Culture
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Voyage dans un New York humaniste à la Maison Doisneau

L'exposition « Harold Feinstein, la roue des merveilles » est à voir jusqu'au 1er juin à la Maison Doisneau à Gentilly / © Harold Feinstein
L’exposition « Harold Feinstein, la roue des merveilles » est à voir jusqu’au 1er juin à la Maison Doisneau à Gentilly / © Harold Feinstein Photography Trust

Tournée vers la photographie humaniste, la Maison Doisneau à Gentilly consacre jusqu'au 1er juin une exposition à Harold Feinstein et à son regard sur Coney Island, l'un des quartiers de Big Apple.

La complicité pleine de tendresse d’un père et de son jeune fils, de dos, s’apprêtant à mettre les pieds dans la mer, le frisson de plaisir et de peur mêlés exprimée par une jeune fille hurlant et riant sur un grand huit, la fierté gouailleuse du tenancier d’un stand de tir aux fléchettes… À la Maison Doisneau à Gentilly (Val-de-Marne), tournée vers la photographie humaniste, l’exposition (gratuite) consacrée au photographe américain Harold Feinstein, né en 1931 et décédé en 2015, respire la joie. Si Feinstein n’est pas très connu en France, il l’est beaucoup plus aux États-Unis pour les œuvres de la fin de sa vie, des images de fleurs colorées dont les livres se sont très bien vendus et ont servi surtout de « coffee table books », de beaux ouvrages ornant les tables basses…

Mais ce photographe, qui a été professeur une grande partie de sa vie et même une sorte de gourou adoré de ses élèves (dont la fameuse photographe Mary Ellen Mark), mérite vraiment d’être découvert, notamment pour ses clichés pris entre 1950 et 1980 à Coney Island. Sur cette péninsule située au sud de Brooklyn à New York, les habitants viennent se baigner et s’amuser à la fête foraine. Feinstein en a rendu compte toute sa vie, revenant sans cesse photographier la foule des badauds. Il y saisissait des images d’une Amérique mélangée, un melting-pot auquel il croyait. Dans l’un de ses clichés, des jeunes gens radieux, allongés sur le sable et captés en plongée sourient, prêts à croquer la vie à belles dents.

Feinstein a grandi non loin de Coney Island dans une famille juive religieuse et stricte dont il s’est échappé jeune, partant travailler à seize ans comme photographe. Il a fait partie tout jeune, dès 1948, de la Photo League, une association de photographes classée à gauche et dissoute de force par les autorités américaines en 1951. La fibre sociale de la League se trouve par exemple dans cette image de 1948 de trois enfants pauvres, sales, dégustant des glaces dans la rue, devant un vitrail fêlé et scotché représentant le Christ, ou dans ce beau portrait d’une petite fille noire à Harlem en 1948, apparaissant derrière une fenêtre dont le cadre donne l’impression qu’elle est dans un tableau.

© Harold Feinstein Photography Trust

De la guerre de Corée aux scènes de jazz

Appelé sous les drapeaux en 1952 pour partir faire la guerre en Corée, le jeune Harold prend des photos de ses camarades qui attendent, se reposent ou s’entraînent sur des parcours du combattant (une séquence prise en contre-plongée, très jazzy dans sa forme, qui joue sur la structure des poutres du parcours, comme les lignes d’une portée, parcourues par des soldats devenus des « notes » musicales). À son retour du service militaire, Harold Feinstein reprend son travail de photographe et réalise des portraits de jazzmen et le design de pochettes de disque. À la naissance de son premier enfant, il quitte New York pour devenir professeur de photographie à Philadelphie. Mais il continue de fréquenter régulièrement Coney Island. On le voit par exemple se prendre lui-même en photo dans le miroir d’un photomaton.

Parmi les premières photos de l’exposition (des tirages en couleurs alors que tout le reste est en noir et blanc) figure une vue de Coney Island en 1980 : une vision à la Edward Hopper d’un client de dos, seul, assis à un stand de nourriture. Mais Feinstein a tempéré la mélancolie de ce cliché en baignant l’image d’une lumière orangée et chaleureuse, à l’image de cette exposition à voir !

Infos pratiques : exposition « Harold Feinstein, la roue des merveilles » à la Maison de la Photographie Robert Doisneau 1, rue de la Division du Général Leclerc, Gentilly (94). Jusqu’au 1er juin. Ouvert du mercredi au dimanche de 13 h 30 à 18 h 30, 19 h le week-end. Entrée libre. Accès : gare de Gentilly (RER B). Plus d’infos sur maisondoisneau.grandorlyseinebievre.fr

 
© Harold Feinstein Photography Trust
© Harold Feinstein Photography Trust
© Harold Feinstein Photography Trust