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Apéros cirque, billets non datés, navettes gratuites… Les astuces des lieux culturels en banlieue pour attirer le public

Académie Fratellini à Saint-Denis / DR
L’Académie Fratellini à Saint-Denis fait partie des sites cités en exemple dans l’étude réalisée par l’Institut Paris Region sur l’accessiblité des lieux culturels franciliens / © Académie Fratellini

Comment attirer le public lorsqu'on est un lieu culturel en banlieue en concurrence directe avec l'offre pléthorique parisienne ? Outre la programmation, il faut faire preuve de créativité, ce que démontrent dans une étude Séverine Albe-Tersiguel et Olivier Mandon, urbanistes à l'Institut Paris Region.

Séverine Albe-Tersiguel et Olivier Mandon, urbanistes à l’Institut Paris Region et auteurs de l’étude « Les équipements culturels franciliens : quelles accessibilité et attractivité ? »

L’Île-de-France est l’une des premières régions au monde pour son offre culturelle. Si Paris centralise la plupart des équipements, souvent de grande renommée, le reste du territoire en compte également un grand nombre. Et c’est bien l’ensemble de la population, même éloignée du centre, qui doit y avoir accès. C’est dans cet objectif que l’État a instauré en 2018 un plan « Culture près de chez vous », afin d’identifier les territoires délaissés par la culture, désignés comme « zone blanche », et de mettre en place des solutions innovantes.

En Île-de-France, les zones blanches sont quasi inexistantes. Toutefois l’accès du plus grand nombre aux équipements culturels reste un enjeu important. Ainsi, la Région Île-de-France soutient ou crée des initiatives ayant pour objectif de rapprocher la culture des personnes qui en sont éloignées, géographiquement ou par manque d’information. L’Institut Paris Region a analysé l’accessibilité aux grandes catégories d’équipements culturels dans l’ensemble du territoire et les différents éléments contribuant à leur attractivité.

Un large accès aux équipements culturels

Il résulte de cette analyse que, pourvu que l’on ait une voiture, quasiment tout le monde (99%) a accès à au moins un équipement culturel de chaque sorte. Et ils sont très nombreux à pouvoir choisir parmi un large éventail. Sans voiture, l’accès est moins facile, surtout si l’on s’éloigne de l’agglomération dense. Toutefois en transports en commun, trois Franciliens sur quatre ont accès à une variété d’équipements de chaque type.

Ce travail confirme donc l’absence de « zones blanches » culturelles en Île-de-France, pourvu que tous les Franciliens disposent d’une autonomie suffisante pour se déplacer . Cela suppose également que tous les Franciliens souhaitent fréquenter les équipements culturel et, aient les moyens (éducatifs, financiers…) de le faire. Les neuf équipements culturels rencontrés ont tous mis en place des outils dans ce but.

Pour un château privé dans la Haute Vallée de Chevreuse, une école de cirque en Seine-Saint-Denis, une scène nationale dans le sud de la Seine-et-Marne, un musée d’art contemporain dans un quartier défavorisé, les enjeux diffèrent, mais des préoccupations communes subsistent. Comment développer les publics ? Comment toucher le « non public » ou les publics empêchés ? Comment compenser la difficulté d’accès en transports en commun ? Comment accroître sa capacité de financement afin de soutenir la création artistique ?

Le MAC VAL à Vitry / © Jean-Fabien Leclanche pour Enlarge your Paris
Le MAC VAL à Vitry / © Jean-Fabien Leclanche pour Enlarge your Paris

Apéros cirque, billets non datés, navettes gratuites…

Autant de questions, autant de réponses des différents lieux : la notoriété ou l’ancrage territorial du lieu culturel, le caractère singulier ou innovant de sa programmation culturelle et l’accès à une offre de services complémentaires érigeant le site en véritable destination en sont quelques exemples.

L’Académie Fratellini à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) propose des apéros cirque tous les mois au prix de 2€, pour que toutes les familles ou les salariés de la Plaine saint-Denis puissent y assister. Le MAC VAL à Vitry (Val-de-Marne) a souhaité dès le départ associer les populations locales à son projet. Avant l’ouverture, des visites de chantier ainsi que des expositions hors les murs étaient organisées à destination des Vitriots. De même, lors du recrutement des différents personnels d’accueil, les candidatures locales ont été privilégiées dans le but de faciliter l’appropriation du lieu par les habitants et le relais auprès de l’ensemble de la population.

Le château de Breteuil (Yvelines), inaccessible en transports en commun, a agrandi son parking pour répondre au besoin de stationnement à la belle saison, mais est également desservi par le Baladobus initié par le parc naturel régional de la Haute Vallée de Chevreuse, pour les visiteurs non véhiculés. Le théâtre de Suresnes Jean-Vilar (Hauts-de-Seine) met en place des navettes depuis Paris les soirs de spectacle, afin d’accueillir au mieux les personnes non motorisées. L’abbaye de Royaumont (Val-d’Oise) diversifie ses publics en complétant l’offre de spectacles musicaux pointus par des visites guidées et des ateliers autour du potager médiéval. Le Domaine de Chamarande (Essonne) est ouvert toute l’année et propose à la belle saison expositions, spectacles et concerts gratuits, ainsi que des ateliers aux tarifs abordables.

Dans un autre ordre d’idées, le théâtre de Sénart (Essonne) a mis en place le « billet non daté » (au tarif unique de 12€). Inspiré de la tradition des cafés suspendus, le projet permet à un spectateur d’offrir une place de spectacle à une personne ne disposant pas de ressources financières suffisantes pour assister à une représentation. Le théâtre a également aménagé un restaurant, ouvert même en dehors des horaires du théâtre, afin de prendre pied dans son environnement proche, de créer une réelle convivialité dans le centre commercial Carré Sénart et favoriser l’identification du théâtre par de nouveaux visiteurs.

Des lieux toujours plus divers

Ceci traduit bien la volonté qu’ont désormais les équipements culturels franciliens de chercher systématiquement à proposer des services complémentaires à leur vocation initiale. Du restaurant de l’établissement au foodtruck en passant par des animations voire des attractions, les institutions cherchent à offrir un cadre propice à une expérience plus complète que la simple visite, celle d’un moment de loisir. Si, au regard du paysage culturel anglo-saxons ces initiatives apparaissent émergentes, certains établissements les ont totalement intégrées à leur stratégie de développement, ainsi qu’à leur modèle économique.

D’autre part, dans un contexte de diminution des contributions publiques, les institutions culturelles rencontrées recourent aussi au mécénat ou envisagent de le faire, afin de maintenir la qualité de leur offre culturelle tout en développant leur notoriété auprès de nouveaux publics.

Infos pratiques : L’intégralité de l’étude « Les équipements culturels franciliens : quelles accessibilité et attractivité ? » est à télécharger gratuitement sur institutparisregion.fr

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