Culture
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Une ancienne école devenue temple de la création à Sèvres

L'ancienne École nationale supérieure de la céramique accueille le JAD depuis 2022 / © CD92 _ Julia Brechler
Le JAD s’est installé dans les bâtiments de l’ancienne École nationale supérieure de la céramique à Sèvres depuis 2022 / © CD92 _ Julia Brechler

Cela fait maintenant près de 300 ans que l'artisanat d'exception s'épanouit à Sèvres avec la manufacture de porcelaine. Et, depuis 2022, un nouveau temple de la création a ouvert entre les murs de l'ancienne École nationale supérieure de la céramique : le JAD, acronyme de Jardin des métiers d’Art et du Design. Un lieu qui n'a pas vocation à se vivre en vase (de porcelaine) clos comme John Laurenson est allé le constater.

En partenariat avec le JAD

Imaginez un splendide monument à l’orée du parc de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine). Il compte une façade années 30 – béton armé et structure poteaux poutres dans la lignée d’Auguste Perret – et une autre des années 50. Jusqu’à la fin des années 70, il héberge l’École nationale supérieure de céramique. Et puis ? Un passage à vide jusqu’à ce que le Département des Hauts-de-Seine décide de lui offrir une nouvelle vie. « Il y avait la volonté qu’il demeure dans sa vocation initiale, raconte Estelle Silliard, chargée du projet pour le Département. C’est-à-dire le savoir-faire d’excellence. S’y est ajoutée l’idée du design afin d’amener les métiers d’arts vers l’innovation. »

Après une restauration de trois ans, le Jardin des métiers d’Arts et du Design (JAD) ouvre ses portes en septembre 2022 en collaboration avec le Groupe SOS, l’Institut pour les savoir-faire français et Make ICI. Le site s’inscrit dans la Vallée de la Culture, « un maillage territorial fort d’équipements culturels », explique Claire Hazart, directrice du projet pour le Groupe SOS. De fait, le JAD voisine avec le musée Albert-Kahn et la Seine musicale à Boulogne-Billancourt, ou encore le futur musée du Grand Siècle qui ouvrira en 2027 à Saint-Cloud. Un environnement effervescent « qui permet de nouer de multiples collaborations », se félicite-t-elle.

Il faut dire qu’avec son acronyme rappelant une pierre précieuse, le JAD constitue un petit bijou. « L’idée initiale est donc de constituer un outil de développement économique autour de ce territoire très riche en artisans d’art », expose Claire Hazart. Le lieu héberge donc des ateliers proposés à une vingtaine de créateurs à des tarifs modérés. Parmi ceux-ci, on trouve par exemple Mathilde Faucard. Elle est fresquiste et conçoit, au moment où nous lui rendons visite, une sorte d’herbier minéralisé. Elle nous montre une autre fresque, plus grande, dans laquelle on voit de belles formes de chardon. Elle a coulé un alliage or-cuivre pour obtenir de la brillance.

Un espace d’émulation collective

Dans l’atelier du sculpteur sur bois Cédric Breisacher, on admire une table basse de forme étrange, organique et lisse, faite de trois bois, trois traitements et trois textures : un pied en chêne poncé, un deuxième en branche brute et, pour sa surface, un mélange de copeaux et de fécule de pomme de terre. Tout aussi surprenante, la nature morte en trois dimensions qui trône dans l’atelier de la feutrière et plasticienne de laine Héléna Guy Lhomme : une fin de repas de poisson et de fruits de mer en feutre coloré. Les tableaux-pièges de Daniel Spoerri ne sont pas loin mais cette fois, mégots et Doliprane soulignent que la fête est bel et bien finie.

Au JAD, on expérimente beaucoup. « C’est un espace d’émulation collective, rappelle Estelle Silliard. Nous incitons les occupants à développer des projets communs. La proximité des uns et des autres favorise l’émergence d’idées qu’ils n’auraient pas forcément imaginées au départ. » Innover mais aussi accompagner. « Nous les soutenons sur le plan entrepreneurial, administratif mais aussi de la communication. En fait, nous nous adaptons à des besoins très hétérogènes. On les fait aussi monter en compétence par un accompagnement technique. Bref, on élargit le champ des possibles ! », s’enthousiasme Claire Hazart.

Le designer Cédric Breisacher dans son atelier / © Clara Chevrier _ Le JAD
Le designer Cédric Breisacher dans son atelier / © Clara Chevrier _ Le JAD

 L’inverse d’une tour d’ivoire

Pour autant, n’allez pas imaginer le JAD comme une tour d’ivoire. Au contraire : ses portes sont grandes ouvertes au public. Car l’idée est de donner aux jeunes générations l’envie de se colleter à ces métiers. « Le JAD est là pour donner envie d’exercer ces métiers d’artisan d’art qui ne sont pas assez valorisés », explique Claire Hazart. Accueil des visiteurs dans leurs espaces de travail ou participation à des ateliers en milieu scolaire sont ainsi au programme des artistes. Dans cette dynamique, le MakerLab constitue un espace emblématique. Doté d’un pôle numérique, un pôle textile et un pôle bois, il est réservé aux occupants les matinées de la semaine mais s’ouvre au public l’après-midi. Un samedi par mois se tiennent aussi des ateliers découvertes. Le premier samedi du mois de juillet, il sera ainsi possible de découvrir la technique du papier japonais.

L’agenda des prochaines semaines ne manque d’ailleurs pas de prétextes pour pousser jusqu’à Sèvres. Et, comme si tout cela ne suffisait pas, on y organise aussi des expositions. Jusqu’au 3 août, on peut ainsi y découvrir « Aléas, pratiques de l’adaptation », qui explore la façon dont une vingtaine d’artistes se frottent à la notion d’imprévu. Lucie Ponard conçoit ainsi un guéridon à partir des terres excavées lors du chantier du Grand Paris Express. Claire Lavabre réalise un lampadaire à partir… d’un bâton de ski. Quant à Olivier Vadrot, il réalise une étonnante table sans fin en bois d’épicéa. À noter dès à présent l’ouverture au public des ateliers de créateurs à l’occasion des Journées européennes du patrimoine, les 20 et 21 septembre prochains. Mais inutile d’attendre jusque-là pour découvrir le lieu. Le JAD est une mine d’or pour quiconque souhaite s’émerveiller.

Infos pratiques : Le JAD, 6, Grande Rue, Sèvres (92). L’agenda des événements du JAD est à retrouver ici. Accès : gare de Sèvres Rive Gauche (ligne N) ou tram T2 arrêt Musée de Sèvres. Plus d’infos sur le-jad.fr

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