Société
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Quelques considérations pour desserrer le frein à la pratique du vélo

S'il est celui dont tout le monde parle dans le cadre du déconfinement, le vélo continue de susciter des craintes s'agissant de sa pratique en ville. Spécialiste du sujet au sein de l'Institut Paris Region, Dominique Riou s'est livré à un inventaire des idées reçues.

Cyclistes à Paris / © Agat-a (Creative Commons - Flickr)
Cyclistes à Paris / © Agat-a (Creative Commons – Flickr)

Dominique Riou, ingénieur et chargé d’études au département Mobilité Transport de l’Institut Paris Region

Le vélo se réaffirme progressivement depuis plusieurs années comme une solution de transport à part entière. Dans de nombreuses grandes villes françaises, il commence à peser significativement. Pour autant au global, il reste encore émergent dans la mobilité urbaine représentant parfois au mieux une simple opportunité.

La sortie de confinement change la donne. La remise en route à plein régime des transports collectifs s’avère difficile pour des raisons sanitaires et peut entraîner un recours massif à la voiture individuelle avec des conséquences désastreuses sur la congestion, la qualité de l’air et donc la santé. Dans ce contexte, le vélo n’est plus une simple possibilité mais devient une évidence.

Cette évidence est bien prise en compte par de très nombreux collectivités qui ont mis en place des aménagements provisoires pour permettre un meilleur partage de la rue entre modes actifs (piétons et cyclistes) et modes motorisés. Dans ce mouvement les cyclistes vont pouvoir bénéficier de parcours sécurisés et confortables permettant de garder ces distances avec les autres usagers. D’ailleurs, il faut rappeler que faire du vélo en ville n’est pas une activité sportive comme l’est le footing. Il ne demande pas  d’effort respiratoire important et la distanciation à respecter est donc la même que pour les autres activités.

Mais se mettre au vélo reste pour beaucoup un problème en soi, avec une pratique parfois au mieux cantonnée à quelques balades dominicales. Alors comment aider chacun à franchir le pas, comment rompre avec certains préjugés qui freinent encore son usage ? Voici des éléments de réponse :

« Le vélo c’est dangereux » : Faux ! (ce qui n’empêche pas de rester prudent)

Faire du vélo en ville n’est pas sans risque, comme tout déplacement sur l’espace public de voirie, mais ce n’est pas non plus particulièrement, voire anormalement, dangereux contrairement à l’image dont pâtit encore ce mode de transport. Il est bien moins dangereux de circuler à vélo qu’à deux-roues motorisés (pourtant ils sont souvent confondus sur ce sujet). Les deux-roues motorisés, c’est 1% de la mobilité en Île-de-France et 30% des tués en 2017 sur les routes franciliennes. Le vélo c’est 2% de part modale et 5% des tués, soit 6 fois moins pour 2 fois plus de déplacements.

Plus les cyclistes sont nombreux, moins c’est dangereux dans la circulation. Les études ont montré que le risque qu’une personne à vélo soit accidentée par un automobiliste varie inversement avec la quantité de cyclistes en circulation. Le risque, et particulièrement la mortalité, peut encore diminuer grâce à la prévention. Améliorer les conditions de sécurité routière concerne aussi bien les cyclistes que les autres usagers. Il faut apprendre à gérer les bonnes distances, à faire attention en ouvrant sa portière, à connaître et respecter les panneaux et marquages dédiés aux cyclistes ( comme l’autorisation de passer à certains feux rouges).

La sécurité et le confort des cyclistes en ville tient beaucoup à la qualité des aménagements cyclables et à l’apaisement en ville de la circulation générale. L’arsenal de mesures en faveur de la circulation à vélo est important et est aujourd’hui de plus en plus maitrisé par les gestionnaires de voirie. Les aménagements provisoires sont même, en période de post Covid, à l’ordre du jour. Les aménagements ne s’arrêtent pas à la traditionnelle piste cyclable, ils comprennent bien d’autres outils de partage de la voirie : bande cyclable, voie centrale banalisée, marquage directionnel. Mais c’est aussi une réduction globale des vitesses autorisées en ville qui permet une réduction de l’accidentalité et de la gravité des accidents de tous, des cyclistes mais aussi des piétons comme des deux-roues motorisés.

« Tout le monde ne peut pas en faire » : Certes, mais beaucoup le peuvent !

