Société
|

Des parcs aux rayons des supermarchés, l’art du dating à l’heure du Covid

Amoureux dans les allées des Buttes-Chaumont à Paris / © Hurock24 (Creative commons / Flickr)
Amoureux dans les allées des Buttes-Chaumont à Paris / © Hurock24 (Creative commons / Flickr)

La crise sanitaire a bouleversé nos habitudes. Y compris celles pour rencontrer son compagnon d'un soir ou son âme-sœur. Privés de sorties dans les bars et de soirées entre potes, les célibataires se donnent désormais rendez-vous dans les parcs ainsi que dans d'autres lieux au caractère bien plus inattendu.

Que ce soit pour une nuit, pour la vie ou pour un an et demi, le constat reste le même. Depuis mars 2020, difficile de faire connaissance avec  un ou une potentiel.le partenaire entre les confinements, le couvre-feu et la restriction des 10 kilomètres. Bien décidés à ne pas abandonner toute vie sentimentale, les Grand-Parisiens ont donc tenté de réécrire la carte francilienne du Tendre.

Sans surprise, les applis et sites de rencontre en tous genres leur ont fait de l’œil. Même si leur fréquentation s’est effondrée de plus de 50% au premier confinement, les affaires ont repris pour les entremetteurs 2.0 durant le deuxième semestre 2020. D’après une étude menée par l’Ifop et Facebook, plus d’un Français sur trois s’est d’ailleurs inscrit au moins une fois à un site de rencontres en 2020 contre 26% en 2018. 

Pourtant, ce virtual dating n’a pas franchement été du goût de tout le monde. Ce sont avant tout l’interdiction des soirées chez les copains, l’annulation des festivals et la fermeture des bars et restaurants qui ont convaincu Clara*, professeure de 29 ans originaire de Seine-Saint-Denis : « Je n’aime pas du tout les sites de rencontres… Mais le contexte m’a poussée à y retourner pour espérer rencontrer quelqu’un. »

Poussée de flirts dans les parcs et jardins

Mais où se voir une fois le rendez-vous pris ? Émilie Lézénès est autrice d’un roman – pour lequel elle recherche un éditeur – sur la rencontre amoureuse en 2020. Et pour elle, les parcs et les jardins proches de chez soi sont les grands gagnants de toute cette histoire. « Avant, on se rencontrait le soir après le travail. Maintenant, on se voit parfois l’après-midi, voire le midi, dans des espaces publics. Avec un objectif de balade dans son quartier ou dans le périmètre autorisé. »

Également éditrice chez Hachette d’un guide à paraître sur le Grand Paris, Autour de Paris : 20 balades à portée de passe Navigo, elle avoue d’ailleurs tester les adresses en plein air du guide dans le cadre de ses rendez-vous galants. Le dernier en date ? Un pique-nique sous les cerisiers en fleurs dans le parc de Sceaux (Hauts-de-Seine). Voyons le verre à moitié plein : quitte à lever les yeux au ciel parce qu’on a daté un boulet, autant que ce soit vers les arbres plutôt que vers un plafond jauni par la nicotine…

L’Ouest parisien recèle visiblement de lieux adaptés aux rencards. Victoria a 27 ans et pas l’intention de laisser le Covid saper sa vie sentimentale. Elle a donc fait de l’île Saint-Germain, à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), son spot privilégié de rencontres. « On se balade sur les quais, dans le parc… Sur une péniche, j’ai trouvé un resto actuellement fermé. On profite des tables et des chaises laissées là. On apporte deux verres, une bouteille, un tire-bouchon et une sono et le tour est  joué ! »

Dans son périmètre des 10 kilomètres, elle a aussi découvert la vue imprenable sur le Grand Paris depuis le Mont Valérien à Suresnes (Hauts-de-Seine), ou encore le quartier de Bercy-Village (12e) où « on peut prendre des boissons à emporter et se poser dans le parc ».

Allumer la flamme à l’heure du couvre-feu

La jeune commerciale affiche d’ailleurs quelques expériences insolites rendues possibles par la crise sanitaire et des rues de Paris vidées de ses habitants. « Lors de l’un de mes rendez-vous, on s’est baladé sur le Champ-de-Mars, on était tout seuls. A un moment, des policiers nous ont contrôlés. Quand ils ont su qu’on était en rendez-vous, ils ont été cools même si l’heure du couvre-feu était dépassée. Une autre fois, la personne a apporté deux chaises et un seau à champagne et on s’est posé sur les quais. C’était très sympa ! »

Les rencontres ont ainsi pris une nouvelle dimension avec le Covid, et ce n’est pas plus mal à en croire Émilie Lézénès : « Le fait de marcher côte-à-côte et de commenter le paysage permet de comprendre comment l’autre regarde le monde. » Et donc, de faire davantage connaissance. D’ailleurs, elle l’assure, s’embrasser au premier rendez-vous est devenu has been à l’heure du port du masque généralisé. 

Mode lover activé au supermarché

Un ressenti que ne partage pas Victoria. « On a vite fait de se retrouver chez l’un ou chez l’autre pour ne pas rester dehors une fois l’heure du couvre-feu passée. Donc forcément, on brûle les étapes et l’affaire a vite fait d’être intime. » Mais la jeune femme préfère s’amuser de ses aventures et de ses déconvenues : « Je n’aurais jamais pensé avoir un rendez-vous galant dans un supermarché et voir le garçon s’énerver parce qu’il ne trouve pas sa boîte de thon préférée… Ou bien faire un premier rencard dans la voiture du gars en bas de son immeuble ! »

Un constat partagé avec sa bande de copines, inscrites sur le même site de rencontres, et Clara. « On se retrouve beaucoup plus vite chez l’un ou l’autre. C’est un stress supplémentaire, surtout pour une femme. Alors que dans un parc, on peut boire une bière tranquille et c’est comme au bar, finalement ! »

Si la réouverture des cafés et des restaurants tout comme le retour à une vie de rencontres un peu plus normale sont très attendues, la période aura en tout cas été propice à des anecdotes que les célibataires se rappelleront. Quitte à regretter les oeillades entre deux boîtes de Petit Navire ou les discussions enflammées sur les sièges avant d’une Clio ? Il ne faut peut-être pas exagérer…

*Le prénom a été modifié.

Lire aussi : Un week-end à deux dans les pas de Van Gogh

Lire aussi : Un écrivain nous fait voyager dans la banlieue du turfu

Lire aussi : Un roman raconte les folles nuits des friches parisiennes