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Reporters sans frontières fête ses 40 ans à la Gaîté Lyrique : « Il faut retisser du lien entre les citoyens et les médias »

Le foyer historique de la Gaîté Lyrique. DR

La crise de la quarantaine existe-t-elle pour une institution ? Le 15 novembre, Reporters sans frontières fête ses 40 ans à la Gaîté Lyrique et ouvre ses portes au public pour une journée gratuite consacrée à la liberté de la presse. Au programme : tables rondes, ateliers, projections en avant-première, et la remise de prix à 29 journalistes du monde entier. Thibaut Bruttin, directeur général de RSF, revient sur les enjeux de cette édition anniversaire et sur un combat qui devient chaque jour plus essentiel face aux dérives de l’information en ligne.

Pouvez-vous nous présenter Reporters sans frontières et ses missions ?

Thibaut Bruttin : RSF, c’est la principale ONG internationale de défense du journalisme libre, indépendant et honnête. Nous agissons à travers 15 bureaux dans le monde, et notre travail repose à la fois sur la création d’un classement mondial de la liberté de la presse, l’organisation de plaidoyers auprès des institutions et des médias, et le soutien direct aux journalistes sur le terrain, par exemple dans la distribution de gilets pare-balles à des reporters en Ukraine. Nous œuvrons aussi à transmettre la culture du journalisme aux nouvelles générations et à promouvoir une information fiable, condition essentielle de la démocratie.

Il y a un vrai discrédit des journalistes, qui se voit par exemple aux États-Unis où le contenu des influenceurs et des partis politiques prend le dessus sur l’information journalistique. Nous traversons une période où le journalisme fait face à plusieurs crises : économique, avec la précarisation du métier ; politique, avec une parole des dirigeants de plus en plus décomplexée à l’égard des journalistes ; et technologique, avec la confusion entre information et contenu sur les réseaux sociaux.

Que retenir de ces 40 années d’existence de RSF ?

Jamais nous n’avons autant eu besoin des journalistes qu’aujourd’hui. Ils sont la condition même de notre capacité collective à accéder aux faits pour garder notre capacité à dialoguer. Nous avons besoin de bases communes pour débattre et cette base est permise grâce aux journalistes. Or ceux-ci sont passés de témoins privilégiés à cibles, puis aujourd’hui à victimes lors des conflits. Il y a un vrai discrédit des journalistes, qui se voit par exemple aux États-Unis où le contenu des influenceurs et des partis politiques prend le dessus sur l’information journalistique. Nous traversons une période où le journalisme fait face à plusieurs crises : économique, avec la précarisation du métier ; politique, avec une parole des dirigeants de plus en plus décomplexée à l’égard des journalistes ; et technologique, avec la confusion entre information et contenu sur les réseaux sociaux. Tout cela alimente un chaos informationnel qui fragilise le débat. Il faut retisser du lien entre les citoyens et les médias, montrer que défendre la liberté de la presse, ce n’est pas protéger une profession, mais garantir à chacun le droit à une information fiable. C’est exactement ce que nous voulons montrer le 15 novembre.

Merci pour cette transition… Justement, que pourra-t-on faire à la Gaîté Lyrique ces jours-là ?

Ce festival sera avant tout un espace de dialogue entre journalistes et citoyens. Il y aura des rencontres avec des figures du journalisme comme Fabrice Arfi, des débats sur le photojournalisme, sur la place des femmes dans les médias ou encore sur les nouveaux formats d’information. Nous proposerons aussi des projections, notamment Inside Gaza – un documentaire d’Arte qui balaie les clichés selon lesquels les journalistes palestiniens seraient des militants du Hamas –, des ateliers participatifs dont une activité pour envoyer des cartes postales de soutien à des journalistes emprisonnés dans le monde, une exposition de photos et même des animations pour enfants. Évidemment, la journée se terminera par la remise du prix RSF qui récompense chaque année des journalistes, des photographes et des médias du monde entier. Et puis le soir, place à la fête ! Célébrer 40 ans de combat, c’est aussi affirmer notre espoir dans le journalisme de demain, que l’on pourra célébrer avec un concert de Voyou et un DJ set de Flore Benguigui.

Comment soutenir RSF au quotidien ?

Déjà en s’informant régulièrement sur notre site rsf.org. Ensuite, en devenant adhérent à la plateforme, en faisant des dons et en nous suivant sur nos réseaux dont Instagram. On a besoin de soutiens et il faut que les citoyens prennent leur part dans cette bataille. Le festival du 15 novembre offre un espace ouvert à tous, justement, car le journalisme appartient à tout le monde. Le cinéma n’est pas qu’une affaire de réalisateurs. Il en va de même pour notre métier, qui doit être le plus inclusif possible.

Infos pratiques : Festival « Reporters sans frontières » à la Gaîté Lyrique, 3 bis, rue Papin (3e). Le 15 novembre à partir de 11 h. Entrée libre la journée, 15 € pour la soirée. Plus d’infos sur rsf.org et sur gaite-lyrique.net