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Quand les Archives nationales invitent les jeunes du 93 à plonger dans leurs origines

Les Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine ont mené un projet d’éducation artistique et culturelle avec des élèves  du lycée Paul-Éluard à Saint-Denis pour leur permettre de plonger dans leurs racines / © Archives Nationales
Les Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine ont mené un projet d’éducation artistique et culturelle avec des élèves du lycée Paul-Éluard à Saint-Denis pour leur permettre de plonger dans leurs racines / © Anna Rouker

Du Bangladesh au Mali en passant par l'ex-Yougoslavie et l'Algérie, des élèves du 93 ont été invités par les Archives nationales à se plonger dans leur histoire familiale pour en partager les récits. Enlarge your Paris est allé à leur rencontre.

« Regarde comment j’étais ! Bien gros à l’ancienne ! », hoquette le jeune garçon. Il observe la photo de lui, posant dans un habit traditionnel d’Asie du Sud-Est, affichée sur les grilles des Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine (Seine-Saint-Denis) dans le cadre de l’exposition « Archivez-moi ! » jusqu’au 30 juin. Certes, entre le cliché et la réalité, les joues poupines ont fondu, signe que les rivages de l’adolescence ont été abordés. Pour le reste, le constat est exagéré. Et puis une bonne année a passé depuis que les élèves de cette classe de seconde du lycée Paul-Éluard de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) ont participé à ce projet sous la houlette de la photographe Anna Rouker, de l’écrivaine Françoise Henry, de la responsable du service éducatif aux Archives Annick Pegeon et de leurs profs parmi lesquels Camille Taillefer, professeure d’histoire-géographie.

Afin de les sensibiliser au travail d’archiviste, à la recherche documentaire et à l’enquête, il leur a ainsi été demandé de choisir un objet de leur histoire familiale qu’ils ont mis en scène en posant devant l’objectif d’Anna Rouker. Ils ont également rédigé un texte dans lequel ils s’expriment en se mettant à la place de l’objet. « Accéder à la totalité de leur histoire leur permet d’accéder à une citoyenneté consciente et active », explique Camille Taillefer.

« Le projet nous a fait partir plus loin qu’on l’aurait cru »

Inès a choisi la photo de la maison de ses grands-parents en Grande Kabylie. « Quand mes parents sont arrivés en France, ils ont rangé la photo dans une boîte et ne l’ont plus jamais ressortie. » Diana, elle, a opté pour une cuillère en courge du Mali. « Cet objet était un peu oublié chez moi. Je suis contente de le faire revivre, raconte-t-elle. D’autant qu’il y a plein d’histoires autour. Par exemple, ma mère m’a raconté que, si tu bois avec, alors tu auras bon cœur. » Quant à Danijela, elle a souhaité partager le carnet qu’a tenu son père lors de son service militaire en Yougoslavie, à la fin des années 80, rempli de dessins et de chansons. « Il aurait aimé que je choisisse cet objet », murmure-t-elle, émue. Comme le souligne Lydia, une des participantes : « Le projet nous a fait partir plus loin qu’on l’aurait cru. Cela a fait remonter des souvenirs dans nos familles. »

Sur les grilles des Archives nationales, on croise donc aussi bien un bracelet sénégalais en argent qu’on se transmet dans la famille d’Aboubakry depuis cinq générations que la tenue traditionnelle de Sabed, elle aussi transmise de père en fils. « C’est un vêtement qui a traversé la guerre d’indépendance du Bangladesh ! », s’exclame-t-il. Certains objets parlent aussi de ce que ces ados ont laissé derrière eux. Nampa a choisi la sculpture d’un petit singe, acheté juste avant qu’il ne quitte le Sénégal, à l’âge de sept ans. Raphaël, lui, a mis en lumière une chaîne avec une croix, cadeau de sa tante – « que je ne vois plus beaucoup » – pour son baptême.

À l’heure où les questions d’identité accaparent les débats en vue de l’élection présidentielle, l’exposition « Archivez-moi ! » apporte un éclairage différent sur ces sujets. « Sauf que ce projet est un projet scolaire qui n’a pas été pensé comme politique ou militant, rappelle Camille Taillefer. Il dit juste que les archives nous appartiennent à tous, qu’elles sont notre histoire à tous. En fait, c’est une superbe réponse parce qu’elle n’a pas été pensée comme une réponse. »

Infos pratiques : exposition « Archivez-moi ! » sur les grilles des Archives nationales, 59, rue Guynemer, Pierrefitte-sur-Seine (93). Jusqu’au 30 juin. Accès : métro Saint-Denis Université (ligne 13). Plus d’infos sur archives-nationales.culture.gouv.fr

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