
Elle est gérée par ArtyFarty, Arte, make_sense, Singa et Actes Sud et, depuis le 10 décembre, elle est occupée par le collectif des Jeunes du parc de Belleville. La Gaîté Lyrique fait le point sur la situation avec Enlarge your Paris.
Publié le 24 janvier 10h45 – Actualisé le 24 janvier à 12h26 (réaction Anne Hidalgo)
Depuis le 10 décembre dernier, la Gaîté Lyrique à Paris est occupée par le collectif des Jeunes du parc de Belleville qui regroupe des mineurs isolés. Un peu plus d’un mois après, où en est-on ?
David Robert, porte-parole de la Gaîté Lyrique : Au dernier comptage, 315 jeunes occupent la Gaîté Lyrique (3e), ils étaient environ 250 au départ. Depuis une dizaine de jours, ce chiffre n’a pas augmenté. Je ne sais pas si cela va durer. Nous sommes arrivés à un niveau de saturation gravissime, les incidents sont quotidiens. Une personne en plus, cela peut être la goutte d’eau. On a des jeunes qui dorment par terre, avec 3 sanitaires pour plus de 300 occupants. Pourtant, dans ce contexte, ces jeunes font preuve d’une discipline exceptionnelle étant donné leurs conditions de vie.
Au sujet de la prise en charge de ces jeunes, l’État et la Mairie de Paris se renvoient la balle. Comment expliquer que personne ne s’empare du dossier ?
Il faut savoir qu’en France les mineurs isolés sont pris en charge par les départements – la spécificité de Paris étant qu’elle est à la fois une ville et un département – via l’Aide sociale à l’enfance, tandis que l’hébergement d’urgence générique est une compétence de l’État. Or, pour déterminer l’âge d’un jeune, on procède à ce qu’on appelle une évaluation de minorité. À Paris, c’est l’association France Terre d’asile qui gère cette évaluation. Son avis est consultatif mais en général suivi. Mais quand l’association a rendu son avis, celui-ci peut être contesté par un recours devant le juge des enfants si la minorité n’est pas reconnue. Le juge statue dans un délai variable qui peut durer plusieurs mois. Or la jurisprudence n’a pas encore établi si, comme l’estime l’État, on est considéré comme mineur jusqu’à épuisement des recours ou si, comme l’envisage la Ville, vous êtes considéré comme majeur dès que l’avis est rendu et jusqu’à ce qu’un juge rende un avis contraire. Nous déplorons que l’État n’aide pas à clarifier cette situation, alors qu’il est légitime pour légiférer ou saisir le Conseil d’État. Et ce, au risque de laisser mourir une institution culturelle qui est à l’équilibre financier avec, ce n’est pas rien, 70 % de ressources propres. Nous regrettons que les autorités compétentes ne se mettent pas autour d’une table pour trouver une solution. Nous savons que la situation est complexe. Et nous en constituons un dommage collatéral majeur parce qu’il n’y a pas de volonté politique de l’État de venir discuter avec la Mairie.
Justement, cette occupation fait que la Gaîté Lyrique est fermée au public désormais. Comment cela impacte-t-il son économie ?
Cela se compte en centaines de milliers d’euros. L’économie du lieu, c’est à 70 % la billetterie, le bar, les privatisations, les locations de bureaux et à 30 % des subventions de la Ville de Paris. Actuellement, nous n’avons plus de rentrées d’argent. C’est une question de semaines avant que ne cesse notre activité. Ce qui induit évidemment une menace sur de nombreux emplois.
À ce sujet, comment le vivent les salariés ?
Ils sont évidemment très inquiets puisque la pérennité du projet est menacée. Les journées consistent à annuler chaque jour des événements prévus à deux semaines. Tous les matins, on arrive avec l’espoir qu’au lieu d’annuler on va pouvoir reprogrammer. Et pourtant, ils sont fantastiquement solidaires de la direction qui a fait un choix humain dont les équipes sont fières.
Vous évoquez par là le fait que vous ne souhaitez pas une expulsion de ces jeunes…
C’est un choix envisageable à condition qu’une situation digne de mise à l’abri soit proposée aux occupants. Sur les 315 jeunes, 250 ont eu la grippe ces derniers jours. Ils dorment à même le sol, en plein cœur de Paris. C’est honteux. On n’a qu’une envie : c’est que cette situation s’arrête. Pour autant, cela ne peut pas passer par la violence. À l’heure actuelle, les températures la nuit sont négatives. Il faut que ces jeunes aient un toit ! J’ai en tous les cas une certitude : si ces jeunes ont pu venir chez nous, c’est qu’ici nous sommes un lieu ouvert. Ici, on peut avoir un verre d’eau gratuit, charger son téléphone. Or, aujourd’hui, les derniers lieux ouverts et gratuits, ce sont les lieux culturels. On sait pourquoi on subit cette occupation, mais, en tant que lieu culturel citoyen, on ne remet pas 300 jeunes à la rue en plein hiver.
Comment envisagez-vous la suite ?
Il y en a deux possibles : soit il y a un drame sanitaire ou lié à des violences. Évidemment, ce n’est pas l’issue que nous souhaitons. Soit devant cette situation sanitaire et économique, les autorités compétentes décident enfin de se mettre autour de la table pour une mise à l’abri.
Depuis la réalisation de cet entretien, la maire de Paris Anne Hidalgo a fait savoir le 23 janvier au micro de BFM Île-de-France qu’elle suivait « de très près » la situation de la Gaîté Lyrique.
Plus d’infos sur gaite-lyrique.net
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24 janvier 2025 - Paris