Terre d'apprentis agronomes depuis 1826, le domaine de Grignon a failli devenir un centre d'entraînement du PSG, puis tomber aux mains d'un promoteur immobilier. Dix ans de mobilisation plus tard, le château retrouve enfin sa vocation : être un laboratoire vivant de l'agriculture de demain. Une victoire pour l'agroécologie et le patrimoine francilien.

On est au cœur de la plaine de Versailles (Yvelines), l’un des plus beaux paysages agricoles d’Île-de-France, à quelques kilomètres du Palais de Louis. Au détour d’un petit bois se dresse le château de Grignon. Depuis 1826, cet impeccable bâtiment Louis XIII abrite l’Agro, the école d’agronomie qui a formé près de 200 promotions d’ingénieurs agronomes et d’agriculteurs. Autour des bâtiments : de jolis villages préservés, des champs à perte de vue, des paysans qui travaillent encore la terre. Un petit miracle de campagne à quelques kilomètres de Paris.
Mais voilà : l’école était depuis longtemps à l’étroit dans ce château du XVIIe siècle, pas vraiment adapté à un enseignement moderne. Le déménagement d’AgroParisTech vers le campus flambant neuf de Saclay a été acté dans les années 2010. Que faire du château et de ses 300 hectares ? L’État a eu une « idée en or » : le vendre au Qatar pour en faire un centre d’entraînement du PSG. En février 2016, le petit État gazier est bien placé pour racheter le domaine. Au programme : un centre d’entraînement avec dix-huit terrains de foot, un stade de 5 000 places et un parking de 1 000 places. Le tout pour 275 millions d’euros, et des milliers de mètres cubes de béton déversés un peu partout, à la place des prés et des cultures… Deux mois après la COP 21, le signal était désastreux. Heureusement, anciens, médias et élus s’insurgent. Le PSG se rabat sur Poissy. Ouf ! Mais l’histoire n’est pas terminée.
Acte II : le promoteur immobilier entre en scène
Avec le déménagement d’AgroParisTech vers Saclay en 2022 et la reprise avortée par le Qatar, l’État met de nouveau le site en vente. Un promoteur remporte l’appel d’offres en août 2021. Re-tollé général. En mars, les étudiants bloquent le campus pendant trois semaines. Anciens élèves, défenseurs du patrimoine, élus locaux : tout le monde est sur le pied de guerre. L’État fait machine arrière en novembre 2021.
Juin 2024 : le gouvernement annonce enfin que le domaine restera public. Champagne ? Pas encore. Pendant plus d’un an, l’instabilité politique bloque tout. Le château se dégrade, les associations s’impatientent, la maire de la commune multiplie les lettres ouvertes…
Enfin, le 16 octobre 2025, le préfet des Yvelines réunit enfin tous les acteurs autour de la table. Élus locaux, syndicats agricoles, AgroParisTech… Mission : transformer Grignon en laboratoire vivant de l’agriculture de demain. De l’agroécologie, de la recherche, de l’innovation. Bref, exactement ce que défendaient les associations depuis le début. Le domaine retrouve sa vocation historique. La ferme expérimentale, l’incubateur d’entreprises agricoles et les laboratoires de recherche sont déjà sur place. Le bicentenaire en 2026 pourrait marquer une belle renaissance.
Victoire totale ? Attendons 2026 !
Le château Louis XIII classé, l’arboretum centenaire, la falunière géologique (mondialement connue des spécialistes), le musée du Vivant, les lieux de mémoire de la Résistance : tout est sauvé et sera mis en valeur. Dix ans après la menace du PSG, Grignon est enfin tiré d’affaire. Le domaine longe le GR1. Les randonneurs rêvent déjà de pouvoir enfin entrer dans ce parc de 300 hectares fermé depuis si longtemps et découvrir ce joyau caché de la plaine de Versailles. Mais avant de définitivement crier victoire, attendons 2026 !
30 octobre 2025 - Thiverval-Grignon