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Black Lines, le mystérieux collectif d’artistes derrière les larmes de Marianne dans le 13e

La fresque représentant Marianne dans le 13e arrondissement a été détournée par un collectif d'artistes dans la nuit de dimanche à lundi 14 décembre / © Hiya
La fresque représentant Marianne dans le 13e arrondissement a été détournée par un collectif d’artistes dans la nuit de dimanche à lundi 14 décembre / © Hiya

Dans la nuit de dimanche à lundi 14 décembre, des larmes de sang sont apparues sur la fresque représentant Marianne dans le 13e suite à la promesse du média Hiya! de relayer toutes les créations partagées avec le hashtag #mariannepleure pour dénoncer "l'état d'urgence devenu la norme". Un détournement qui, s'il n'est pas revendiqué, porte la marque du collectif d'artistes Black Lines.

Prenez un street artiste mondialement connu, une fresque murale représentant Marianne, un média dédié aux cultures urbaines en quête de notoriété, des tensions sociales, un monde de la culture à vif face au confinement prolongé jusqu’à début 2021, un mystérieux collectif d’artistes… Et vous obtenez l’affaire de la Marianne qui pleure dans le 13e arrondissement.

Tout commence avec un message cryptique reçu dans la nuit de dimanche à lundi 14 décembre par l’équipe de Hiya!, un jeune média français dédié aux cultures urbaines né en 2018. « Dans la soirée, j’ai reçu un message via la plateforme cryptée Telegram disant « On a entendu votre appel », et au petit matin, on a reçu un mail avec deux photos de la Marianne qui pleure et un texte », raconte Abdallah Slaiman, co-fondateur de Hiya!.

Cet appel, c’est celui du collectif Mouvement Concorde, relayé par Hiya!, qui dénonce une « République en deuil« , « un état d’urgence devenu la norme » et qui encourage les artistes à s’engager, à créer et à partager leurs créations avec le hashtag #mariannepleure. « Toutes les créations seront partagées sur le compte @hiya.fr » est-il en outre précisé à la fin de l’appel.

C’est ainsi que la Marianne peinte par le street artiste américain Obey dans le 13e arrondissement – à qui l’on doit le portrait de Barack Obama « Hope » en 2008 – se retrouve détournée avec des larmes de sang  par des graffeurs anonymes. La devise de la République française – « Liberté, égalité, fraternité » – a quant à elle été partiellement effacée. Un toyage (un tag sur un autre tag) comme il en arrive régulièrement dans le monde du graffiti mais sur une oeuvre hautement symbolique, que le président de la République Emmanuel Macron a choisi d’accrocher dans son bureau à l’Elysée.

« Au-delà de Marianne, c’est donc bien Macron et le gouvernement qui sont visés, analyse le graffeur français et fin connaisseur du street art Codex Urbanus. Mais c’est aussi un tour de passe-passe : l’affaire a été révélée par Hiya! », dont le nom est mentionné à droite de la fresque d’Obey détournée. Et ce, la veille du lancement du premier numéro du magazine mensuel de Hiya!. Coïncidence ? Certainement pas selon Codex Urbanus. « C’est une excellente opération de lancement qui permet non seulement de faire du bruit autour de la parution mais aussi d’ancrer immédiatement le positionnement de ce nouveau média sur l’art urbain et la révolution sociale. »

Des artistes engagés contre les violences policières

De son côté, Abdallah Slaiman se défend de toute action « préméditée ». « On a lancé un appel à la création artistique et citoyenne, un appel aux armes de l’esprit, avec un début de texte assez explicite « Marianne pleure ». Et des artistes, dans leur génie, ont fait pleurer une Marianne. » Des artistes issus du collectif Black Lines, dont le co-fondateur et porte-parole est Itvan Kedabian, qu’Abdallah Slaiman présente comme « l’un de ses plus proches collaborateurs. » « La Marianne qui pleure a été faite par des artistes de la mouvance Black Lines, confirme Itvan Kedabian à Enlarge your Paris. Mais elle est anonyme et le restera. En touchant à la Marianne d’Obey, c’est le portrait de la Marianne qui se trouve dans le bureau de Macron qui a été détournée symboliquement. Les valeurs de la République ont été particulièrement bafouées depuis la présidence Macron. »

Une référence aux récentes violences policières contre lesquelles le collectif Black Lines, créé en mai 2018, s’insurge régulièrement, en France et à l’étranger, au travers de fresques. « Nous pensons qu’en laissant à tous la possibilité de s’exprimer, d’être inventif, créatif, beaucoup de violences pourraient être catalysées, soutient Itvan Kedabian. Mais comme Black Lines a pour vocation d’être pacifique et légal, nous soutenons cette initiative mais nous ne pouvons pas la revendiquer. »

Cet acte politique n’a en tout cas pas plu au maire du 13e arrondissement, Jérôme Coumet. « Les personnes qui ont fait ça se sont trompé de cible en dégradant volontairement une fresque qui rendait hommage aux victimes du Bataclan et à la résilience de la ville de Paris. » Quid de la réaction d’Obey face au détournement de son œuvre ? Dans un article paru le 15 décembre, Hiya! indique que son équipe presse a transmis une déclaration dans laquelle il se dit « aux côtés de tou.te.s celles et ceux qui protestent contre l’injustice, si c’est ce que cette action voulait être, je la comprends. »

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