Chez Envie, quel regard portez-vous sur le Black Friday ?
Sarah Clément : Il y a quelques années, quand le Black Friday est arrivé en France, certains membres du réseau se sont questionnés : fallait-il se positionner sur ce créneau ? Mais très vite nous avons pris conscience que ce que représente le Black Friday n’allait pas. Il pousse à la surconsommation, à acheter trop et tout de suite. Et puis, même s’il ne faut pas mettre toutes les marques dans le même panier, certaines gonflent artificiellement leurs prix juste avant, afin de faire croire à de bonnes affaires… qui en réalité n’en sont pas. Sans compter le désastre écologique et social que cette opération sous-tend. Certaines marques, on le sait, traitent mal leurs employés. C’est pourquoi en 2017 nous avons lancé le Green Friday. il ne s’agit pas de faire des promos – nous proposons déjà des appareils électroménagers 30 à 60 % moins chers que des neufs – mais d’organiser des ateliers de réparation, de sensibilisation aux petits gestes qui permettent de garder son appareil plus longtemps. Nous agissons au sein d’un collectif qui regroupe également Altermundi ou Emmaüs. Et, depuis 2018, le Green Friday s’est organisé en association à laquelle les entreprises peuvent adhérer. Elles s’engagent à ne pas faire de promo durant la période du Black Friday et à reverser 10 % du chiffre d’affaires réalisé le dernier vendredi de novembre à une association.
Pouvez-vous revenir sur ce qu’est Envie ?
Envie est un réseau qui a vu le jour en 1984 à Strasbourg. Nous fêtons donc nos quarante ans cette année. C’est l’acronyme d’ « Entreprise nouvelle vers une insertion économique ». En effet, l’idée est de former et d’accompagner des personnes éloignées du monde du travail. À la fin des 24 mois de formation passés auprès de nous, l’objectif est qu’elles trouvent un emploi durable. C’est un tremplin. Dès 1988, le concept s’est déployé sur l’ensemble du territoire afin d’aider aussi les gens à s’équiper. Dans les années 90, la fédération Envie a vu le jour. Aujourd’hui, nous comptons 53 entreprises d’insertion et une cinquantaine de magasins (dont un à Trappes et un autre à Paris).
Le reconditionnement n’exclut pas la garantie puisque les appareils que vous commercialisez sont non seulement vendus 30 à 60 % moins chers que des neufs, mais de surcroît ils sont garantis deux ans…
Ce qui est équivalent aux durées de garantie proposées sur les appareils neufs. C’est l’un de nos gros plus. Car les consommateurs peuvent avoir la tentation d’acheter moins cher sur des sites spécialisés, auprès d’autres particuliers. Mais ils ne bénéficieront pas d’une garantie. Nous, on propose un vrai SAV, avec des techniciens qualifiés. Forcément, au bout de 40 ans d’existence, on a développé un certain savoir-faire.
Justement, en 40 ans, la clientèle a-t-elle changé ?
Effectivement, dans les années 80, la communication était axée sur les foyers modestes qui souhaitaient s’équiper sans avoir les moyens d’acheter un lave-linge neuf. Aujourd’hui, on continue de s’adresser en priorité à cette clientèle, mais aussi aux personnes sensibles au réemploi. Tout comme nous nous adressons aux étudiants qui ont un petit budget.
L’obsolescence programmée doit être votre pire ennemie…
L’obsolescence programmée constitue un gros débat au sein même de notre réseau. Certains techniciens estiment qu’elle est délibérée de la part de certaines marques, d’autres sont plus modérés. Mais c’est sûr que, sur des produits peu chers, on va retrouver des pièces et des composants de moins bonne qualité. Sans parler des pièces collées sur certains modèles qui rendent la réparation compliquée. Cela étant, il existe de nombreux types d’obsolescence. Je pense par exemple à l’obsolescence culturelle : votre smartphone fonctionne toujours mais vous avez envie de le changer parce qu’il est un peu démodé, parce qu’un autre modèle propose un appareil photo plus performant…
Aujourd’hui, quelles sont les envies… à Envie ?
On en a pas mal ! Une chose est sûre : il ne s’agit pas de nous reposer sur nos lauriers. Nous voulons donc continuer à innover. En parallèle au reconditionnement d’électroménager, nous avons donc développé celui de matériel médical. Du côté de Bordeaux, une équipe travaille sur le réemploi des panneaux photovoltaïques. L’idée est d’aller toujours plus loin dans l’économie circulaire, en accompagnant davantage les citoyens et les consommateurs pour que les petits gestes qui font durer un objet en l’entretenant deviennent la norme. Nous avons aussi envie de développer une logique de location pour des outils dont l’utilisation n’est que très ponctuelle et dont l’achat n’est donc pas nécessaire. Notre plus gros projet consiste à être en phase avec les métiers d’avenir. Il existe aujourd’hui une grosse pénurie de main-d’œuvre dans la branche du reconditionnement. Nous allons donc créer une école Envie, ouverte non seulement aux personnes en réinsertion mais également à celles et ceux qui souhaitent opérer une reconversion professionnelle dans ce domaine. Si tout se passe bien, un lieu devrait ouvrir à Paris en 2025 pour accueillir nos premières promos.
Infos pratiques : magasin Envie Trappes, 17, avenue Roger Hennequin, Trappes (78) / magasin Envie Paris, 10, rue Julien Lacroix, Paris (20e). Plus plus d’infos sur paris.idf.envie.org
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28 novembre 2024