N’importe quelle ville du Nord de l’Europe vous fera la démonstration que des personnes âgées, des femmes enceintes et des petits bouts de chou circulent quotidiennement à vélo et semblent en pleine forme. Autant de personnes en France dont ont dit qu’elles ne peuvent pas faire du vélo ! C’est la pratique de l’activité physique qui maintient en bonne santé et permet de bien vieillir ! Il ne s’agit pas de dire que tout le monde doit faire du vélo mais rappelons que 2/3 des déplacements des Franciliens font moins de 3 km (et seulement 14% des déplacements font plus de 10 km d’après l’enquête globale transport 2018).

Surtout, regardez autour de vous qui sont les conducteurs seuls dans leurs voitures. Pour la plupart, il s’agit de personnes en âge de faire du vélo, et dont certaines payent des abonnements en clubs de gym pour aller pédaler ! Plus la ville sera apaisée plus les conditions seront réunies pour que chacun s’y déplace à son rythme en toute sécurité.
Plutôt que d’aller en salle de gym (et par les temps qui courent, la distanciation va vous en éloigner encore un moment ) achetez un vélo pour vous déplacer au quotidien, vous ferez du bien à tout le monde.

Et d’abord, « faire du vélo c’est que du bonheur ! », pour soi, pour la ville et pour la planète

L’Organisation mondiale de la Santé préconise un minimum de 30 mn d’activité physique au quotidien (indépendamment de toutes activités sportives) pour améliorer sa santé, ses défenses immunitaires, lutter contre le surpoids et les problèmes cardiovasculaire. Se déplacer à pied ou à vélo répond à cette recommandation. A vélo on est moins soumis à la pollution que dans une voiture ou dans les transports souterrains, car à l’air libre. Une étude globale bénéfices/risques de l’Observatoire régional de santé Île-de-France a montré un avantage très net d’une augmentation de la pratique du vélo chez les Franciliens tous risques confondus.

Mode alternatif, le vélo contribue à diminuer la congestion dans les transports collectifs et sur la route. A emprise de chaussée égale, sa capacité de transport est bien supérieure à celle de la voiture. Une file voiture en ville a un débit maximum de 800 véhicules par heure. La même file pour les vélos peut potentiellement faire passer bien plus de vélos et donc de cyclistes.

Le vélo contribue en outre à l’apaisement de la ville et à la qualité de vie de tous ses habitants car peu agressif (accident, pollution, bruit). C’est un mode de transport de proximité qui, comme la marche, est favorable à l’activité locale économique et commerciale. Il est léger et peu encombrant et son infrastructure est économique pour les finances publiques (si on compare avec les sommes allouées aux routes et aux transport en commun)

Le vélo est par excellence une mobilité décarbonée et non polluante, étant non motorisé (ou à peine dans le cas des vélos électriques). C’est le véhicule terrestre présentant le meilleur rapport entre énergie dépensée et distance parcourue.

Essayez, pour juger en toute connaissance et vous serez conquis !

Le vélo est un mode de déplacement individuel hyper efficace, permettant des temps de déplacement de porte à porte raccourcis et fiables en durée. Avec une assistance électrique, il devient concurrentiel à la voiture au sein de la ville dense ainsi qu’à l’échelle de la plupart des bassins de déplacements franciliens. Mine de rien, il peut transporter beaucoup de courses et d’enfants, surtout si c’est un vélo cargo. Il est économique, il ne pèse pas sur le budget des ménages et est accessible au plus grand nombre. Il permet de se déplacer sans voiture vers les secteurs peu ou mal desservis par les transports et ainsi éventuellement de retrouver un emploi.

Avant tout, il faut :

Un bon vélo, adapté à sa taille et à son usage (aller au travail avec le VTT du petit n’est pas pratique) ;

Un bon antivol, voire plusieurs. La FUB (Fédération française des usages de la bicyclette) et les associations cyclistes proposent régulièrement des tests ;

Un bon casque, il n’est pas obligatoire mais il peut protéger et aider à se sentir à l’aise ;

Des gants sont aussi une bonne protection ;

Un bon stationnement, si possible dans un espace privé, ou dans la rue mais correctement attaché à un point fixe par un cadenas haut de gamme ;

Un bon réparateur ou un atelier participatif à proximité pour les petites réparations ;

Un masque tout en sachant que le vélo en ville ne demande pas d’effort sportif et que le cycliste urbain n’expectore pas plus qu’un autre usager.

Alors pensez-y : en sortie de confinement, faire du vélo pour retourner au travail devient un geste civique !

Lire aussi : Repérez vos itinéraires vélo avec la carte des pistes cyclables temporaires