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Trop cher Grand Paris, je t’aime mais je te quitte

Mobilisation des habitants de la place Sainte-Marthe à Paris (10e) contre la spéculation immobilière dans le quartier / © Steve Stillman pour Enlarge your Paris
Mobilisation des habitants du quartier la place Sainte-Marthe à Paris (10e) contre la spéculation immobilière dans le quartier en 2020 / © Steve Stillman pour Enlarge your Paris

Après 20 ans passés en location à Paris puis à Châtillon, Nathalie Duquenne, commerciale, a déménagé avec sa famille dans les Yvelines en 2020. Un choix qui lui laisse le sentiment amer d'avoir été prise au piège de la spéculation immobilière à Paris et en petite couronne témoigne cette lectrice d'Enlarge your Paris.

Nathalie Duquenne, Grand-Parisienne, ancienne habitante de Châtillon (Hauts-de-Seine) aujourd’hui dans les Yvelines

Trop cher Grand Paris,

Cela fait déjà quelques années que le torchon brûle entre nous. Aujourd’hui, il faut bien se rendre à l’évidence. Nous ne sommes plus faits pour vivre ensemble. Alors comme le dit Verlaine au vent mauvais, je suis venu te dire que je m’en vais. Pendant longtemps, j’ai entretenu l’illusion, pensant que je pourrai suivre ton train de vie. Las, tu es devenu bien trop vénal pour moi. Tu lorgnes de moins en moins discrètement sur ceux qui peuvent t’acheter des mètres carrés à des prix qui me sont hors de portée, sauf à renoncer à tout le reste. Certes je t’aime, mais pas au point de me priver de vivre.

Ta cupidité t’a détourné de moi. Pendant longtemps, j’ai vécu à crédit à tes côtés. Constatant les prix des locations s’envoler, j’ai voulu passer à l’étape d’après et m’engager sur 25 ans avec toi, pour le meilleur et pour le pire. Seulement voilà, la dot s’est révélée nettement au-dessus de mes moyens. A Châtillon, ville où j’habitais avec ma famille, il nous aurait fallu débourser entre 380.000€ et 600.000 € pour un 80 m2 avec toi. Impensable. Et injuste aussi.

Parce que nous n’avons pas misé sur toi il y a 20 ans, nous voici comme au Monopoly obligés de payer notre toit le prix d’un hôtel rue de la paix. Est-ce ça le logement ? Un tapis de jeu où l’on spécule dans l’espoir de gagner au poker des prix du mètre carré ? N’est-ce pas avant tout un droit fondamental au même titre que la santé ou l’éducation ? Le premier confinement du printemps dernier aura été un révélateur avec des personnels soignants déjà éreintés par la crise sanitaire obligés de passer des heures chaque jour dans les transports. Leur tort ? Ne pas avoir les moyens d’habiter près de leur travail.

Ta sélectivité, cher Grand Paris, risque bien de te faire davantage ressembler à un carré VIP qu’à une ville si tu n’y prends pas garde. Bien sûr je n’ai pas de solution miracle à te proposer. Mais, peut-être cela vaudrait-il la peine que l’on s’en parle prochainement. Car certes tu es cher mais tu me restes cher.

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