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Paris, « 3e ville la plus puissante du monde » ? Imaginez le Grand Paris !

Le panorama depuis le sommet de la tour Saint-Jacques / © Virginie Jannière pour Enlarge your Paris
Le panorama depuis le sommet de la tour Saint-Jacques / © Virginie Jannière pour Enlarge your Paris

La nouvelle fait le tour des réseaux sociaux depuis quelques jours : une entreprise de marketing urbain place Paris sur le podium mondial, derrière Londres et New York. La nouvelle tourne en boucle sur instagram, reprise par les comptes d’urbanisme, de voyage et de lifestyle. Mais ce palmarès évalue une ville qui n’existe plus : celle enfermée dans ses 105 km². Or la vraie capitale, aujourd’hui, déborde largement du périphérique. Paris 3e ? Imaginez le Grand Paris !

La « nouvelle » fait le tour des réseaux sociaux depuis quelques jours. Le classement 2026 du cabinet Resonance Consultancy place Paris sur le podium mondial, derrière Londres et New York. Une médaille de bronze flatteuse, qui s’affiche sur les réseaux comme un symbole de prestige retrouvé. Des comptes d’urbanisme, de voyage ou de culture urbaine s’en réjouissent : Paris reste dans la cour des grandes capitales mondiales. Mais derrière ce succès médiatique se cache un malentendu persistant. Parce que ce classement évalue une ville qui n’existe plus, ou du moins qui ne correspond plus à la réalité de ce qu’est Paris aujourd’hui. Car la capitale du XXIᵉ siècle ne s’arrête pas au périphérique : elle déborde, se diffuse, s’étend. Le vrai Paris s’appelle désormais le Grand Paris.

Un podium qui brille, mais qui dit peu de choses

Comment est organisé le rapport World’s Best Cities 2026 ? Il croise des données économiques, culturelles et numériques : accessibilité, attractivité, connectivité, mentions sur Instagram, avis TripAdvisor, recherches Google. Un mélange de statistiques et de perceptions, qui vise à mesurer la vitalité et la désirabilité des grandes métropoles. 

Et sur le papier, un an après les JOP2024, Paris se porte bien, il n’y a rien à redire. Depuis 2020 et la sortie du COVID, la capitale s’est profondément transformée : plus de 600 kilomètres de pistes cyclables, des zones piétonnes qui s’étendent, 70 % d’habitants vivant sans voiture, la “ville du quart d’heure” érigée en modèle international. Les Jeux olympiques ont montré qu’une capitale historique pouvait se réinventer, le Grand Paris Express redessine progressivement la carte des mobilités, et les institutions culturelles continuent d’attirer le monde entier — du Louvre à Orsay, de la Bourse de Commerce à la Philharmonie. À cela s’ajoute une vitalité économique portée par le CAC 40, 20 licornes technologiques et 122 restaurants étoilés : Paris reste une marque mondiale. 

Mais ce que mesure ce classement, ce n’est pas la réalité de la ville : c’est son image. Et cette image, pour brillante qu’elle soit, repose sur une idée réductrice — celle d’une capitale contenue dans ses 105 km², comme si le périphérique demeurait une frontière urbaine pertinente.

Ces palmarès qui vendent plus qu’ils n’évaluent

Certes, le World’s Best Cities n’est pas une étude scientifique, mais un produit de communication. Resonance Consultancy, le cabinet qui le publie, est spécialisé dans le city branding, c’est-à-dire dans la manière de rendre les villes désirables auprès des touristes, des investisseurs ou des talents. Son classement, très diffusé dans le monde anglo-saxon, s’inscrit dans une tradition où tout se hiérarchise — des universités aux hôpitaux, des musées aux destinations urbaines.

Cette approche, habile, mêle des critères “objectifs” à des indicateurs de popularité numérique. Elle mesure autant la performance réelle d’une ville que la puissance de son récit. Dans cette logique, Londres, New York et Paris se retrouvent régulièrement en tête, non parce qu’elles changent si vite, mais parce qu’elles incarnent des mythes stables : puissance, rayonnement, attractivité. On ne mesure pas des villes, on compare des symboles.

Ces palmarès ont leur utilité, si l’on veut. Ils rappellent la force d’un nom, la constance d’une image, la solidité d’une réputation. Mais ils ne disent presque rien du quotidien des habitants, ni de la complexité métropolitaine. Ce ne sont pas des outils de connaissance : ce sont des instruments de narration, de com’

105 km² contre 1 572 km² : l’erreur fatale de l’échelle

Et c’est bien là que se situe le biais majeur. Paris s’étend sur 105 km², Londres sur 1 572 km², New York sur 783km². On compare un centre-ville à des régions métropolitaines entières. L’écart est tel que le classement devient une sorte d’exercice d’optique : tout dépend du cadre choisi. En continuant d’évaluer Paris sur son périmètre historique, on la condamne à être perçue comme une ville dense, patrimoniale, inégalitaire et limitée. On la fige dans son passé administratif, alors que sa réalité contemporaine s’étend bien au-delà de ses frontières. Londres, à l’inverse, est évaluée dans sa globalité : son centre, ses banlieues, ses zones économiques, ses espaces verts. Paris, elle, reste confinée dans un mouchoir de poche.

Ce déséquilibre n’est pas qu’un détail technique. Il façonne notre perception. Et c’est cela, le seul sujet à nos yeux : Il entretient l’idée que Paris serait une capitale exceptionnelle mais étroite, rayonnante mais saturée, splendide mais à bout de souffle. Or cette image ne correspond plus à la vérité du territoire.

Le vrai Paris déborde

Car le vrai Paris, celui qui vit, travaille, crée et respire, dépasse depuis longtemps les limites du périphérique. Si l’on adoptait la bonne échelle — celle du Grand Paris, ou du futur tracé de la ligne 15 —, le classement mondial changerait radicalement. Versailles, Saint-Denis, Vincennes et Paris forment ensemble l’un des ensembles culturels les plus denses de la planète. Les forêts de Meudon, de Sceaux et de Saint-Cloud, les bords de Seine et de Marne, offrent un accès à la nature qu’aucune autre capitale ne peut revendiquer. L’économie métropolitaine, elle, se déploie en archipel : La Défense, Saclay, Plaine Commune, Roissy, Orly, Boulogne, tous reliés par un tissu d’infrastructures et d’initiatives. Le Grand Paris, c’est 9 millions d’habitants, un maillage d’universités, de pôles d’innovation, d’entreprises créatives. Une métropole complète, complexe, vivante. Au cœur d’une région capitale de 12 millions d’habitants, un poumon vert et agricole de premier plan, avec un réseau de transports unique. Bref : Si le classement évaluait cela, le Grand Paris ne serait pas troisième. Il serait premier, sans discussion.