonvilles, des quartiers populaires et des foyers. Ensemble, chaque jour, nous distribuons entre 700 et 1500 repas.

D’où vient toute cette nourriture ?

Au début, on récupérait les invendus de boulangeries et d’AMAP (Associations pour le maintien d’une agriculture payasnne). Et puis Patrick Garrigues, l’un des responsable de l’association anti-gaspi Disco Soupe, est venu nous épauler. Grâce à lui, nous avons pu aller démarcher les intermédiaires qui travaillent avec les grossistes à Rungis (Val-de-Marne) et ailleurs. En cinq semaines, nous avons collecté environ quarante tonnes de produits frais. Des habitants ont aussi diffusé dans leurs immeubles et leurs quartiers des appels aux dons de produits pour les bébés et de produits d’hygiène qu’on a collectés ensuite en faisant du porte à porte.

Distribution de nourriture dans les locaux de l'association Amelior / DR
Distribution de nourriture dans les locaux de l’association Amelior / DR

Quel regard portez-vous sur toutes les initiatives solidaires qui sont en train d’émerger de manière spontanée ?

C’est dans ces moments de crise, où certains pouvoirs publics sont dépassés, que la solidarité et l’efficacité des habitants, des services sociaux, des collectifs et des associations, est vitale. Tous ensemble, nous créons un maillage incroyable de compétences. Nous collectons chaque jour des centaines de paniers repas auprès de la Protection Civile de Paris et des services départementaux de la Seine-Saint-Denis. Les Restaurants du Cœur nous ont fait des dons en nourriture, la Fondation Abbé Pierre nous épaule jusqu’à la fin du confinement et le Centre d’action sociale de Bagnolet nous a donné du riz. De notre côté, nous avons pu nous approvisionner Récolte Urbaine,  le Secours catholique de Paris, le Secours populaire français de Paris, Emmaüs, les Brigades de solidarité populaire, la Chorba, les bénévoles de Solidarité migrants Wilson… C’est la solidarité en action !

Combien de temps les habitants des bidonvilles tiendront-ils ?

Au début du confinement, à cause justement de la peur de manquer de nourriture, de nombreux habitants des campements sont repartis en Roumanie, où ils sont désormais retenus en raison du rétablissement des frontières en Europe. Dans les campements et les squats, l’accès à l’eau est primordial. Certains lieux de vies ont heureusement été raccordés à la demande des associations, mais tous ne le sont pas encore. Les biffins et les ferrailleurs ont hâte de pouvoir reprendre leurs activités de collecte, de tri et de recyclage puis de revente sur les vide-greniers.

Une fois le confinement passé, quel rôle voyez-vous pour les biffins dans une société plus solidaire et écologique ?

Mille ans d’histoire de Paris le prouvent : les chiffonniers ont un rôle essentiel pour revaloriser les déchets urbains. Hélas, encore aujourd’hui, notre contribution à l’économie circulaire, à la lutte contre le gaspillage, à la création d’emplois, n’est toujours pas reconnue à sa juste valeur par les autorités et les biffins font l’objet d’une vraie répression sur la voie publique. Il n’y a pourtant pas de politique zéro déchet réaliste sans les ferrailleurs et les recycleurs. Il faut que le regard des autorités change ! Nous savons faire des collectes sélectives d’encombrants, d’invendus, d’objets et de vêtements inutilisés puis organiser des marchés aux puces sur l’espace public, comme à Montreuil. Et nous sommes en train de construire un centre de tri, de réemploi et de recyclage à Bobigny (Seine-Saint-Denis) avec le soutien du Syctom, l’agence de retraitement des déchets . Il ouvrira d’ici quelques semaines.

Pour soutenir l’action d‘Amelior, vous pouvez participer à la cagnotte en ligne sur HelloAsso

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