Culture
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Sur quel pied dansera-t-on cet été ?

L'Elektric Parc Festival espère se tenir cette année en septembre avec une jauge adaptée sur l'île des impressionnistes à Chatou / © Bertrand Vergereau
L’Elektric Parc Festival espère se tenir cette année en septembre avec une jauge adaptée sur l’île des impressionnistes à Chatou / © Bertrand Vergereau

Alors que l’Île-de-France connaît un troisième confinement, les organisateurs de festivals et de concerts, mais aussi les clubs et les salles de spectacles, s’activent pour préparer la saison estivale en se livrant à un numéro d’équilibriste. 

Souviens-toi l’été dernier : déconfinés, on buvait des bières Made in Montreuil sur du bon son en terrasse. On se déhanchait dans les friches du Grand Paris. On dénichait des petits festivals jusque là inconnus pour tenter d’écouter un peu de musique Live. Alors quid de l’été 2021 ? En dépit du troisième confinement, les acteurs de la culture se préparent. « On part du principe qu’on aura une saison estivale avec les conditions sanitaires de l’été dernier », avance Frédéric Hocquard, adjoint à la maire de Paris chargé du tourisme et de la vie nocturne. « L’an dernier, nous n’avons pas pu anticiper car nous avons su les choses au dernier moment. Cette année, nous ne ferons pas la même erreur. » A la mairie de Paris, le dossier est d’ailleurs sur la table depuis fin 2020.« On a commencé à répertorier des lieux susceptibles d’accueillir des projets en extérieur », confirme l’élu. 

Dans cette période où le moindre quai de gare ou bout de gazon devient une promesse de fête, tous les types de lieux sont à l’étude  : parcs et jardins, équipements sportifs, cours de mairies, bois de Vincennes et de Boulogne… L’équipe de Frédéric Hocquard a aussi tapé à la porte de la SNCF, du gestionnaire de sites de congrès et d’expositions Viparis ou encore des aéroports franciliens. « Rendons à Paris sa convivialité ! », appelle l’adjoint d’Anne Hidalgo. Recréer des moments festifs via la musique électro, c’est justement ce que souhaite Joachim Garraud. Le producteur et DJ français trépigne. Il a hâte de remonter sur la scène de l’Electrik Park Festival, qu’il a créé il y a 20 ans et qui se tient sur l’île des Impressionnistes à Chatou (Yvelines). En 2019, il avait accueilli quelque 20.000 festivaliers le premier week-end de septembre. « Refaire la fête normalement va prendre du temps. Mais on a de bons signaux de l’étranger et des premiers chiffres de vaccination, expliquait-il à Enlarge your Paris début mars, avant l’annonce du troisième reconfinement. L’an dernier déjà, nous avions prévu un protocole sanitaire avec du gel hydroalcoolique, un sens de circulation. C’est ce que nous remettrons en place cette année. »

Favoriser le hors-les-murs

À Magny-le-Hongre (Seine-et-Marne), la salle de spectacles File 7 espère programmer des concerts en plein air aussi. « On envisage un printemps avec des concerts en extérieur assis », se résigne Bénédicte Froidure, la directrice. Une condition que conteste Joachim Garraud : « Des gens qui ne peuvent pas danser, c’est complètement incompatible avec la musique électro ! »  Et pour Bénédicte Froidure, la directrice du File 7, c’est l’incompréhension : « Le public et nous, professionnels, ne comprenons pas comment on peut être debout dans les transports, dans les supermarchés et pourquoi pas devant un spectacle. »

Outre ces concerts immobiles, les organisateurs se heurtent aussi à une jauge de public fixée à moins de 5.000 personnes. Un critère qui a d’ores et déjà entraîner l’annulation de certains événements fréquentés par des dizaines de milliers de festivaliers comme Solidays, habituellement organisé en juin à l’hippodrome de Longchamp (16e). L’espoir est tout de même permis pour Frédéric Hocquard qui estime que « 50 événements dispersés dans Paris avec 1.000 personnes » seront possibles.

Mais quid des discothèques et autres salles de concert fermées depuis un an ? « On aimerait organiser des hors-les-murs aussi pour les clubs comme le Rex ou le Badaboum, et même pour les cinémas et les théâtres s’ils ne rouvrent pas », souhaite Frédéric Hocquard. Le hors-les-murs est d’ailleurs une solution éprouvée par les professionnels depuis l’an dernier, avec l’organisation de « concerts chez l’habitant ou de soirées sur le parvis du File 7, énumère Bénédicte Froidure. Nous allons relancer un appel à candidatures pour les habitants qui souhaiteraient accueillir des concerts dans leur jardin. Et étudier la possibilité de faire des concerts itinérants sur des remorques tirées par des tracteurs ».

L’heure est donc à l’innovation. Et à l’émergence de nouveaux acteurs pour raviver la flamme de notre vie sociale. Pour le journaliste Arnaud Idelon, spécialiste des soirées grand-parisiennes et auteur de Nuits d’Achille, les friches seront aussi des endroits de culture cet été. « Depuis le début de la crise, ils ont montré leur caractère communautaire par des initiatives solidaires : accueillir des SDF, apporter de l’aide alimentaire… Ils seront au rendez-vous, surtout ceux en extérieur. »

Quand Indochine joue les cobayes

Jusqu’à présent, tous les regards étaient braqués sur le concert d’Indochine à l’Accor Hotel Arena, prévu initialement à la mi-avril. Il s’agissait en effet du premier concert-test. En raison du reconfinement et de lenteurs administratives, il devrait être de nouveau reporté. « On attend toujours les autorisations. Pourtant, tout est prêt. L’AP-HP a lui-même établi le protocole sanitaire ! », s’exclame Frédéric Hocquard. 

Du côté du protocole, justement, 7.500 personnes participeront, debout et masquées, à ce concert. Elles auront été testées au préalable, le seront après le show et leurs résultats seront comparés à ceux d’un panel qui, lui, n’aura pas assisté au concert.  « A Barcelone, le premier concert-test a eu lieu en décembre dernier. L’Allemagne, dès l’été dernier, et ils continuent ! Quand est-ce qu’on s’y met ? », s’impatiente l’élu. Pour Bénédicte Froidure, « le signal le plus positif que l’Etat pourrait envoyer est d’autoriser le Printemps de Bourges, puis dans la foulée, les établissements recevant du public à ouvrir. Les équipes sont prêtes, elles ont bossé comme des dingues pour respecter les contraintes annoncées. » Because the show must go on.

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