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La marche, une autre manière de façonner le Grand Paris

Des randonneurs confrontés aux coupures urbaines du Grand Paris lors du Tour piéton du Grand Paris organisé du 19 au 30 août par Enlarge your Paris et la Société du Grand Paris / © Jérômine Derigny pour Enlarge your Paris
Des randonneurs confrontés aux coupures urbaines du Grand Paris lors du Tour piéton du Grand Paris organisé du 19 au 30 août par Enlarge your Paris et la Société du Grand Paris / © Jérômine Derigny pour Enlarge your Paris

C'est le premier mode de déplacement dans le Grand Paris depuis plus de 10 ans. La marche est une manière de penser et de construire la métropole autrement, ce qu'illustre le "Tour piéton du Grand Paris" organisé en 2020 pendant 12 jours par Enlarge your Paris en partenariat avec la Société du Grand Paris et dont la seconde édition est prévue en août prochain.

Vianney Delourme, co-fondateur d’Enlarge your Paris

En décembre dernier, la Fédération française de la randonnée pédestre, en association avec le collectif Place aux piétons, initiait le premier Baromètre des villes marchables. Le but de cette enquête, qui vient de juste se terminer, était de récolter des informations sur les pratiques quotidiennes des piétons ainsi que sur les infrastructures qui rendent les villes et les villages favorables ou non à la marche.

Une manière de faire converger les enjeux des mobilités du quotidien avec la marche de loisir, à l’image de ce qui se pratique en Suisse depuis les années 1970, où les plans d’aménagement font une large place aux piétons, sans différencier les motifs de déplacement. Depuis quelques années et plus encore depuis le début de la crise du Covid 19, la marche urbaine est regardée comme un facteur de résilience urbaine et de transition écologique, ou plus simplement de qualité de vie et de revitalisation des centres-villes. Des enjeux que synthétise le terme, assez récent, de « marchabilité ». La première conférence internationale sur la marchabilité urbaine, Walk21, s’est ainsi tenue à Londres en 2000, dans le but d’encourager la marche en ville pour des motifs sanitaires, écologiques et économiques.

« Le Cerema, centre d’études lié au ministère des Transports et de l’Écologie, a notamment appelé à « faire de la marche la nouvelle « petite reine » des déplacements »

Premier moyen de déplacement en Île-de-France depuis plus de dix ans selon l’Enquête Global Transport, la marche à pied a longtemps été invisible dans les statistiques publiques. Une situation qui évolue rapidement, notamment dans le contexte de la pandémie. Le Cerema, centre d’études lié au ministère des Transports et de l’Écologie, a notamment appelé à « faire de la marche la nouvelle « petite reine » des déplacements ».

À l’automne 2020, l’agence de conseil new-yorkaise Institute for Transportation & Development Policy publiait un classement des villes les plus marchables au monde selon les critères suivants : accès aux services de santé et d’éducation, qualité des espaces publics piétonnisés, taille des îlots urbains… Paris, aux côtés de Bogotá et de Londres, ressortait quasi-systématiquement dans le quintette de tête. Toutefois le périmètre de cette étude concernait l’intra-muros parisien.

Que dire de la marchabilité du Grand Paris ? Les espaces périurbains étant souvent aménagés pour favoriser la circulation automobile, y marcher peut comporter de nombreux désagréments : bruit, pollution, risques lié à la vitesse des voitures et des motos, absence d’arbres pour se protéger de la chaleur, trottoirs étroits, signalétique urbaine quasi-exclusivement dédiée aux automobilistes, panneaux publicitaires encombrants, saleté des bords de route, sentiment d’insécurité, particulièrement pour les femmes. Enfin, poussettes et chaises roulantes sont exclues de nombreux trottoirs périurbains, souvent encombrés par les voitures.

A cela s’ajoute le fait que certains territoires de banlieue restent très marqués par l’héritage industriel des XIXe et XXe siècle. C’est en effet en banlieue que se trouvent toutes les grandes infrastructures qui structurent la métropole parisienne : autoroutes, voies ferrées, aéroports, cimetières parisiens, zones logistiques et commerciales, ports, cimenteries, déchetteries ou encore centres d’incinération des ordures et de traitement des eaux qui coupent la vue, bloquent le passage, contraignent les piétons à faire de longs détours. Les randonneurs du Grand Paris Express piéton (les randonnées urbaines organisées depuis près de cinq ans par Enlarge your Paris en partenariat avec la Société du Grand Paris, Ndlr) en ont souvent fait l’expérience, notamment lors de l’exploration de la future Ligne 15, qui par son tracé croise les cours d’eau grand-parisiens et les grandes infrastructures ferroviaires et routières, obligeant à des contournements ou à la recherche de trous de souris pour traverser ces coupures urbaines.

Jour 4. Sur le plateau agricole de Saclay, à proximité de la future gare de Saint_Quentin Est / Jérômine Derigny pour Enlarge your Paris
Le « Tour piéton du Grand Paris » en 2020 sur le plateau agricole de Saclay / © Jérômine Derigny pour Enlarge your Paris

« À l’instar du futur métro, la marche urbaine permet de relier, raccorder, retisser une métropole construite en archipels »

Ces marches du Grand Paris Express piéton nous ont offert l’occasion de constater que le Grand Paris Express, par sa forme et par son ampleur, était à l’échelle des grands paysages métropolitains, qu’il permet de redécouvrir voire de revaloriser. À l’instar du futur métro, la marche urbaine permet de relier, raccorder, retisser une métropole construite en archipels, héritage administratif et urbanistique du XXe siècle. Pour relier les futurs quartiers de gare et les sites patrimoniaux les plus emblématiques du Grand Paris, il nous a fallu dessiner des tracés qui esquissent une méta-trame piétonne à l’échelle du Grand Paris. Trame imparfaite, que nous avons d’ailleurs entrepris d’améliorer chaque été à l’occasion du « Tour piéton du Grand Paris », soit 12 jours de marche collective pour tester et enrichir notre parcours, et au cours desquels les marcheurs, équipés de fonds de cartes produits par l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur), peuvent partager leurs observations et propositions.

À l’été 2020, les 600 marcheurs du premier Tour piéton du Grand Paris ont ainsi produit près de 400 cartes du territoire du Grand Paris Express, notant les points d’intérêt culturel, les espaces naturels et les plus beaux panoramas, ainsi que les points de difficultés pour les piétons. Les journalistes d’Enlarge your Paris ont entrepris, avec l’aide de l’Apur, une synthèse de ce travail collectif, à la fois pour produire une carte culturelle et naturelle du Grand Paris et un tracé piéton reliant les futures du gares du métro.

Le parti pris de cette déambulation piétonne métropolitaine est d’emprunter le plus souvent possible les trames vertes et bleues des territoires traversés, de relier les parcs urbains et les grandes forêts domaniales, les berges fluviales et les lacs, les squares et les écoquartiers, en établissant une esquisse de ceinture verte piétonne grand-parisienne qui s’appuie sur le tracé du Grand Paris Express et s’articule aussi bien sur des itinéraires du quotidien que des parcours de loisir ou touristiques. Une manière pour Enlarge your Paris de contribuer à l’émergence d’un Grand Paris des piétons, alors que la révolution piétonne ne fait que commencer.

Ce texte est extrait d’une contribution d’Enlarge your Paris à l’étude « Mutations dans les quartiers de gare du Grand Paris Express – 33 gares mises en service d’ici 2030 » réalisée par l’Apur

Le trace du Tour piéton du Grand Paris en 2020 / © Apur

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